Billet invité. P. J. : la position défendue ici par Un Belge vis-à-vis de l’action de Paul Magnette est plus critique à son égard que ne l’est la mienne. J’ouvre ainsi le débat 😀 .
À l’heure où la Wallonie (Région Wallonne, l’une des trois régions officielles de Belgique) se trouve sous les feux de l’actualité internationale pour son refus de ratifier le CETA (en français AECG : Accord Economique et Commercial Global), il n’est pas inutile de rappeler quelques éléments…
Tout d’abord, Paul Magnette n’est pas Che Gevara. Il est à la fois ministre-président de la Région Wallonne et n°2 du PS francophone. Mais il est aussi… bourgmestre de Charleroi. Or c’est précisément à Charleroi (Gosselies) que le groupe américain Caterpillar vient de fermer l’une de ses usines, début septembre, privant d’emplois 6000 personnes. Cela a causé un enième traumatisme social dans cette région déjà très éprouvée… alimentant une surenchère de déclarations politiques courroucées contre une mondialisation sans garde-fous. C’était il y a quelques semaines à peine.
Ensuite, la Belgique est un Etat fédéral. La Wallonie (ou Région Wallonne) a son propre gouvernement. En ce moment, la majorité à la tête de ce gouvernement rassemble deux partis : le Parti Socialiste (de Paul Magnette) et le Centre Démocrate Humaniste (ex sociaux-chrétiens). Ces deux partis ont plusieurs points communs : ils sont absents de la coalition en place au gouvernement fédéral ; ils échouent à se différencier politiquement de cette majorité fédérale et à exister face à elle ; ils ne cessent de perdre des plumes dans les intentions de vote au profit notamment du Parti des Travailleurs de Belgique, parti de gauche radicale en pleine progression ; ils traversent de sérieuses crises internes.
Malgré cela, le CETA aurait probablement été ratifié par le Parlement Wallon… sans un troisième élément décisif : le fait que la Wallonie est un petit territoire traversé par des réseaux associatifs et syndicaux à la fois très denses, très bien informés, et très proches des cercles du pouvoir. A partir du moment où, dans ces réseaux (notamment agricoles), une unanimité se fait contre le CETA et le TTIP (décortiqués dans des conférences d’un bout à l’autre du territoire), ratifier l’un de ces traités devient, pour les deux partis au pouvoir en Wallonie, un véritable suicide politique.
Ce qui précède ne doit pas enlever aux ministres wallons leur part de mérite dans la résistance qu’ils opposent aux grandes manœuvres de l’Olympe européenne. Mais ce serait une erreur de croire qu’ils en sont ravis et de les comparer aux irréductibles Gaulois du Village d’Astérix. Car ce n’est pas du tout sous ces traits que les ténors du PS et du CDH wallon rêvent de briller dans la sphère politique et médiatique internationale. En fait, ils sont tout simplement coincés… contraints à un leadership qu’ils désapprouvent. Un peu comme Charlot ramassant un drapeau rouge et se retrouvant catapulté en tête d’une manifestation dans une scène culte des « Temps Modernes ».
D’où cette insistance des ministres wallons à réclamer d’abord… du temps : pour continuer à travailler, continuer à réfléchir, continuer à négocier (on connaît la chanson depuis la Grèce). Ce temps est nécessaire pour que la tension s’atténue, pour que le souvenir de Caterpillar Gosselies retombe, pour que la résistance ait redoré les blasons… et pour qu’un peu de gages soient donnés aux réseaux syndicaux et associatifs, dont la géométrie reste variable et imprévisible à moyen terme.
Bref, ne boudons pas notre plaisir de voir un véritable débat et une véritable résistance émerger… mais ne soyons pas naïfs quant à ceux qui paraissent l’incarner : attendons un peu avant de crier aux héros.
À ce stade, sauf l’honneur, rien n’est encore sauvé !
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