Billet invité.
On le sait, la torpeur des vacances n’est pas vraiment propice à une intense réflexion, aussi ne reprenons-nous le chemin de ce blog qu’avec le pauvre miel de nos rares et paresseux butinages dans la presse de ce mois d’août.
Dans TELERAMA (semaine du 20 au 27 août), nous avons eu le plaisir de retrouver confirmée (et livrée au large public de cet hebdomadaire-télé) l’intuition qui guide l’actuelle réflexion de Paul Jorion, à savoir la conclusion à laquelle aboutit le climatologue américain, James Hansen, dans l’entretien qu’il accorde à ce magazine : l’aveu de ne trouver à grappiller un peu d’espoir pour un futur humain viable que du côté de la Chine. James Hansen, climatologue de renom, directeur du Département Climat à l’université de Columbia, fut l’un des premiers scientifiques à prédire dès 1988 le grand changement climatique en cours et surtout à dénoncer — il le fit devant le Congrès des Etats-Unis — l’entière responsabilité des activités humaines dans ce processus dévastateur. Il est aujourd’hui l’instigateur des « plaintes » officiellement déposées en 2015 (et jugées recevables) contre les instances au pouvoir par une poignée de jeunes gens au nom de la sauvegarde de leur avenir.
Voici sur quelle petite note d’espoir se termine l’interview : « Je pense que la solution viendra de la Chine, parce que leurs dirigeants, tous ingénieurs, sont rationnels, ne contestent pas la réalité du réchauffement et sont confrontés à la catastrophe sanitaire de la pollution atmosphérique, qui les oblige à agir. »
Autre son de cloche porteur d’espoir dans les pages du CANARD ENCHAINE (du mercredi 17 août) : sous le titre « Une nouvelle ZAD arrive par la Chine« , le Palmipède nous informe que ça barde du côté de Shanghai, très exactement à Lianyungang, où la municipalité se voyait bien accueillir en douce une usine de retraitement de déchets nucléaires sous la houlette de, comme dit le Canard, « notre Areva national avec CNNC, son homologue chinois« . La population s’est très vigoureusement mobilisée et la municipalité a dû rétro-pédaler en toute hâte vers la « suspension » du projet. La population chinoise est très sensibilisée à toutes les formes de problèmes environnementaux et c’est probablement à ce jour une des populations les mieux informées (via tous les canaux des réseaux sociaux) et les plus vigilantes du globe. Un très grand nombre de ce que le gouvernement de Pékin baptise « incidents de masse » (manifestations et émeutes) a pour origine une protestation contre des atteintes à l’environnement. Et souvent (de plus en plus) les autorités sont obligées d’en tenir compte. Dosons néanmoins notre enthousiasme : en Chine capitaliste comme ailleurs, quand de gros profits sont en jeu, beaucoup de têtes ont le tournis et les intentions vertueuses ont du plomb dans l’aile !
Dans un tout autre registre, notre dernière « pioche » de l’été, dans MARIANNE (semaine du 12 au 18 août) avec un article signé Romain Franklin et intitulé « Falun gong, la secte qui défie Pékin« . Nous avons déjà évoqué cette secte qui défie le Parti Communiste Chinois et l’inquiète suffisamment pour être pourchassée sans ménagements sur le territoire chinois, mais qui prospère à Taïwan et aux USA. L’article nous dépeint de façon assez juste une secte comme la Chine en a tant connu, avec à sa tête, réfugié aux Etats-Unis, un personnage messianique, Li Hongzhi, aussi « illuminé » et barjot que son rôle l’exige, voyant la main des extraterrestres derrière toute la science moderne et se faisant fort d’assurer magiquement, mais moyennant finances, le salut à ses ouailles. Un grand classique en somme. Mais où l’article nous a fait un peu tousser, c’est quand l’auteur écrit : « Depuis soixante-sept ans qu’elle est au pouvoir, la dictature chinoise éradique systématiquement toute émanation de la société civile et noyaute les groupes sociaux et religieux qui pourraient potentiellement constituer une force politique concurrente. Ceux qui ne peuvent être soumis, tel Falun gong, sont à détruire corps et âme. » Nous ne contestons certes pas le caractère fortement autoritaire du gouvernement chinois ni les abus auxquels il lui arrive de se livrer, mais tout de même l’évidence tranquille de l’expression « la dictature chinoise » ici employée nous fait tiquer un brin : le mot « dictature« , très lourdement connoté négativement chez nous et collé en toute bonne foi (semble-t-il) sur la Chine est