Billet invité.
Les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et les accords qui les lieront dans l’avenir, probablement en plusieurs étapes, ne sont toujours pas formellement entamées. Dans l’immédiat, cela arrange les édiles européens qui n’ont pas à dévoiler leurs divergences d’intérêt, mais chacun les prépare dès maintenant.
Un troisième larron s’est invité à la table des négociations, que Theresa May a été rencontrer à New York lundi dernier, profitant de son passage aux Nations-Unies, les représentants de l’industrie financière en la personne des représentants de Goldman Sachs, Morgan Stanley et du fonds d’investissement géant BlackRock. Parallèlement, elle a invité à une réception la fine fleur des businessmen américains, dans l’intention de mieux connaître les desiderata des cousins afin de guider ses futures négociations européennes.
La question de savoir si un Brexit « dur » ou « mou » doit être recherché n’est en effet pas tranchée, avec au centre l’accès de l’industrie financière aux marchés européens et l’obtention ou non du fameux passeport dont ils bénéficient actuellement et qu’ils risquent de perdre. Les principales mégabanques américaines sont directement concernées, disposant de cette facilité via leurs filiales britanniques qui emploient 40.000 salariés à Londres.
Wall Street et la City, les deux grands centres de la finance mondiale, ont beau être concurrents, ils savent aussi jouer de leur complémentarité, et en l’occurrence faire front commun. À New York, Theresa May a évoqué en termes généraux le renforcement des échanges commerciaux et des investissements, mais une étroite coopération avec Wall Street permettant de peser un maximum sur les dirigeants européens est son objectif premier.
Les banques américaines, comme toutes celles qui sont installées à la City, vont avoir le choix entre transférer leurs activités avec armes et bagages après avoir obtenu des licences des pays de l’Union européenne, ou bénéficier d’un accord faisant des services financiers un cas particulier, s’il parvient à être dégagé. Moody’s croit en cette issue, faisant état d’une sérieuse piste évitant la perte de tous les droits « transfrontaliers ». La directive européenne MiFID 2 prévoit en effet un accès européen pour les établissements financiers d’un pays tiers, qui peut être obtenu sur la base d’une « décision d’équivalence du cadre juridique du pays ». Voilà qui donne du grain à moudre.
À Londres, les représentants des banques s’agitent. John McFarlane, qui préside Barclays Plc ainsi que le lobby de l’industrie financière TheCityUK, fait entendre un discours sans équivoque. Il presse Theresa May d’obtenir un accord intérimaire qui préservera pour l’essentiel le statu quo au-delà de la période initiale de négociation de deux ans qui devrait commencer à la fin de l’année, quand Theresa May a prévu d’activer l’article 50 du Traité de Lisbonne. L’American Bankers Association et les lobbies américains se sont également raccrochés à l’idée d’une « période transitoire », à la durée imprécise, et l’ont écrit au Secrétaire au Trésor américain Jack Lew. Les grandes manœuvres ont commencé.
Reza Moghadam, l’un des vice-présidents de Morgan Stanley, a entretemps dévoilé un plan reposant sur deux idées-forces : le Royaume-Uni devrait rejoindre l’Union bancaire et garantir la liberté de circulation pour les salariés des services financiers. Certes, admet-il, cela placerait les établissements installés à Londres dans le cadre de la réglementation européenne et sous le contrôle des régulateurs européens, mais cela s’inscrirait dans un mouvement qui déporterait vers le Conseil de stabilité financière (FSB) la régulation bancaire mondiale. Son président, Mark Carney, est en effet également le président de la Banque d’Angleterre…
Nous sommes au début d’une très instructive leçon de choses qui va montrer comment les autorités politiques se font sans équivoque, le relais des intérêts financiers quand on en vient à l’essentiel. Tout ce qui fait obstacle à la mondialisation financière doit être balayé. Même le gouvernement japonais s’y est mis, exprimant dans un mémo le souhait que les frontières ne fassent pas obstacle au talent bancaire…
@Pascal Même Trump peut s’apercevoir que le Groenland, Panama ou le Canada c’est plus proche et plus important qu’un bout…