Le rôle joué par Paul de Tarse dans l’organisation des sociétés humaines (I)

J’ai consacré les livres que j’ai écrits jusqu’ici à des sujets que je connaissais en tout cas plus ou moins. En entreprenant d’écrire Qui étions-nous ?, je vais devoir m’aventurer dans des régions que je connais à peine. J’écrirai du coup des textes qui seront au départ essentiellement expérimentaux. Je compte sur le cerveau collectif que l’on trouve ici, pour me guider. Je réécrirai le texte qui suit (et ceux qui viendront à sa suite) en fonction de vos corrections.

Le mot du modérateur : Si vous en savez encore moins que Jorion sur le sujet, j’espère [fermement] pouvoir compter sur la sobriété de vos commentaires 😀 .

Les sociétés humaines se sont organisées de diverses manières, résultant toutes d’une combinaison complexe du spontané : les choses qui sont advenues sans qui quiconque ne s’en préoccupe, et du délibéré : celles qui ont exigé qu’on se réunisse autour d’une table. Une réflexion a proprement parler théorique sur les modes possibles de gouvernement a débuté en Grèce antique, quand furent examinés dans les analyses, aussi bien des formes purement hypothétiques que des cas réellement observés. En Chine pendant ce temps-là, une fois que se fut constitué, par agrégations successives, un empire dont les limites étaient essentiellement celles de formidables frontières naturelles, celui-ci s’est représenté à lui-même comme se trouvant, sur le mode de l’évidence au centre des affaires et s’est dénommé benoîtement du coup, « empire du centre », les autres peuples dont on avait connaissance occupant, de son propre point de vue, une périphérie de peu d’importance si ce n’est quand il fallut repousser, et dans le pire des cas, subir, les invasions menées par des peuples de ce monde extérieur.

Certaines formules de société ont pris, au sens où elles ont su, une fois apparues, se maintenir dans une stabilité relative au fil des siècles, sans qu’aucune pourtant de celles que nous pouvons observer autour de nous ne soit véritablement à la hauteur du défi que représente l’extinction de l’espèce, auquel nous devons faire face aujourd’hui. Chacune des plus fructueuses d’entre elles a su assurer la pérennité de regroupements de millions d’êtres humains, elles se révèlent cependant impuissantes quand il s’agit, comme la nécessité s’en impose maintenant de contenir les effets devenus mortels du comportement colonisateur de l’espèce humaine, sans envisager même de renverser la vapeur dans l’urgence pour assurer notre survie.

Le confucianisme s’avéra une doctrine susceptible de constituer un cadre couronné de succès en Chine durant deux millénaires, l’équivalent en Occident en termes de réussite du fait d’une adoption massive fut le christianisme, et c’est de celui-ci que je voudrais parler maintenant.

Si l’histoire qui constitue la trame du christianisme est celle de la vie de Jésus-Christ, chacun s’accorde à dire que son récit fondateur est celui qu’a proposé du déroulement de cette vie, Paul de Tarse, que les chrétiens appellent Saint Paul. Nous disposons de trois grands groupes de textes relatifs à la vie de Jésus-Christ : les quatre évangiles dits canoniques, les épîtres de Paul, et les Actes des apôtres constituant le cinquième livre du Nouveau testament.

Le statut exact de ces différents textes a été à l’origine de nombreuses querelles et ce n’est pas le lieu ici, dans une réflexion sur qui nous étions, en tant que genre humain, d’entrer dans ces débats. Je me contenterai de dire ce qui me semble aller de soi. Ainsi, qu’en dépit de contradictions entre eux, les évangiles sont des récits se présentant comme véridiques sur la vie de Jésus-Christ, que les épîtres sont en principe les retranscriptions de discours prononcés par Paul et que les Actes des apôtres sont un texte s’efforçant d’expliquer pourquoi il est justifié que Paul parle de Jésus-Christ avec la même autorité que les autres apôtres, alors même qu’à leur différence, il ne l’a jamais approché et ne tire sa prétention à en diffuser le message que d’une vision qu’il en eut, au cours de laquelle Jésus-Christ l’aurait investi de cette mission, voire même aurait fait de lui sa nouvelle incarnation.

Il existe un consensus que les épîtres de Paul sont antérieures à la rédaction des évangiles et qu’elles n’étaient pas inconnues des évangélistes et tout particulièrement de Luc qui semble avoir été un proche de Paul, et l’un des rédacteurs en tout cas, parmi d’autres peut-être, des Actes des apôtres.