révélateur d’une mauvaise habitude dont il semble que nous ayons peine à nous défaire et que nous n’interrogeons même plus, à savoir le pouvoir (de droit quasi divin) que nous nous arrogeons en Occident d’étiqueter le reste du monde en fonction de nos propres lunettes. Il nous semble tout « naturel » de nous poser en distributeurs patentés des bons points et des blâmes. Principe en vertu duquel fut décrétée naguère, avec les effets que l’on sait, l’existence d’un diabolique « axe du mal » sur la planète ! Ce n’est pas là autre chose qu’un avatar de notre vieil impérialisme, réduit (mais ce n’est pas rien !) à régenter le vocabulaire en vigueur et le mainstream de la pensée politiquement correcte mondiale. La phrase ci-dessus laisse aussi planer un double soupçon concernant M. Romain Franklin : d’une part, il semble oublier qu’en France, pays qu’il doit logiquement estimer démocratique, les sectes sont l’objet de la surveillance d’un « Observatoire » et sont passibles de poursuites, voire d’interdictions, si elles sont jugées dangereuses ou nocives. D’autre part, en parlant maladroitement (?) d’ « émanation de la société civile » en conclusion d’un papier sur Falun gong, il laisse entendre qu’une secte de ce type (dont le gourou ne diffère guère de Ron Hubbard, Moon ou Raël) acquerrait une légitimité et un label démocratiques du seul fait qu’elle se donne comme objectif ultime d’éradiquer de Chine l’abominable communisme. Ce que voudront évidemment entendre tous ceux, encore nombreux, qui croient que le mot « chien » mord et que le mot « communiste » a un couteau entre les dents ! Pour ce qui est de la « force politique concurrente« , notre choix est fait : tout bien réfléchi, nous préférons savoir M. Xi au pouvoir à Pékin plutôt que M. Li !
25 réponses à “Chine : un peu de décousu, glané au hasard de la presse, par les après-midi d’été…, par DD & DH”
« nous avons eu le plaisir de retrouver confirmée … l’intuition qui guide l’actuelle réflexion de Paul Jorion, …l’aveu de ne trouver à grappiller un peu d’espoir pour un futur humain viable que du côté de la Chine. »
Télérama confirme donc l’intuition de PJ, plié!! Ne boudez pas votre bon plaisir, le post-totalitarisme c’est l’avenir, un futur humain viable, guère enviable.
« tout bien réfléchi, nous préférons savoir M. Xi au pouvoir à Pékin plutôt que M. Li !
Conclusion finale, lutte en phase terminale? La torpeur des vacances fait froid dans le dos.
« Voici sur quelle petite note d’espoir se termine l’interview : « Je pense que la solution viendra de la Chine, parce que leurs dirigeants, tous ingénieurs, sont rationnels, ne contestent pas la réalité du réchauffement et sont confrontés à la catastrophe sanitaire de la pollution atmosphérique, qui les oblige à agir. » »
« Espoir » est une disposition de l’esprit humain qui consiste en l’attente d’un futur bon ou meilleur; cette petite note d’espoir sonne étrangement lugubre.
Ce qui les oblige à agir, c’est le triste constat de leurs agissements.
Les ingénieurs-dirigeants rationnels sont-ils donc sélectionnés pour leurs qualités?
En Chine, il y a des paysans avec un masque de pollution qui roulent en calèche dans des zones industrielles où on ne voit rien à 100m.
En Chine, il est possible de faire tout ce qui est permis.Occupez-vous de votre famille, voyez vos amis, réjouissez-vous, buvez, mangez, enrichissez-vous,découvrez le pays, mais prenez bien garde à surtout ne pas faire de politique et tout ira bien.
Jorion, tu commences pas à te lasser des chinoiseries de ces deux lascars ?
Qui baisent le cul de Hansen, grand défenseur du nucléaire devant l’éternel réchauffé s’il en est, et, simultanément, les pieds des zadistes anti-nuc chinois ?
Qui, tout bien réfléchi, baisent le cul de Xi et chient à la gueule des pauvres gonzes et gonzesses persécutés parce qu’adeptes du Falun Gong ?
Moi si.
Ah ! Non ! je ne m’en lasse pas !
Le commerce des idées a ses raisons que la Raison ignore.
Question: si j’avais écrit moi-même le commentaire inhabituellement grossier rédigé ici par le pilier de blog signant » Vigneron », n’aurais-je pas été modéré? Et je trouverais cela normal, reconnaissant ma connerie!
Ha , mon lascar !
Bonjour Monsieur Jorion, je n’ai pas eu le plaisir de vous écouter/rencontrer à Heer/Meuse hier (Massembre) , alors que suis « du coin », pas plus que je n’ai encore eu l’occasion de lire votre dernier ouvrage…ce que je ne manquerai pas de faire assurément.
