LA VOITURE CONNECTÉE NE FAIT PAS SEULEMENT RÊVER, par François Leclerc

Billet invité.

Il n’y en a dans les médias que pour la voiture dans laquelle on peut être assis les bras croisés et se faire véhiculer en regardant le paysage (ou un écran), mais cette étape n’est pas pour demain matin si l’on veut qu’elle soit généralisée. Tout en s’y préparant, l’industrie automobile a d’autres rêves plus immédiats en tête, l’informatique ayant fait son entrée fracassante au tableau de bord des véhicules qu’elle produit, au prétexte de leur auto-diagnostic.

La cause est désormais entendue, les données sont le pétrole d’Internet. La voiture de demain va donc devenir un centre de collecte de celles-ci. Sans se limiter à des données techniques, un vaste champ s’ouvrant, depuis le poids et la taille du conducteur, jusqu’aux trajets empruntés, ou bien les sites internet consultés, pour donner un échantillon du potentiel des indiscrétions qui pourront être commises.

Les constructeurs ne sont pas les seuls à loucher sur ce qu’ils perçoivent comme une mine d’or. Les membres du GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) sont également sur les rangs et la compétition est engagée pour savoir qui pourra accéder à l’écran du tableau de bord des voitures et dans quelles conditions. Face à l’intrusion d’Apple CarPlay ou Android Auto qui les éliminerait de la partie, les constructeurs font barrage avec leurs propres applications en coopérant entre eux.

Ford et Toyota ont ainsi développé AppLink, qui permet d’utiliser 90 applications téléphoniques existantes tout en restreignant leur accès aux données collectées par le véhicule. Dans le monde entier, les partenariats entre industrie automobile et informatique se développent afin de faire barrage aux redoutables géants d’Internet qui se mêlent de tout, et dont le savoir-faire et les moyens sont écrasants.

Soucieux des réactions que cette intrusion de plus dans la vie personnelle qui se prépare pourrait susciter, les constructeurs réfléchissent à la possibilité de donner la maitrise des informations qui pourraient être transmises par les véhicules à leurs conducteurs. En tout état de cause, ils veulent pouvoir partager les revenus qui pourraient en résulter.

Un cas est particulièrement sensible : celui des compagnies d’assurance qui sont fort intéressées par des données qui leur permettraient d’analyser la conduite des véhicules qu’elles assurent, afin de moduler leurs tarifs. Pour se placer, les constructeurs pourraient choisir d’avertir les conducteurs quand ils pourraient prétendre à un bonus de leur compagnie d’assurance, s’ils acceptent que les données relatives à leur conduite soit communiquées à celles-ci. Bien d’autres services pourraient être monnayés.

L’avenir s’annonce prometteur, faisant des passagers des futures voitures autonomes des consommateurs désœuvrés, le drive-in relégué au rang des antiquités. Mais il s’annonce aussi dangereux en raison du piratage des systèmes informatiques des voitures, où les hackers pénètrent aisément via les connexions wifi et bluetooth. Par ce biais, les véhicules pourront être soumis à des actes de sabotage ou à des chantages. Pire, il pourra en être pris le contrôle avec des intentions malveillantes et criminelles (par exemple en fonçant dans une foule). Afin d’alerter de ces dangers potentiels, des chercheurs américains en ont déjà démontré la possibilité.

Parade classique, Fiat Chrysler Automobiles (FCA) vient de lancer un programme visant à encourager les hackers à l’informer, moyennant prime, des failles liées à la cyber-sécurité de ses voitures. Prenant le sujet au sérieux, le ministère américain de la justice a autorisé les groupes automobiles et les équipementiers à travailler ensemble sur le sujet sans risquer d’être accusés d’entente illicite.

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