Le rôle de Paul est déterminant dans la constitution du christianisme, il semble avoir été le théoricien responsable de la transformation de la biographie d’un prophète juif en dieu d’une nouvelle religion.

Les évangiles font le récit de la vie d’un prophète nommé Jésus annonçant la venue du messie, le messie étant la figure de celui qui rassemblera le peuple juif dans un royaume de Dieu terrestre, par opposition à un royaume de Dieu que l’on rejoindrait après la mort. Jésus affirme ensuite qu’il est lui-même ce messie. Il se rend à Jérusalem, au mont des Oliviers, où selon la prophétie de Zacharie, Dieu interviendra pour seconder le messie dans son entreprise.

Za 14:1- Voici qu’arrive le jour de Dieu, quand sera redistribué parmi vous tout ce qui fut volé.
Za 14:2- Je rassemblerai toutes les nations contre Jérusalem pour un combat ; la ville sera prise, les maisons pillées, les femmes violées ; la moitié de la ville sera forcée à l’exil, mais le reste du peuple ne sera pas séparé de sa ville.
Za 14:3- Alors Dieu interviendra pour combattre ces nations, comme il combattit au jour de la bataille.
Za 14:4- En ce jour-là, ses pieds seront posés sur le mont des Oliviers qui fait face à Jérusalem à l’est. Et le mont des Oliviers se fendra par le milieu vers l’est et vers l’ouest, en une immense vallée, une moitié du mont se déplacera vers le nord, et l’autre vers le sud.
Za 14:5- Et vous fuirez vers la vallée des Monts car la vallée des Monts ira jusqu’à Yasol. Oui vous fuirez, comme vous avez fui lors du séisme à l’époque d’Ozias roi de Juda. Et Yahvé mon dieu viendra, et tous les saints seront avec lui.
Za 14:6- Et il arrivera ce jour-là que la lumière ne sera plus ni claire ni sombre mais congelée.
Za 14:7- Mais il s’agira d’une journée connue de Dieu, ni jour, ni nuit ; mais il se fera que dans la soirée, il fera clair.
Za 14:8- Il arrivera ce jour-là, que les eaux dispensatrices de vie quitteront Jérusalem, une moitié en direction de la mer disparue, l’autre moitié vers la mer d’aujourd’hui : été comme hiver.
Za 14:9- Alors Dieu sera roi sur toute la terre et ce jour-là, son nom ne sera plus qu’un.

Jésus est arrêté, condamné, puis supplicié. Il est dans le plus profond désarroi : il a suivi à la lettre les directives des prophètes qui l’ont précédé et pourtant, l’intervention divine annoncée par Zacharie n’a pas eu lieu : la terre ne s’est pas fendue au mont des Oliviers. Il s’en plaint avec amertume durant son supplice : « Et vers la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte : ‘Eli, Eli, lama sabachthani ? C’est-à-dire : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné’ » (Matthieu 27 : 46).

Ce n’est pas proposer une interprétation parmi d’autres que de noter dans la biographie de Jésus selon le Nouveau Testament la combinaison de plusieurs thèmes appartenant à deux religions distinctes : les personnages du prophète et du messie de la tradition juive, et la mort du Dieu sacrificiel, ressuscité ensuite, des religions à mystère du paganisme grec. Si c’est bien de cela qu’il s’agit, l’auteur de cette synthèse inédite est incontestablement Paul de Tarse et ses épîtres constituent un événement absolument inédit, et aux conséquences formidables, dans l’histoire des religions jusqu’à son temps.

De nombreux auteurs ont noté qu’il ne s’agit toutefois pas chez Paul d’un simple montage mais d’une véritable synthèse au sens où Hegel dit de la synthèse qu’elle subsume la thèse et l’antithèse, elle les dépasse en se situant à un nouveau niveau où la contradiction s’est entièrement dissipée et où un concept neuf est né de la synthétisation. Ce que dit Paul n’entre pas dans les catégories préexistantes ni de la religion juive, ni du paganisme grec.

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237 réponses à “Le rôle joué par Paul de Tarse dans l’organisation des sociétés humaines (I)”

  1. Avatar de Juannessy
    Juannessy

    Là , le bon critique pourrait être Olivier 69 , mais on se sait plus où le trouver.
    Jacques Attali a peut être aussi des lumières !