J’ai cependant eu des échos de la soirée d’hier, et l’impression générale est que » vous n’êtes ni optimiste ni pessimiste »…est-ce la vérité? Je vous rejoins donc maintenant sur la Chine.
Intuitivement, le peuple chinois est un peuple doté d’une bonne capacité de résilience, qualité qui selon moi leur sera indispensable pour dépasser le sale cap du capitalisme peut-être déjà agonisant.
Mais l’ espoir que nous mettons en cette Chine empreinte d’une culture souvent insaisissable mais o combien fascinante, ne serait-il pas à tempérer? Un simple exemple ( emblématique à mes yeux): les nouveaux logements en Chine sont d’après mes infos, tous équipés de la climatisation (très polluante): les ingénieurs politiciens, s’ils avaient vraiment eu leur mot à dire, n’auraient-ils pas pu mettre un holà à cette hérésie d’un point de vue environnemental?
Cher brasseur,
je pensais comme vous, concernant la climatisation très polluante, avant d’aller vivre en Asie à 30°C et 80% d’humidité.
La clim’, une hérésie ? Tout comme le chauffage central chez nous.
Coucou,
Je crois que rien n’est démontré concernant le rechauffement anthropique !
Comme vous etes un homme de bonne volonte, qui interroge toutes les croyances, notamment economique, je serais trés interessé par un dialogue depassionné entre vous et mr Rittaud .
Bonne journée
STéphane
Contrairement me semble t-il aux thèses de Benoit Rittaud dans « La peur exponentielle » (2O15) il est rationnel de constater que l’émancipation de l’humanité par rapport aux conditions du milieu naturel de vie dessine, sur la très longue durée, une courbe exponentielle. Pour mémoire : 8000ans depuis les débuts de l’agriculture, 5000 depuis l’invention de l’écriture, 2500 ans pour la pensée grecque, 600 ans pour l’invention de l’imprimerie,250 ans pour l’essor de la production industrielle, 70 ans pour la première bombe atomique, 40 ans pour la mise au point du principe des réseaux d’information numérique. Force est de constater scientifiquement que cette croissance exponentielle du pouvoir de l’espèce humaine, en libérant sur le court terme récent les composés carbonés fossiles accumulés pendant des millions d’année présente des caractères cataclysmiques, qu’a décrit pour sa part Paul Jorion, avec l’image du soliton . D’où l’intérêt de cette série de billets invités concernant la Chine : contrairement aux peurs irrationnelles que déclenche la ligne politique du parti unique, avec son principe d’une méritocratie plus fondée sur la pratique que sur les promesses électorales dans nos démocraties à l’occidentale, on peut espérer de la part des héritiers de traditions culturelles et philosophiques qui sont très différente des nôtres, des solutions peut-être plus positives que dans la ligne utopiste de notre culture anthropocentrique et de notre individualisme occidental, s’agissant d’assurer la survie de l’espèce ?
COucoU,
« Force est de constater scientifiquement », çà veut dire quoi exactement ?
Que vous sûre du doute, ou certain de la force ?
UN peu contradictoire avec la fin de votre papier, non ?
La survie de l’espèce, c’etait le sujet? vaste programme !
Bonne journée
Stéphane
Pour préciser mon positionnement non viscéralement anti- P.C.Chinois, mais prêt à espérer l’apport d’autres traditions non –occidentales à la correction des utopies récentes dites modernes ( collectivisme productiviste ou idéologie économiste libérale), je cite en référence les propos oraux de Paul Jorion dans « le temps qu’il fait au 19 septembre 2014 :
«… il y a un Grand Tournant, il y a une grande décision à prendre si nous voulons sauver [ l’espèce humaine]– le Grand Défi…– si nous voulons relever ce Grand Défi, il faudra que nous le fassions nous-mêmes, ce ne sont pas les robots qui le feront à notre place, et ce n’est pas non plus, à mon sens, en nous transformant nous : nous-mêmes, êtres humains, en tant que robots que la solution sera là. Non, il faut que nous fassions avec la nature qui nous a été donnée, et voilà, en sachant que, dans notre cas, c’est l’espèce qui tente de se poursuivre et pas les individus en particulier. Bon, il y a des idées intéressantes dans la science-fiction, il y a des idées intéressantes dans le transhumanisme, mais malheureusement, ce n’est pas ça qui va nous sauver, c’est un peu une confédération, je dirais, de rêves un peu fous, d’individus pris dans un délire, un délire mystique »
Or il y a une tradition extrême- orientale de poser des prédicats sur l’état des choses qui ne doit rien à notre logique héritée d’Aristote. Est-ce une autre raison d’espérer que le pire est évitable?
