Billet invité.
Spécialiste d’histoire culturelle, archéologue et écrivain, David Van Reybrouck a notamment obtenu le prix Médicis Essai en 2012 pour son magistral « Congo, une histoire », publié chez Actes Sud. Il tente aujourd’hui de répondre, dans « Contre les élections » à la question : comment faire renaître notre démocratie si durement malmenée ces derniers temps, et surtout en période électorale ?
Deux constats sont à la base de cette étude fortement documentée. Le premier est le manque de légitimité dont souffre notre système démocratique, le second son défaut d’efficacité. Les symptômes du premier sont le faible taux d’inscription aux partis, l’absentéisme électoral, le manque de crédibilité accordée aux candidats. Les traces du second, nous les repérons à la lourdeur des institutions, la durée des délibérations, le triste record mondial obtenu par la Belgique d’un pays laissé sans gouvernement pendant une longue période.
L’auteur nous met d’avance en garde : une réaction populiste rejetant le cadre politique et ses acteurs ne nous sortira pas de l’impasse, l’action de technocrates fixée sur une gestion prioritairement plus efficace non plus.
Van Reybrouck nous emmène au cœur de la Grèce antique où existe pour beaucoup d’institutions un système de tirage au sort des citoyens. Malgré la sélection préalable opérée parmi eux, la liberté y est selon Aristote, respectée, puisqu’il y a une alternance entre gouvernants et gouvernés.
Cette étape historique est confrontée à d’autres, que nous avons tendance à caractériser comme démocratiques : la Révolution américaine et la Révolution française. Van Reybrouck démonte cette conception, la notion de démocratie n’ayant jamais été revendiquée par les révolutionnaires : il s’agit de remplacer l’absolutisme par un gouvernement aristocratique basé sur les conceptions d’élitisme et de richesse. Bref, le peuple n’est nullement sollicité pour donner son avis à cette glorieuse époque, nous devons faire le deuil de certains préjugés et développer plus avant notre idée de participation.
Un des éléments marquants de la transition que nous vivons aujourd’hui est la transformation d’une structure verticale – hiérarchisée – de la société en une perspective horizontale, c’est-à-dire l’attribution à chacun du droit à la parole et du respect de celle-ci. C’est ainsi que la notion de démocratie représentative élective apparaît comme un outil dépassé, créé pour répondre aux besoins de la société du 18ème siècle.
S’inspirant de pays comme le Canada, l’Irlande, l’Islande, qui ont mis en place des appareils citoyens fonctionnant sur le tirage au sort, Van Reybrouck nous montre les avantages de celui-ci sur plusieurs plans : écoute de tous les citoyens, sens des responsabilités de ceux-ci, gain de temps pour les réflexions centrales, en représentent quelques-uns. Il nous rappelle quel le texte de la Constitution de la Belgique de 1830 a servi de modèle pour de nombreux États et ce pays pourrait être un pionnier à l’époque actuelle en tirant au sort les membres du Sénat et en réservant l’élection à ceux du Parlement.
Par ailleurs, un chercheur américain, Terril Bouricius, a mis sur pied un modèle en six étapes, alternant tirage au sort et élections, tenant compte des échecs précédents dans différents pays, afin de redynamiser la démocratie.
À l’heure où l’Europe est tellement montrée du doigt, le remède proposé par David Van Reybrouck est une option tentante, et si l’on en juge par le peu de crédit accordé à cette « vieille » dame, presque tous les moyens seraient bons pour venir à son secours.
La lecture achevée, on ne peut cependant s’empêcher de se demander si le préalable démocratique ne serait pas de définir le cadre du jeu, son but de société, avant d’en établir de nouvelles règles, l’urgence n’étant pas : « Comment y va-t-on ? » mais plutôt : « Où va-t-on ? ». Peut-être, dès lors, les règles se poseraient-elles avec plus d’évidence.
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* David Van Reybrouck, Contre les élections, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin et Philippe Noble, Babel 2014, 219 pp.
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