Billet invité.
Le but n’est pas ici de démontrer l’imposture qu’il y a à vouloir présenter l’idéologie mortifère des économistes orthodoxes sous le jour d’une science exacte s’appuyant sur des protocoles d’expérimentations normés et communément admis. Non, les articles de Paul Jorion (dont encore le dernier), ses livres, mais aussi la réponse des Économistes atterrés et surtout, le simple constat que plus les recettes ultra-libérales sont consciencieusement appliquées, plus la situation des 99% se dégrade, y suffisent amplement.
Mon interrogation est plutôt celle-ci : pourquoi ce livre-anathème, et pourquoi maintenant ?
Avant de tenter d’apporter une réponse à ces questions, une première constatation s’impose : celle de l’énorme couverture médiatique qui a accompagné la parution du livre. Pas une chaine de télévision, pas un hebdomadaire ni un quotidien, pas une station de radio pour ne pas présenter -ne serait-ce qu’en quelques mots – l’ouvrage de MM. Cahuc et Zylberberg. La chose pourrait se comprendre s’agissant d’un phénomène éditorial dont le succès inattendu proviendrait d’un formidable bouche-à-oreille, les médias seraient alors dans leur rôle en invitant et en donnant la parole aux auteurs d’un tel triomphe. Mais rien de tel ici. Le battage médiatique (quel autre terme employer ?) a commencé dès la parution du livre ! Et sans vouloir se montrer désagréable, il convient de souligner qu’un tel phénomène ne saurait s’expliquer par la notoriété (inexistante) des auteurs auprès du grand public.
Les premières victimes collatérales sont donc les journalistes eux-mêmes, dont l’empressement à mettre en avant un livre écrit par des illustres inconnus, étaye encore un peu plus les soupçons de collusion entre médias et monde économique.
Mais pourquoi écrire maintenant un tel livre, si ce n’est parce que les économistes « orthodoxes » sont totalement… démonétisés ? Oublié le glorieux passé de la contre-révolution ultra-libérale et du TINA triomphant. Oubliée l’époque bénie où les ‘experts’ pouvaient se permettre de traiter par le mépris et la condescendance les pauvres d’esprits qui ne comprenaient rien aux bienfaits de la religion féroce. Aujourd’hui, il n’est plus possible de passer sous silence la crise ‘totale’, à la fois financière et économique, et désormais environnementale, politique, et sociale.
Et que dire de la méthode consistant à décrédibiliser par l’insulte les travaux de ceux qui ne partagent pas votre idéologie ? Car insulte il y a. Même si elle est sur le registre éculé du ‘le-dire-sans-le-dire’, parler de négationnisme – et donc de la Shoa – revient à comparer économistes hétérodoxes et thuriféraires du IIIème Reich ! Ce qui est excessif étant vain, cela consiste finalement à se tirer une balle dans le pied. On ne s’étonnera donc pas si le scandale tant recherché, s’achève rapidement en eau de boudin.
Mais ce qui est finalement le plus intéressant dans l’utilisation de l’insulte et de l’invective en guise d’argumentaire, c’est de voir les experts apposer ainsi un Z majuscule à leur nom. Une sorte de particule fort peu nobiliaire, signant leur défaite dans la bataille des idées.
Voilà pour la bonne nouvelle.
D’un autre côté, l’évidence s’impose malgré les discours lénifiants : le réacteur économique qui semblait si performant jusqu’au krach de 2007, celui qui fonctionnait sur la mondialisation ultra-libérale, vient d’ingérer un gros corps étranger. Celui de la réalité sociale vécue quotidiennement par les dominés. Largement de quoi enclencher un cycle de rétroactions positives où apparaissent de destructeurs pics de compression, sous forme de terrorisme endogène, de toutes sortes de replis (communautaires, ethniques, religieux), et bien sûr, de montée politique des extrêmes. Tout cela dessinant le futur contour de sociétés cloisonnées et emmurées, que seul un pouvoir fort sera en mesure d’empêcher de basculer dans le chaos. Et dire qu’il n’aura fallu à l’ultra-libéralisme qu’un petit quart de siècle après l’implosion de l’URSS, pour transformer le rêve en cauchemar ! Pour que beaucoup désormais associent l’idée de construction européenne à celle de régression sociale, le mot de « politique » à ceux de corruption et de clientélisme, et finissent même par s’interroger sur le bien-fondé de la démocratie.
Voilà pour la mauvaise nouvelle.
De quoi est finalement le nom du brûlot de MM. Cahuc et Zylberberg, si ce n’est celui d’un monde en phase de décomposition rapide ?
La gravité de la crise en comparaison de 1962 ? Certes en 62 on est passé très près de la…