Retranscription de Le temps qu’il fait le 13 octobre 2016. Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le jeudi 13 octobre 2016 et ce n’est pas toujours facile de trouver un bon angle dans une chambre d’hôtel : il y a des contraintes liées à la lumière.
Je suis à Bruxelles parce que j’interviens au Parlement Européen, à partir de midi jusqu’à demain à l’heure du déjeuner, dans la réunion des membres de la gauche dite radicale du Parlement Européen qui ont eu l’amabilité de m’inviter. Alors on va mettre des idées ensemble et on va voir ce que l’on peut faire pour relancer une Europe qui n’est pas celle dont on bénéficie en ce moment, qui n’est pas très brillante et qui n’est pas en très bon état. On va voir. Je vous ferai un récapitulatif, demain midi, de ce qu’on a pu dire [récapitulatif encore à venir].
Et dans 15 jours exactement, c’est-à-dire le 28, je serai de retour en rapport avec le Parlement Européen, parce qu’il s’agit d’un autre groupe qui m’invite : c’est le groupe Spinelli qui est lié au courant à proprement parler fédéraliste au sein de l’Europe. Et il y aura, entre autres, ce jour là, des fondateurs de ce mouvement : Monsieur Guy Verhofstadt, un politicien belge, mais aussi, également, Monsieur Cohn-Bendit qu’il ne faut plus présenter. Alors, là aussi, j’ai accepté.
Quand on me demande de venir parler de l’Europe, eh bien, je le fais très, très volontiers. J’aurai encore l’occasion d’être de retour en Belgique la semaine prochaine parce que là, il s’agit d’une invitation d’un autre horizon, qui n’est pas moins intéressant : c’est le monde syndical qui m’invite et c’est la principale fédération syndicale en Belgique. Il y en a deux grandes, il y a la CSC (Confédération des Syndicats Chrétiens), ce sont ceux qui m’invitent et puis, il y a la FGTB (Fédération Générale du Travail de Belgique) chez qui j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer également, d’inspiration socialiste. Là, je serai à Houffalize en Belgique, à la CSC, je crois que ce sera le 21. Et le lendemain, il faut que je courre entre Houffalize et la Bretagne, parce que je serai, le lendemain, à Gâvres (Morbihan), le soir, dans un café-librairie et on discutera du Dernier qui s’en va éteint la lumière.
À ce propos là, vous avez dû voir … (vous allez comprendre ce que je veux dire par « à ce propos là »), j’ai donné à ce livre, Le dernier qui s’en va éteint la lumière, un titre qui plait : qui a plu à l’éditeur, qui plait au lecteur, mais qui n’est pas très explicite sur ce dont ça parle. Et vous avez dû voir, il y a un article qui a paru dans une revue en ligne qui s’appelle « Sciences critiques », et c’est un article qui s’appelle… je ne m’en souviendrai pas, mais l’idée c’est qu’il y a un problème fondamental avec le … « Se débarrasser du capitalisme » ? enfin, le titre ne me revient plus exactement… Et vous avez dû voir que c’est un article qui est extrêmement lu. La dernière fois que j’ai regardé, je crois qu’il y avait 7.000 « likes » qu’on peut faire par Facebook. Je crois qu’il n’y a jamais eu ça sur le blog. Ah, oui, c’est ça : « Se débarrasser du capitalisme est une question de survie ». Et c’est ce que je dis depuis des années, certainement depuis mon livre qui s’appelle Le capitalisme à l’agonie, publié en 2011, qui là, avait un titre explicite : où on parlait du capitalisme et je crois que ce qui a plu essentiellement au lecteur, ce n’est pas que j’aurais dit des choses nouvelles (tout ce que je dis là, ce sont des choses que j’ai déjà dites ailleurs), mais peut-être que ce titre attirait l’attention sur le message explicite de ce que je dis depuis pas mal d’années. Et c’est formidable que vous soyez aussi nombreux à lire ça et, surtout, ce que ça veut dire, ce caractère viral sur les réseaux sociaux, c’est bien entendu que vous recommandiez, vous qui avez lu le texte, vous recommandiez à d’autres personnes de le lire.