    1. Avatar de Juannessy
      Juannessy

      Quant à moi , et j’en resterais là pour ne pas déprimer Julien Alexandre , il me semble que la principale innovation apportée par le christianisme , c’est la Trinité , et en particulier un Père , un Fils , et j’ai déjà dit ma préférence pour le Saint Esprit qui semble être le seul à faire des efforts de traduction .

      J’attends donc la suite pour savoir pourquoi ce foutu Paul de Tarse a semé le souk dans l’histoire des organisations humaines , mais j’ai toujours eu autant de difficulté à lire René de Chateaubriand que Proust.

  2. Avatar de samuel
    samuel

    Les sociétés humaines se sont organisées de diverses manières… sans revenir au confusionnisme et au christianisme (ce qui est hors sujet…, mais c’est toujours pareil, la théorie appelle la pratique et vice-versa) , il y a une île la Réunion où diverses cultures cohabitent plutôt bien (y à un peu de tout des Indiens, des Africains, des Français), est-ce que la géographie, le fait d’être dans un monde visiblement fini n’aide pas un peu à la coexistante?, bien que sous dominance Française, a t’on vraiment besoin de chercher chez Paul une raison totalisante.

  3. Avatar de Clive
    Clive

    Un débat Jorion/Onfray sur Paul de Tarse? Avec des vidéos pour les 99% qui en savent encore moins que vous?

    1. Avatar de Alessio Moretti

      Pitié Clive, d’où sort l’idée saugrenue selon laquelle Onfray serait un interlocuteur intellectuellement intéressant? La pensée, sinon la logique commerciale de l’édition de livres, mérite que l’on place la barre haut

      1. Avatar de adoque
        adoque

        Et si on ramenait la barre au niveau de la pensée des gens simples ?
        « Simple d’esprit », « heureux », dans la bouche de Jésus, n’emporte pas la connotation péjorative habituelle.
        Gommons l’arrogance de la « hauteur ».

  4. Avatar de labellebleue
    labellebleue

    Pas d’objections à ce mixte  » messie juif + Mithra grec ». C’est même une hypothèse très possible, Paul de Tarse était juif et de culture grecque. On attend la suite avec beaucoup de curiosité. Où allez-vous nous entraîner ?

    1. Avatar de Armelle
      Armelle

      Nous entraîner, peut-être, au moment de bascule de la vie de Paul de Tarse, entre le défenseur de la religion de ses ancêtres lorsqu’il approuve la lapidation d’Etienne et le revirement de ses convictions à Damas.

      1. Avatar de adoque
        adoque

        Que Paul ait basculé… cela ne fait pas de doute.
        Les experts peuvent s’interroger sur des détails de la vie de Jésus quant à ses relations avec les femmes, mais pour Paul de Tarse, c’est clair: la hiérarchie est bien mise en place: les femmes doivent se taire, être soumises, […] et tous doivent être soumis aux autorités. Travail bien préparé pour Constantin et les pères de l’Église, en bonne collaboration avec les rois… 1905 déjà en filigrane !
        C’est bien loin de l’ »hérétisme », de la rébellion respectueuse de Jésus, de sa capacité à retourner, et la Loi, et les tables, et les esprits, libérés.

      2. Avatar de Béotienne
        Béotienne

        Je reste perplexe à la lecture de la coïncidence entre le choc physique et le choc spirituel. Et aussi devant la contradiction évidente entre la désignation solennelle de Pierre comme chef de l’Eglise et le rôle prépondérant de Paul dans les faits.

  5. Avatar de Alessio Moretti

    Sur (saint) Paul le philosophe (athée) Alain Badiou a écrit un livre à mon avis (très) important: « Saint Paul. La fondation de l’universalisme », PUF, Paris, 1997 (119 pages). J’en donne la table des matières:
    – Prologue
    – I. Contemporanéité de Paul
    – II. Qui est Paul?
    – III. Textes et contextes
    – IV. Théorie des discours
    – V. La division du sujet
    – VI. L’antidialectique de la mort et de la résurrection
    – VII. Paul contre la loi
    – VIII. L’amour comme puissance universelle
    – IX. L’espérance
    – X. Universalité et traversée des différences
    -XI. Pour conclure

    1. Avatar de Paul Jorion

      Livre commandé en effet.

