Billet invité.
La mise au point de Paul Jorion sur l’éventualité d’une création monétaire ex nihilo, illustrée par la thèse de Nadia Piffaretti sur la monnaie électronique (2000), révèle l’hypothèse ontologique qui sous-tend la thèse de la création monétaire « ex nihilo » par les banquiers. L’hypothèse est celle de la non-réalité voire de la non-existence du sujet dans l’objet. La matière aurait sa finalité en elle-même indépendamment des choix des sujets, indépendamment des consciences, indépendamment de la pluralité subjective en acte.
Il suffirait donc de dire que quelque chose existe pour qu’elle existe effectivement sans que quiconque n’ait eu à la nommer pour une finalité propre au sujet nommant. La monnaie « ex nihilo » est la possibilité d’existence de quelque chose par la seule parole démiurgique s’adressant à elle-même hors de toute relation à un autre qui soit témoin en acte de la réalité en puissance. La monnaie « ex nihilo » est une affirmation de toute puissance qui n’a pas besoin, pas d’obligation ou pas de nécessité à se réaliser pour un autre. La monnaie « ex nihilo » est la possibilité d’une valeur en soi, pour soi, hors de toute relation avec un autre qui se doit de ne pas exister. C’est la quintessence de l’individualisme égoïste, du nihilisme libéral. La finance libérale émet de la monnaie pour que les riches soient plus riches mais pas pour que les hommes produisent leurs moyens d’existence.
Il faut remarquer concrètement que le « jeu d’écriture » par quoi la monnaie serait « créée » adosse toujours un actif à un passif. Le quelque chose d’actif a un prix passif par le droit de quelqu’un qui travaille, qui prête ou qui assure réellement. L’écriture est en réalité sans objet sans le sujet qui en réponde. Le jeu d’écriture bancaire ne peut rien produire de concret s’il n’y a pas effectivement un acteur qui prête, un acteur qui emprunte, un acteur qui lie le crédit du prêteur au crédit à l’emprunteur, et un acteur qui soit dépositaire des termes du contrat par quoi le prix est formé. Autrement dit, la banque n’écrit rien du tout s’il n’existe effectivement une subjectivité associant la personne du déposant à la personne du producteur par la personne de l’intermédiaire de crédit.
D’où l’on voit que la thèse de la création monétaire « ex nihilo » est un joli sophisme pour interdire toute alternative à la tyrannie libérale des banquiers. Une alternative qui impliquerait la puissance de sociétés vivantes, les actes d’Etats souverains et une coopération entre des individus solidaires pas des biens réels délibérément communs.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…