Billet invité. Ouvert aux commentaires.
L’éditorial du Monde en date du 24 octobre 2016 : Échec du CETA : l’isolement de l’Europe est un contresens, tire l’oreille de la Belgique, petit pays récalcitrant « qui a organisé le démantèlement de son État au profit des régions, en leur donnant un pouvoir exorbitant » : la Belgique a répondu aux sirènes du populisme et de la vetocratie. Refusant la belle offre du marché, elle risque la marginalisation de l’Europe et il faut la mettre au coin avec le bonnet d’âne, si ce n’est déjà fait.
Que peut-elle répondre à ce mauvais bulletin?
Tout d’abord, fédéraliser un État n’est pas une opération destructrice, ainsi que le suggère le terme « démantèlement ». On peut de l’extérieur s’interroger avec perplexité sur le conflit immémorial entre Wallons et Flamands, voire en rire. On doit cependant s’accorder sur le constat d’un dialogue entre les régions et de la volonté générale de respecter leurs différences.
À cet endroit se profile la singularité de la Belgique. Elle est un État que certains qualifieront d’« artificiel », regroupant des communautés culturellement très différentes. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles, là où il n’y pas vraiment de regroupement « territorial », le rôle de la culture et du dialogue doivent être prédominants. Ce principe va à l’encontre de celui du populisme, niant les disparités pour mettre en relief un prétendu « bon sens ».
Ensuite, comme l’a bien souligné Paul Magnette, Ministre-Président de la Région wallonne, l’engagement politique en Wallonie est vivant, fécond, les gouvernants se doivent de prêter l’oreille au grand mouvement porteur de celui-ci. Il n’est pas inutile de rappeler que des villes comme Liège ou Charleroi ont participé prioritairement au mouvement d’industrialisation qui a fait la gloire de la Belgique au 19ème siècle, mais leur population en a aussi beaucoup souffert suite à l’exploitation démesurée de sa capacité de travail. La terre de Wallonie est effectivement un berceau de luttes ouvrières, comme le fut à la même époque celle du Jura, et on peut lui être reconnaissant des acquis sociaux que ces luttes ont apportés.
Le mot « démocratie », revendiqué à juste titre, prend justement dans ce contexte tout son sens, dans son rôle fondateur de l’État et de revendication populaire.
Ainsi, la Belgique est bien un petit pays fabriqué de toutes pièces, dont les habitants ont cependant porté l’Histoire de manière courageuse, et ce serait leur faire déshonneur aujourd’hui de faire fi de cet héritage. Si la notion de « populisme » est négative, celle de « peuple », cependant, distinct en lui-même par ses valeurs et traditions, peut être fondatrice d’entente et de rassemblement.
À l’heure où beaucoup s’accordent à dire que le monde ne peut plus être perçu que sur deux plans, celui de la localité et de la globalité, la Wallonie par sa volonté d’exister et d’être consultée nous ramène à un sens de l’Histoire bien contemporain. Sinon, il n’y aura plus place pour personne et nous n’aurons plus qu’à nous fondre dans l’immense loi du marché, que notre avis n’intéresse pas.
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