Billet invité.
La Deutsche bank a connu hier une nouvelle journée noire, son action dévissant de 7%, la valeur de ses obligations hybrides (contingentes et convertibles) diminuant de 3% et le spread de ses CDS augmentant de 250 points. En dix-huit mois, son action a perdu les 2/3 de sa valeur. Après le gouvernement italien, c’est au tour de Berlin d’être aux prises avec sa crise bancaire, et d’être coincé entre un bail-in réglementaire aux conséquences imprévisibles ou inacceptables politiquement, et un bail-out circonvenant aux dispositions de l’Union bancaire tout aussi désastreux en période électorale.
La banque sera-t-elle en mesure de régler l’amende actuellement fixée à 14 milliards d’euros par le Ministère de la justice américaine, qui remonte au scandale des prêts immobiliers subprimes, une fois celle-ci négociée ? Sur le papier, elle semble pouvoir la digérer, vu sa taille gigantesque et ses fonds propres. Mais avec un effet de ricochet pas assumable si cela devait impliquer un bail-in de sa dette subordonnée, qui pourrait avoir été achetée par les fonds de pension allemand. Comme toujours, s’agissant des mégabanques, les aspects systémiques d’une déconfiture font problème. La Deutsche a un rôle prédominant dans la liquidité interbancaire et dans les opérations de compensation avec l’étranger.
Dans l’immédiat, le gouvernement allemand et la direction de la banque ont affirmé chacun de son côté qu’il n’était pas question d’une recapitalisation. Il ne peut en être autrement, car si cela doit être le cas, elle a toutes les chances d’être repoussée au lendemain des prochaines élections législatives, qui doivent se tenir entre août et septembre 2017. Mais la question est déjà ouvertement posée, car la Deutsche est clairement trop importante pour chuter. Il va falloir tenir plus d’une année.
Le gouvernement grec est dans la même situation, ayant besoin d’une décision à propos de la restructuration de sa dette et de la diminution de ses objectifs d’excédent budgétaire, comme le FMI le réclame. Mais les dirigeants européens font pour la même raison la sourde oreille. Toute importante décision européenne dépend désormais du calendrier électoral allemand, c’est la démocratie !
Faisant contraste, les autorités américaines ne soulagent pas la pression sur leurs propres banques. Daniel Trullo, le gouverneur de la Fed en charge de la régulation, a annoncé que les huit plus grandes banques internationales d’importance systémique vont devoir augmenter leurs fonds propres de plusieurs milliards de dollars dès l’année prochaine afin d’accroître leur filet de sécurité. L’American Bankers Association (ABA) n’a pu lui opposer comme argument qu’un grand classique : « cela compliquera l’activité de prêt des banques. »
La Fed, qui a demandé en septembre dernier à deux autres régulateurs, le FDIC et l’OCC, qu’il soit interdit aux banques d’investissement de se livrer à des activités dans le domaine des matières premières n’attend pas que le Congrès à majorité républicaine statue. Les banques s’y livrant – Goldman Sachs et Morgan Stanley principalement – vont devoir renforcer leurs fonds propres de 4 milliards de dollars, si toutefois elle maintient telle quelle cette nouvelle disposition réglementaire qui est soumise à discussion.
Des deux côtés de l’Atlantique, les réponses apportées ne sont décidément pas identiques, même si elles ont en commun d’avoir renfloué sur fonds publics les banques. Voulant jouer sur tous les tableaux à la fois, les Européens ont enterré les faiblesses coupables de leurs banques et doivent désormais en assumer les conséquences quand elles deviennent trop criantes, dans la confusion.
Une intelligence humaine contemporaine « normale » (disons la mienne) va commencer par calculer les premières valeurs de e(n) (ou les faire…