Billet invité.
En faisant valoir ses droits et en bloquant l’adoption du traité commercial entre l’Union européenne et le Canada (CETA), le parlement wallon a décidé de ne pas jouer le jeu. Ce faisant, il a donné une leçon de démocratie dans un monde européen où elle n’est pas coutumière, suscitant l’incompréhension puis la colère des plus hautes autorités.
Ne pouvant l’admettre, et récidivant, celles-ci se sont permis de lui adresser un ultimatum, qui prend effet aujourd’hui. Lors du dîner d’hier soir précédant chaque Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement n’ont pu qu’enregistrer l’impasse. De multiples pourparlers et pressions vont jusqu’au dernier moment essayer de débloquer cette situation, afin de permettre au premier ministre canadien, Justin Trudeau, de traverser l’Atlantique pour venir jeudi prochain signer un document amendé. Mais cette issue est de moins en moins probable, l’échéance se rapprochant.
Le premier ministre wallon, Paul Magnette, a reconnu que quelques progrès avaient été enregistrés afin de clarifier les points litigieux du CETA, mais il a confirmé qu’aucun changement d’attitude de sa part ne devait en être espéré, sa révision plus profonde étant nécessaire. Pour la seconde fois, il rencontrera aujourd’hui les négociateurs canadiens, mais que peut-il en être attendu, les interlocuteurs wallons s’interrogeant sur le statut légal incertain des déclarations qui leur sont adressées ?
Le choix de la justice arbitrale représente un obstacle à l’approbation du CETA, ainsi que la crainte que les filiales canadiennes des entreprises américaines puissent profiter du dispositif pour obtenir un accès préférentiel au marché européen, au cas où l’accord commercial avec les États-Unis, le TTIP, ne verrait pas le jour en raison des réactions négatives qu’il suscite en Europe.
Comme s’il était besoin de cet épisode pour rajouter à la totale incertitude qui s’est installée à propos de la négociation du Brexit, qui donne lieu à des effets de manche brassant du vide, l’examen des budgets 2017 des États par la Commission débute dans la confusion. Dans le cas de l’Espagne, le parlement européen va dans l’immédiat lui sauver la mise en repoussant la date à laquelle la Commission va devoir prendre position. Car le bon élève de la classe ne l’est plus, ne parvenant toujours pas à réduire son déficit public comme exigé. Il va falloir attendre dimanche pour savoir si le PSOE va décider de s’abstenir lors du vote d’investiture d’un gouvernement Rajoy, ce qui le placerait en situation de négocier avec Bruxelles, ou de renier ses promesses électorales.
Cette situation ne lui est pas réservée, le gouvernement italien revenant encore une fois à la charge pour obtenir de la Commission une nouvelle dose de « flexibilité », qui a force d’être sollicitée devient introuvable. Le cas est particulièrement épineux, car il faut sauver le soldat Renzi. Le Portugal est par contre assuré du soutien de la BCE, Mario Draghi lui accordant un satisfecit et déclarant la BCE prête à continuer à acheter sur le second marché des titres souverains du pays, quelle que soit la note qui lui sera attribuée par l’agence de notation canadienne DBRS, la dernière à accorder la note permettant sur le papier à la BCE d’y procéder.
Le cas de la Grèce est plus simple, qui continue de bénéficier du soutien affiché de Pierre Moscovici dans ses négociations à rebondissements du déblocage des tranches successives de son troisième plan de sauvetage, en dépit de la pression intransigeante de Wolfgang Schäuble. Mais il est en même temps plus compliqué, ce dernier maintenant que tout assouplissement de la dette grecque réduirait la volonté de réformer le pays et qu’il ne faut pas l’envisager ! Une position que le FMI ne partage pas, qui fait de l’allégement de la dette une condition de sa participation au plan de sauvetage.
À la recherché d’alliés européens, Alexis Tsipras va engager une tournée européenne, mais que peut-il en espérer, car toute restructuration supposant une réduction de la dette implique que les gouvernements européens assument des pertes devant les électeurs. Donnant en Grèce un signal qu’Alexis Tsipras recherche, un reprofilage de la dette jouant sur les taux et les échéances, une fois passé le cap des élections allemandes, est davantage envisageable mais il ne fera que repousser le problème.
Certes, Wolfgang Schäuble ne capitule pas et cherche à dessaisir la Commission de son contrôle de la conformité des budgets annuels des gouvernements au profit du Mécanisme européen de stabilité (MES). Cela signifierait pratiquement l’arrêt de la politique d’assouplissement, mais est-ce bien une position tenable dans le contexte de la crise politique qui traverse désormais toute l’Europe ? À l’inverse, combien de temps sera-t-il possible de maintenir en cherchant à gagner du temps, la fiction d’une politique qui repose sur des préceptes dogmatiques sans rapport avec la réalité économique ?
Les deux années à venir – si tout se passe conformément aux dispositions prévues – vont être occupées par les négociations sur le Brexit, qui vont tenir le devant de la scène et permettre de laisser passer le temps sans trancher. La véritable échéance n’est-elle pas octobre 2019, quand surviendra au plus tard la fin de mandat de Mario Draghi ?
Entre celui-ci et Wolfgang Schäuble se joue un jeu qui ne peut être à découvert, la BCE pratiquant une politique dont la conduite échappe au ministre allemand et visant à préserver autant que possible l’intégrité de la zone euro, tout en faisant pression sur Berlin en introduisant et maintenant ses taux négatifs. Mais changer la donne réclame de tenir encore trois ans, une éternité…
Les traductions en temps réel, ça existe déjà. https://m.youtube.com/watch?v=iFf-nQZpu4o&pp=ygUedHJhZHVjdGlvbiB0ZW1wcyByw6llbCBhdmVjIElB