      1. Avatar de vigneron
        vigneron

        Pasque ya pas que Badiou, Jacob Taubes, La théologie politique de Paul: Schmitt, Benjamin, Nietzsche, Freud.

  6. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour Paul
    Les lueurs données récemment sur France Culture par Régis Debray – les illusions de l’histoire ép 4,sur l’importance de Constantin pour la réussite du christianisme méritent d’être écoutées.
    Par ailleurs, le mythe d’Isis et d’Osiris est aussi à prendre en compte pour analyser la naissance de Jésus.
    Shaoul de Tarse était un érudit; si son physique malingre est avéré, on ne sait pas de quelle maladie, qu’il mentionne lui-même, il était affligé. Mais ces insuffisances physiques auraient pu lui interdire une carrière à la mesure de son intelligence dans le clergé traditionnel en poste. Certains ont supposé que l’éblouissement » de Shaoul ayant causé sa chute de cheval sur la route de Damas, où il se rendait pour persécuter les chrétiens, chute prélude à sa conversion, pouvait avoir été une crise d’épilepsie. S’il était épileptique, il aurait été considéré comme impur et cela lui aurait interdit toute fonction religieuse.
    Cette dimension peut demeurer en arrière plan dans l’étude de son parcours. Par ailleurs la Nouvelle Alliance se devait d’avoir un « couple » image d’Abraham & de Moïse, représentants respectivement la foi et la raison, les deux colonnes du Temple de l’Homme; Shimôn-Képhas & Shaoul furent ce couple, renommés Pierre < Képhas et Paul.
    Ceci dit, j'en reviens à Constantin, car c'est le concile de Nicée qui importe énormément pour l'avenir de la chrétienté: c'est là que la nature du Christ est décidée, en accord tacite et bien compris avec les nécessités de l'Empire, et que l'arianisme est rejeté.
    Alain Peyrefitte était tout à fait fondé à dire que l'Eglise devenue catholicos, (cad universelle) au dit concile de Nicée était le dernier avatar de l'Empire Romain. Grâce à cette alliance, fruit de la décision , du pari pourrait on avancer, d'un seul homme,l'Empire d'Occident, du strict point de vue du droit constitutionnel, a perduré jusqu'en 1823, lorsque l'empereur d'Autriche a officiellement renoncé au titre d'Empereur du St Empire romain Germanique.
    Donc, l'alliance de Constantin avec ce qui n'était alors qu'une secte chrétienne parmi d'autres, et les structures sociales élaborées en bonne intelligence entre ces deux forces ont permis à l'empire romain de durer 1000 ans de plus en Orient ( 1423 chute de Constantinople) et juridiquement 1300 ans de plus en Europe.
    Je doute que l'Union Européenne et la religion féroce des avides aboutissent au même résultat! ( cf Régis Debray ép5, France Culture)
    Cordialement.

    1. Avatar de Killxs
      Killxs

      Très juste.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9mi_Brague

      Plus que Badiou, Agamben et autre, j’invite fermement PJ à prendre contact avec Remi Brague, peut être le plus grand historien de la philosophie en France aujourd’hui (je me souviens l’avoir vu lire du Al Farabi dans le texte, ainsi que le Kuzari de Juda Halevi (comme chacun sait écrit en phonétique hébraïque, mais avec des lettres arabes…), et une traduction de la bible en vietnamien je crois… dans son cours consacré aux pensées médiévales de la Loi (je suis désolé, je ne l’ai plus…)
      Ses interprétations de Aristote et de Thomas d’Aquin font autorité, et il a je crois reçu récemment la distinction théologique la plus haute de la part de l’Eglise de Rome (alors qu’il n’est pas du tout théologien).
      Certes catholique, il est d’une probité intellectuelle exemplaire (même si je le trouve un peu dur avec l’Islam), et ne confond pas le christianisme avec la chrétienté, ni la philosophie avec la théologie.

      Il n’hésitera jamais à vous orienter vers la personne la mieux à même de vous répondre si vous avez une question (par modestie il ne dire jamais que c’est lui). Et je suis sur qu’il sera tout disposé à vous prêter main forte au besoin.
      Tous ses ouvrages valent la peine d’être lus. Il y a nombreuses de videos de ses conférences sur internet.

      Offrez lui votre dernier livre je pense qu’il sera énormément interessé. De votre côté, je pense que vous devriez lire « Europe: la voie romaine », qui vous aidera sans doute beaucoup.

