Billet invité
L’actualité faisant de la petite région wallonne « un village gaulois » pour les opposants au CETA ou pour les partisans du traité, un vulgaire trouble-fête, m’a amené à me poser la question suivante : l’Europe des Régions est-elle plus démocratique que l’Europe des Nations ?
Bien évidemment, la question démocratique de la construction européenne ne réside pas dans une simple question de dimensionnement des parlements à l’échelle régionale ou nationale. Pourtant, tout le monde se pose aujourd’hui la question du changement des institutions européennes pour les rendre plus démocratiques.
Certains pensent que l’Europe est encore réformable de l’intérieur en instituant par exemple des contre-pouvoirs avec des institutions nouvelles ou un contrôle des mandats par les citoyens. Et très souvent, ceux-ci considèrent qu’il n’y a pas d’autre alternative hormis les projets de la droite extrême vers un repli identitaire.
Il me semble que c’est faire peu confiance à la richesse de l’imagination humaine.
Changer de paradigme, la manière de voir la construction européenne suppose d’ouvrir la réflexion, d’élargir notre perception de l’Europe et de ses institutions.
Tentative architecturale et graphique
C’est dans ce sens que je vous invite à porter un regard architectural ou graphique sur cette entité tellement abstraite qu’est l’Europe. Dans un premier temps, je comparerais la construction européenne actuelle à une voûte d’ogive.
J’ai choisi cette représentation parce qu’elle montre bien en 3D, la répartition des forces qui s’exercent sur la base des piliers. Vous voyez certainement où je veux en venir d’un point de vue social. Et vous remarquerez au sommet, une pierre unique qui pourrait représenter seulement 1%, voire même 0,1% du volume total de l’édifice, quand on sait comment ensuite on charge la voûte pour assurer sa stabilité. Et comme le « Too big to fail », on se charge de nous faire comprendre que vouloir faire bouger la clé de voûte remettrait en cause la stabilité de la totalité de l’édifice dans une promesse de chaos.
C’est en quelque sorte une allégorie de la conception hiérarchique de la société dans laquelle la force de pression peut être remplacée par la force du pouvoir de décision.
Pour continuer, si je peux me permettre une interprétation architecturale de ce que proposent les réformateurs de l’intérieur, le renforcement par augmentation de la présence du suffrage universel dans les institutions ainsi que de nouvelles instances destinées à contrebalancer le pouvoir de lobbying des grands groupes industriels ou financiers pourrait s’apparenter (tout au moins à mes yeux) à des contreforts.
Laissons de côté le fait qu’ils permettent de définir les « bas-côtés » (ça c’est ma mauvaise foi) et imaginons même que ces contreforts parviendraient à alléger les forces s’exerçant sur la base des piliers. Pour ma part, je n’y vois pas de changement de paradigme. Il me laisse plutôt entrevoir une escalade verticale entre pouvoir économique et contrepouvoir social, sans garantie qu’à la fin l’édifice ne s’écroule pas.
Essayons de changer de paradigme.
Ce que je vous propose maintenant, c’est d’essayer de nous représenter la société européenne dans une perspective à seulement 2 dimensions, ce qui représente pour moi un vrai changement de paradigme. Voici à quoi cela pourrait ressembler :
(Bon, on est d’accord, on oublie tous les fantasmes ufologiques qui tournent autour de ça, sachant que celui-ci est l’œuvre d’une société de Pub !)
Chaque cercle pourrait être une instance de débat et/ou de décision à différents niveaux, du local au global, avec des interconnections comme dans un réseau neuronal. L’abandon de la 3ème dimension verticale permet de se représenter (à mes yeux) une société de réseaux horizontale en opposition à une société hiérarchique verticale.
Il ne s’agit pas pour moi de condamner définitivement la forme hiérarchique qui peut s’avérer nécessaire dans des situations d’urgence (pompiers, urgences médicales, armée…) car elle est particulièrement pertinente en matière d’efficacité. Mais dans la perspective d’une société en paix, paix dont on nous rebat les oreilles pour justifier pleinement la construction européenne, sous-entendu également non soumise au dictat de la guerre économique que d’aucuns nous impose, dans cette perspective de paix donc, l’abandon de la hiérarchie verticale au profit du réseau horizontal me semble un vrai changement de paradigme.
D’autres formes sont envisageables :
Dans celle-ci, me semble-t-il, les liens et rétro-liens (ou contre-pouvoirs) sont plus visibles. Ils permettraient de limiter les zones de concentration excessive de pouvoir.
Pour moi, repenser la société et même plus particulièrement l’Europe doit (ou peut) s’inscrire dans cette perspective à 2 dimensions, réfléchie au niveau des peuples et pas des euro-écono-technocrates. Si la paix et le progrès social doivent représenter le bien communautaire, c’est aux peuples d’en définir l’organisation.
Pourquoi confier ce changement de paradigme aux peuples et non à nos élus ?
L’Europe ne s’est pas construite ainsi parce que, se faisant, elle aurait pu échapper au projet prédéfini d’une élite européenne en place (grande bourgeoisie européenne, industriels de grande envergure, banquiers,…). Je ne parle pas de complot mais simplement de défense des intérêts communs des 1%, voire 0,1%.
Tant que nos élus voteront leur niveau de rétribution, leur droit de cumulard, le taux de leur retraite et de leurs indemnités en cas de non réélections, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils soient favorables à ce que des citoyens lambda viennent fourrer leur nez dans leurs petits privilèges.
Dès lors, on peut comprendre que pour les adeptes et les bénéficiaires de la clé de voûte, changer de paradigme soit dur à avaler !
Pourquoi aujourd’hui plus qu’avant, ce changement de paradigme est-il possible ?
La Démocratie, dont ne voulaient déjà pas les grands penseurs de la Révolution française, continue inlassablement à vouloir soulever le bitume de l’histoire, pour chercher à s’épanouir au soleil. L’éducation populaire n’a fait que renforcer la vitalité de l’aspiration démocratique des peuples, l’Internet permet d’accélérer cette effervescence démocratique horizontale et bouscule aujourd’hui comme jamais la couche d’asphalte autoroutier du néolibéralisme.
Le changement de paradigme en Europe, pour ne pas avoir à choisir entre le repli identitaire et la soumission aux intérêts économiques, est à portée de main. Si nous décidons de nous en emparer.
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