Espagne : AU BLOCAGE SUCCÈDE L’INSTABILITÉ, par François Leclerc

Billet invité.

Ces derniers temps, la comparaison s’était imposée entre la situation de Pedro Sanchez à la tête du PSOE espagnol et celle de Jeremy Corbyn à celle du Parti travailliste britannique. Elle se fondait sur l’identité de leur situation, tous les deux s’appuyant sur la base de leur parti et en conflit avec leurs appareils.

La comparaison s’est arrêtée samedi dernier, lorsque la majorité des membres du Comité fédéral du PSOE a refusé de convoquer un congrès extraordinaire, comme Pedro Sanchez le leur demandait, ce qui a entraîné sa démission. Jeremy Corbyn avait au contraire été adoubé par les militants le 24 septembre dernier.

C’en est fini de l’intransigeant refus du secrétaire général de laisser Mariano Rajoy revenir au pouvoir à la tête d’un gouvernement minoritaire, qui menait tout droit vers de nouvelles élections. La perspective de l’investiture d’un gouvernement minoritaire avec à sa tête le dirigeant du parti populaire se renforce, le PSOE s’abstenant. Dans la crainte d’être laminé si la situation débouchait sur la tenue d’élections pour la troisième fois, incapable de franchir le pas d’une alliance avec Podemos, les dirigeants socialistes ont choisi de remettre Mariano Rajoy en selle, prenant le risque que celui-ci tire les marrons du feu au sein de son électorat. Le spectre du PASOK laminé par Syriza est dans toutes les têtes. A nouveau, la social-démocratie européenne va vivre des mauvais jours.

Mariano Rajoy va pouvoir se retourner vers Bruxelles, à la manière de Matteo Renzi se présentant comme le meilleur rempart à l’aventure, pour obtenir à son tour de la flexibilité. Dans un premier temps, la fragilité relative de sa situation sera son meilleur atout. La Commission, divisée lorsqu’il a fallu décider de sanctions pour finalement ne pas en prendre, va-t-elle ou non continuer à faire preuve de compréhension et temporiser, ou bien réclamer de nouvelles restrictions budgétaires  ? Le PSOE pourra-t-il, si ce n’est pas le cas, maintenir aux Cortes une politique abstentionniste afin de ne pas faire tomber Mariano Rajoy et susciter des élections ? A ce jeu, tout le monde se tient par la barbichette et cela ne peut pas durer longtemps.

La perspective de l’arrivée au pouvoir de Podemos déçue, la mobilisation des « Marées » désormais un souvenir, le mouvement va devoir se trouver de nouvelles perspectives. Sans autre issue que de se présenter comme la seule alternative à la droite, afin de mordre sur l’électorat socialiste et récupérer des militants, dans l’attente qu’interviennent des évènements dont il est le spectateur et non l’acteur.

En Espagne, le système politique reposant sur l’alternance de deux partis de gouvernement est mort. Leur alternance n’est plus possible et leur coalition impossible. Une telle situation, qui profite à la droite aujourd’hui, est facteur d’une profonde instabilité.

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