  7. Avatar de Michel Gaillard
    Michel Gaillard

    Ne serait-il pas plus intéressant de s’intéresser aux multiples manips qui ont conduit à produire des évangiles « conformes » et pas trop contradictoires, tout en faisant l’impasse sur la vie maritale de JC etc, etc…

    1. Avatar de Marianne
      Marianne

      Ca c’est vraiment un commentaire fait par tous les gens qui ne connaissent rien à la religion chrétienne. ce n’est pas un reproche. je peux très bien le concenvoir et trouve même ça normal.
      Mais, le but est-il vraiment de savoir si JC avait 1, 2 ou 3 femmes? Si il était homosexuel? S’il allait au bordel? Cela ne m’intéresse déjà pas de le savoir de mon voisin, alors je pense qu’il y a une autre dimension plus importante. Et je ne parle pas de foi.
      De plus, comme la plupart des gens qui n’y connaissent rien parce que cela ne les intéresse pas, vous avez tout loisir de vous rendre à Jérusalem chez les dominicains qui gèrent le plus grand centre d’études des évangiles et des écrits chrétiens. Il vous suffit de vous y rendre et de commencer à étudier les documents qui s’y trouvent. Des experts y viennent du monde entier, dans toutes les disciplines possibles et sans distinction de religions. Il n’est pas nécessaire d’être croyant en quoi que ce soit, on peut très bien vouloir y aller comme athée, pour prouver que tout ça c’est de la connerie. Alors, surtout n’hésitez pas. Le problème, c’est que pour y parvenir, il faudrait déjà savoir de quoi on parle. Alors, arrêtons de dire n’importe quoi

    2. Avatar de Paul Jorion

      Non, je n’ai pas l’intention d’entrer dans les querelles : elles se poursuivront alors que l’espèce aura depuis longtemps disparu.

  8. Avatar de Lomig
    Lomig

    Une relecture personnelle, érudite et passionnante de la vie de Paul de Tarse et de Luc : Le Royaume, d’Emmanuel Carrère, qui s’interroge aussi sur le legs du Christianisme dans nos sociétés.

