Turquie : Post-Coup, par Abel Musard 

Billet invité.

Le Ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et le Secrétaire d’État américain John Kerry se rencontrent aujourd’hui au Laos afin de mettre au point le mécanisme conjoint de lutte contre le terrorisme en Syrie dans les termes des « Accords de Moscou » conclus lors de la rencontre de MM. Kerry et Poutine à Moscou les 14 et 15 juillet.

K. Bhadrakumar, qui fut ambassadeur de l’Inde en Turquie de 1998 à 2001 écrit à ce propos :

« De nouvelles lignes de fracture sont apparues, qui tournent à l’avantage de Moscou. La brèche des années récentes dans les relations entre la Turquie et l’Occident s’est creusée. La position d’Ankara dans l’alliance occidentale est devenue floue. Une rupture est improbable mais elle a cessé d’être impossible. »

Récapitulons le « Post-coup » en Turquie.

Acte 1, scène 1

« Bad cop » : les menaces et les insultes européennes et américaines à l’endroit de M. Erdogan au lendemain de l’échec du putsch. Voir à ce propos mon premier billet : Turquie : les vessies et les lanternes.

Acte 1, scène 2

Qui joue désormais dans cette affaire le rôle du « good cop » ?

* Pour les ronds-de-jambe d’autrefois de M. Obama à un « allié privilégié », lire un article du New York Times intitulé : Le soutien apporté par Obama à Erdogan constitue un vigoureux rappel de la valeur de la Turquie aux yeux des États-Unis.

* Ou bien alors, le petit coup de fil de M. Poutine « pour prendre des nouvelles » de M. Erdogan au lendemain du coup avorté. Ou bien encore les propos tenus par M. Erdogan lors d’une conversation téléphonique avec M. Rohani, le Président iranien :

« Nous sommes aujourd’hui déterminés plus que jamais de contribuer à une solution des problèmes régionaux, main dans la main avec l’Iran et la Russie et en coopération avec eux. »

Acte 1, scène 3

J’ai mentionné dans mon second billet, les amabilités à l’adresse des Turcs et de la Turquie au lendemain du coup, dont Le Monde faisait le relevé dans un article intitulé : Bruxelles joue les équilibristes face à la Turquie.

La réponse de M. Erdogan aux équilibristes n’a pas tardé :

« Le président turc a répondu aux critiques, lors d’un entretien samedi avec la chaîne française France 24. Ce que disent les responsables européens « ne m’intéresse pas et je ne les écoute pas », a-t-il déclaré. « Vis-à-vis de la Turquie, ils ont des préjugés et ils vont continuer à agir avec ces préjugés », a précisé le chef de l’Etat. « Cela fait cinquante-trois ans que l’Europe nous fait attendre à la porte », a-t-il ajouté, selon ses propos traduits en français par la chaîne. »

La stratégie européenne envers la Turquie, dite « à la grecque » (on exige tout de vous mais vous n’aurez rien) a donc échoué.

Acte 1, scène 4 ?

La scène 4 de l’acte premier pourrait être constituée de la réaction de M. Erdogan à un refus des États-Unis d’une extradition de M. Gülen lorsqu’un dossier « circonstancié » en ce sens aura été déposé par les Turcs.

Nous serons alors prêts pour l’Acte 2 dont l’étincelle sera un équivalent made-in-2017 de l’attentat de Sarajevo (1914) ou de l’incendie du Reichstag (1933).

Les candidats pour mettre le feu à la plaine sont les berserkers d’aujourd’hui, qui courent les rues de Dallas, Bâton-Rouge, Nice ou Münich. Ils sont semblables à ces animaux paniqués avant-coureurs de catastrophes naturelles : devenus fous avant tout le monde, ils rencontrent l’incompréhension de ceux qui s’interrogent à leur vue : « Mais qu’est-ce donc qu’il leur prend ? ». Avant que, quelques mois plus tard ces mêmes spectateurs perplexes ne perdent la boussole à leur tour et s’écrient : « Hardi ! La fleur au fusil ! »

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À noter dans l’article du New York Times mentionné plus haut : « MM. Obama et Erdogan ont su dissiper des différends antérieurs. Lors d’un sommet à Toronto en 2010, les deux interlocuteurs eurent un débat très animé qui se prolongea durant deux heures à propos de la décision turque de s’opposer au Conseil de sécurité des Nations-Unies aux sanctions envers l’Iran. M. Erdogan était encore offusqué que la Maison blanche ait snobé les efforts diplomatiques de la Turquie et du Brésil en vue d’un accord avec l’Iran sur son programme nucléaire ».

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