Et, hier, j’avais improvisé une petite réunion au Vicomte à Bruxelles, puisque, voilà, j’arrivais la veille de ma réunion de tout à l’heure. Et sont venus, en particulier, 3 personnes. 3 personnes… sur les 8 que nous étions, il y en avait 4 qui étaient nouveaux, c’est-à-dire qu’ils n’étaient jamais venus à des réunions avant. Mais c’est lié à ce texte, c’est lié à mon livre, c’est que les gens veulent en savoir plus. Ça a été une réunion finalement très intéressante : on a pu parler de choses importantes, sur celles qui se sont passées en fait depuis que j’aie eu la dernière fois une réunion au Vicomte. C’était exactement il y a un an, c’était en octobre 2015. Mais mon enseignement à la VUB, à Bruxelles, s’interrompait, donc je n’ai plus eu tellement l’occasion de passer à Bruxelles. Surtout être présent un week-end, parce que les réunions au Vicomte, se faisaient un samedi.
Alors, il se passe quelque chose. Il se passe quelque chose dans l’engouement qu’il y a eu et dont je me réjouis, pour ce texte qui circule et qui est beaucoup lu. Continuez à le faire circuler, j’ai effectivement eu l’occasion – c’était un très bon entretien – de dire pas mal de choses et on a pu avancer, couvrir pas mal de choses au niveau de l’État-providence, de l’emploi, de ces questions fondamentales qui se posent à nous. On va continuer le débat. En fait, en réfléchissant un petit peu à ce projet dont je vous parlais, vendredi dernier, de rassembler l’ensemble de mes chroniques pour en faire un volume, l’engouement, depuis, pour cet article, m’a fait penser d’essayer d’articuler, peut-être, les différentes chroniques en les présentant autour des arguments qui sont présentés là. Certains d’entre vous, je l’ai vu, font circuler une des phrases de cet entretien que « se débarrasser du capitalisme, c’était autrefois une question de justice mais que maintenant, c’est véritablement une question de survie pour l’espèce ». Je crois qu’effectivement, vous avez raison de faire circuler cette phrase, non pas parce que c’est moi qui l’ai prononcée, mais parce qu’elle résume bien, je crois, le problème du genre humain, en ce moment.
Il y a moyen de sauver l’espèce, mais pas avec la philosophie carnassière qui est la nôtre. Quand on creuse un petit peu, parce que je suis en train de mettre ces textes en place, ce ne sont pas des individus, évidemment, qui sont responsables de ce qu’on voit en arrière-plan comme étant les difficultés qui sont les nôtres. Encore que, il faille spécifier quelque chose. On m’a posé cette question : une de ces personnes qui sont venues pour la première fois, hier au Vicomte, elle m’a dit « Qu’est-ce que vous pensez du complotisme ? » Alors, j’ai dit ce que je pensais du complotisme, c’est-à-dire que le complotism, c’est qu’on ne donne pas aux gens les explications importantes sur ce qu’il faudrait faire ou comment ça marche, alors les gens inventent quelque chose. Et la tendance naturelle des gens en terme d’explications, quand on ne sait pas ce qui se passe, c’est en termes de bouc-émissaires, c’est-à-dire, c’est un groupe de gens, quelque part, qui a organisé quelque chose.
Mais alors là, il faut qualifier ça. Quand je regarde tout ce qui n’a pas marché depuis 2008, il y a un instrument financier qui est au centre de tout ça, c’est le « Credit-default Swap », le « CDS ». Voilà, l’« échange de défaut sur un crédit », c’est-à-dire cette forme d’assurance mais qui est tout à fait spéculative sur un risque que l’on pourrait encourir, à propos d’une obligation : le non-paiement des intérêts et le-non remboursement. Et, quand on regarde, on peut vraiment articuler l’ensemble de nos difficultés autour de ce « Credit-default Swap ».