J’ai eu la chance de discuter récemment avec un scientifique qui connaît bien son sujet. Il m’a expliqué que la terre a toujours connue des variation climatiques. D’ailleurs, il suffit de feuilleter dans des ouvrage anciens pour apprendre que le climat en Europe était signficativement différent par rapport à notre climat aujourd’hui.
Ce qui m’ »inquiète » davantage, c’est la surpopulation de la terre, la pollution de la mer (dramatique), la défiguration des paysages tropicaux……pour ne citer quelques exemples.
Des accélérations comme on en voit maintenant n’ont jamais été observées. Votre scientifique NE connaît PAS bien le sujet.
Il y a eu aussi par le passé des accélérations très rapides:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dryas_(pal%C3%A9oclimat)
Paul Jorion
Toutes les variations climatiques qui ont eu lieu dans l’histoire de notre planète ne sont pas anthropogène, ni celles d’aujourd’hui. Mais je suis d’accord avec votre observation « accélération ». D’ailleurs c’est dramatique quand on voit comment la nature maritime change, par exemple dans la région du Pacifique.
pas du tout convaincu… Pollutions dramatiques, surpopulation, individualisme forcené et consumérisme effréné, capitalisme totalitaire : je vois pas comment l’espoir pourrait venir de Chine.
Si ! C’est le seul pays qui a combattu réellement la surpopulation (politique de l’enfant unique – certes assoupli à cette date).
Pendant ce temps, les ‘élites’ françaises s’esbaudissent du baby-boom des banlieues.
Si il en est ce sera (et c’est/essaie) dans leurs façon de répondre, que diable !
Et c’est vaste comme champs.
Quid des crises sanitaires récurrentes dans les élevages industriels ? La définition et l’apprentissage d’une zootechnie et d’une gestion sanitaire plus rigoureuse sont nécessaires pour accéder à la plateforme suivante de toute production animale et végétale…. avec un minimum d’intrants médicamenteux. C’est aussi un saut qualitatif de vie en société.
J’ai bien du mal à cerner votre engouement pour le pouvoir chinois. Certes il semble être doté d’une structure politique lui donnant une chance de mettre à jour le changement.
Mais pour autant comment pouvez vous oublier deux caractéristiques prépondérante dans le caractère chinois, pragmatisme et impérialisme.
Si ils pouvaient inventer des solutions pour régler les problèmes engendrées par nos modes de vies, ils l’auraient fait et mis en place.
Mais ce n’est pas le cas, et mis à part quelque sujet à la marge, il ne semble pas qu’ils puissent faire mieux que l’ouest à ce sujet.
Il faut donc comprendre que devant l’insolvabilité du problème les dirigeants chinois choisiront une solution de préférence pour la terre du milieu.
Exporter ses insoluble problèmes aux confins de l’empire pour préserver son espace vital du milieu.
quelle solution devrions nous voir la dedans ?
Autrement, il reste au pouvoir politique chinois à prouver sa capacité à se maintenir et à faire face aux affres du capitalisme corrupteur auquel l’ouest à déjà succomber pour pouvoir commencer imaginer que la solution viendra de la bas.
Le modèle chinois mélange-des-genres est malgré tout bien jeune et ce n’est pas la longue histoire de cet empire qui me fera mentir en disant que ce n’est pas leurs premiers essais.
En attendant l’eau boue gentiment et la grenouille continue de barboter tranquillement.
Pour finir, je souhaite partager avec le groupe ma réflexion sur la phrase « ceux, encore nombreux, qui croient que le mot « chien » mord et que le mot « communiste » a un couteau entre les dents » ? Le mot « chien » est en quelque sorte l’équivalant pour le lecteur d’un aboiement lointain, qui fait référence à un chien virtuel sans sa spécificité et sans ces qualités que la pensée idéaliste déclare secondes comme l’allure particulière , la couleur, le poil…d’un chien réel. Tous les éléments du langage sont des abstractions, extraites du monde vécu , décrit seulement en tant que réel, comme des symptômes. Du grec symptoma qui signifiait un « affaissement » et à partir du verbe « tomber- ensemble » , donc « se rencontrer », avec un manque à assumer. D’où la convention symbolique sans laquelle les interlocuteurs ne partagent pas le même monde, ou la même relation de connaissance d’un monde ? Mais alors, d’un empire à un autre, on se fait la guerre?
Pour le souvenir des « après-midi d’été »:
http://www.ina.fr/video/I00017952
Peut-être… » à l’année prochaine » !?