Mais, quand on creuse un petit peu, pourquoi est-ce que cet instrument financier a été accepté ? et pourquoi est-ce qu’il y a des gens qui continuent à le justifier ? la seule chose qui le soutient, ce n’est absolument pas les faits : ce sont des théories faites par des représentants de la « science économique ». Ces fameuses personnes qui essayent de redresser la tête et qui essayent de nous justifier, maintenant, en toute fin de parcours, ce qu’ils auraient pu faire et voilà, les méthodes qu’ils ont utilisées. Et ce « Credit-default Swap », c’est un instrument spéculatif qui est essentiellement soutenu par l’idée qu’il n’y a pas de spéculation selon la « science » économique et que les marchés auraient tendance à placer les prix au bon niveau.
Alors, tout cela est absolument faux, tout cela ne tient pas, tout cela n’a jamais été prouvé. Au contraire, quand on a essayé de vérifier ce genre de choses cela ne marche pas. C’est un dogme, il faut bien le dire. C’est un de ces dogmes qui sont au centre de la « science » économique. Et quand je disais, tout à l’heure, que ce sont des structures et pas nécessairement des personnes qui sont responsables, il faut quand même bien se dire qu’il y a des groupes de personnes qui ont voulu mettre en place cet ersatz de science économique qu’on nous propose maintenant, qui est dominante, qui, en France, est absolument hégémonique, c’est une tentative de type idéologique. On sait, et là, on sait, ce n’est pas une question d’essayer de deviner s’il y a eu des groupes qui se sont réunis en secret, non : ces groupes ce sont réunis à la vue de tout le monde. Il y a eu des minutes, il y a eu des comptes rendus de leurs discussions.
La première fois, c’est en 1938, c’est le [colloque Walter] Lippmann qui s’est tenu à Paris. Et se trouve déjà, au milieu de ces gens, il se trouve déjà le fameux Friedrich von Hayek, le chantre de l’ultralibéralisme, et son maître von Mises. Ils sont déjà là. Et quand ils se réunissent à nouveau pour créer la société du Mont-Pèlerin en 1948, on a récolté, en plus, Milton Friedman. Il n’y a pas qu’eux. Il n’y a pas qu’eux… Bon, il faut bien le dire : quand on a Milton Friedman et von Hayek, on a les deux personnes qui ont été soutenir – avec enthousiasme – Pinochet – qui ne leur avait rien demandé. Ils sont allez dire, comme l’a fait Hayek, au Chili, qu’ils préféraient un régime libéral et non-démocratique à un régime qui serait démocratique mais non-libéral. Ce sont des ennemis de la liberté, ce sont des ennemis de la démocratie, il ne faut pas qu’on s’y trompe ! Ces gens : les marionnettistes de cette « science » économique, ce sont des gens qui ne sont pas attaché à la démocratie, ce sont des gens qui sont attachés à la liberté des marchés. Et les marchés, qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas quelque chose qui serait omniscient et pourrait veiller à notre bien à tous, non, ce sont les rapports de force qui font que les riches l’emportent quand il y a une opposition entre un pauvre et un riche. Voilà, c’est ça les marchés. Je me suis un peu accroché avec Monsieur Henri Gaino, l’autre jour, quand il disait que les marchés, c’était quelque chose de parfaitement anonyme. Je lui ai dit : « non, les marchés, ils ont un nom, et plus on a d’argent, plus on a une place importante dans les marchés et plus on détermine ce qui va se passer ».
Voilà, un petit résumé de la semaine qui se termine et celle qui s’annonce. Voilà, je vous retrouve, j’espère bientôt : la prochaine fois que j’aurai quelque chose à dire et, au plus tard, vendredi prochain. Voilà, au revoir.
Beau projet pour une « start-up » ! Elon Musk n’aurait pas 8 millions d »€ pour éliminer un concurrent encore plus radical…