  9. Avatar de Sage
    Sage

    Tout ce qui entoure les origines du christianisme fait l’objet de débats acharnés et pointilleux entre théologiens et exégètes, spécialisés en langues sémitiques et anciennes et bardés de diplôme validés par les autorités religieuses des trois monothéismes (et qui par ailleurs passent leur temps à se manger le nez); le profane qui ose mettre le doigt dans ce domaine (cet engrenage) et émettre une opinion quelque sortant peu des chemins balisés reçoit illico une volée de bois vert : à ce propos, on peut citer les divers ouvrages (plutôt légers, parfois fantaisistes, mais agréables à lire) que publia en son temps Gérald Messadié sur le sujet (auteur qui, devant le tollé universitaire provoqué par ses écrits, crut bon de justifier ses dires dans un opus intitulé : « L’Homme qui devint Dieu, tome 2 : Les sources »). La fameuse série « Jésus après Jésus » de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, composée d’ouvrages et de leur adaptation télévisuelle, constitue une intéressante vulgarisation des problématiques liées à l’éclosion du christianisme : elle a été en butte, une fois encore, aux critiques virulentes des érudits comme des défenseurs de la foi, ces derniers y décelant une machine infernale des athéologues. Plus récemment, l’ouvrage de Bertrand Méheust (intéressant à plus d’un titre, mais bourré de coquilles) « Jésus thaumaturge. Enquête sur l’homme et ses miracles » pose le problème de la personnalité de Jésus. (Je ne cite évidemment pas des références majeures, mais ces simples bouquins destinés aux profanes et souvent décriés autant que les romans de Dan Brown sont en général bien achalandés en notes bibliographiques). Car en la matière, c’est bien de cela qu’il fut partir. Première énigme : comment la prédication d’un individu (localisé dans l’espace à une extrémité lointaine de l’Empire) a-t-elle pu faire tache d’huile à ce point et convaincre de plus en plus d’individus d’adhérer à un message apparemment fade. L’Empire romain de l’époque constituait-il un milieu si favorable pour ce phénomène de contagion. Quelles sont les conditions sociologiques que traverse cet Empire : à un apogée augustéen succède une période moins rose où le pouvoir, de Néron à Caligula, traverse des secousses : les acteurs de cette société sont très divers, socialement, ethniquement ; comment se répercutent les chocs politiques qui agitent le Capitole dans le quotidien des individus (incertitude, dépression, besoin grégaire qui pousse à trouver du sens dans la coopération) – où recrute le christianisme ? dans les villes-phares, les centres de pouvoir, les voies de communication et de cabotage qui strient ce monde méditerranéen ? Pourquoi ? Quel nouveau contrat propose-t-il ? Est-ce par exemple la certitude d’une vie dans l’au-delà, promise aux plus humbles et aux esclaves ? Seconde énigme : une naissance chaotique qui fait du proto-christianisme une simple variante du judaïsme, ne cherchant guère à se démarquer de son environnement local, avec des communautés refermées sur elles-mêmes guère prosélytes. Peut-être déjà, cependant, des courants ésotériques, véhiculant des enseignements réservés à une élite initiée, même s’il semble admis que les courants gnostiques sont plus tardifs. De toute façon, rien qui promette un essor à long terme. Les évangiles apocryphes semblent montrer qu’à un certain point les récits (narratives) au sujet de Jésus, colportés oralement au sein des groupes, se soient mis à foisonner, mythifiant certains aspects du personnage (son enfance en particulier). Bref, tout semble au départ menacer l’expansion de cette religion. Troisième énigme : Paul de Tarse. Quelle est sa formation ? D’où sort-il vraiment ? Citoyen romain ? Par quel biais (On sait comment Flavius Josèphe y est parvenu) ? Par exemple, ses liens avec Sénèque sont très discutés, d’autant que l’antagonisme de Saul avec les Philosophes grecs d’Athènes est manifeste. Il suffit de parcourir la notice de Wikipédia pour remettre en cause bien des certitudes. Spécialiste du markéting qui comprend qu’isolé au sein du monde juif, le christianisme est condamné à terme et qui a le génie de l’adapter au monde polythéiste (l’Empereur est un dieu, si bien qu’admettre que Jésus puisse en être un ne constitue nullement un aspect rédhibitoire pour un Romain de base) ? Il aurait été décapité vers la fin du règne de Néron (je conseille la lecture de l’excellent roman d’Hubert Montheillet, « Néropolis » qui retrace bien la naissance du christianisme et la persécution ayant suivi l’incendie de Rome). Problèmes à résoudre : population romaine de 33 à 80 ? Nombre d’adeptes de Jésus en 33, en 68 (date possible de l’exécution de Paul), en 80, en 100 – quelle est la courbe de progression des conversions ? Mais d’autre part, plus que Paul de Tarse, c’est Constantin qui érige le christianisme en religion d’État et impose un corpus dogmatique (concile de Nicée, 325). Paul, en son temps, que représentait-il ? Comment est-il « récupéré » par les prélats qui définissent la ligne officielle de la religion d’État ? Le Christianisme plutôt que « sol invictus » ou que Mithra, peut-être parce que Jésus est plus accessible humainement parlant pour le quidam que des concepts intellectuels compréhensibles des seuls initiés. Julien ne parviendra pas à provoquer un retour en arrière malgré toute sa bonne volonté et la hargne qu’il éprouve. On peut dès lors s’interroger : le christianisme est-il une religion taillée sur mesure pour le bas-peuple, la plèbe (quoique à ses débuts il recrute aussi parmi les élites sociales : par exemple la femme de Pilate, semble-t-il.) On peut songer au film « Agora », excellent biopic relatant le destin d’Hypatie, qui montre les antagonismes au sein même du christianisme naissant et l’agitation sociale/sociétale qu’il provoque (la haine de la femme, de l’intellectuel) ; et apparemment aussi un antisémitisme qui s’est installé depuis que les deux mouvances religieuses se sont séparées de manière radicale (peut-être que les évolutions mises en œuvre par Paul n’y sont pas étrangères) : il se passe autour de l’an 400, en un temps où l’Empire commence à être submergé, du moins à Alexandrie d’Égypte où se déroule l’action. Bref, Paul, une simple goutte d’eau, a servi de catalyseur à une réaction qui submerge l’Empire romain et, probablement, prolonge sa durée (jusqu’en 1492 si l’on tient compte de l’avatar orthodoxe) car il lui donne un statut particulier d’Empire théocratique (religion d’État qui survivra dans le principe du « Cujus regio, ejus religio » de l’Ancien Régime de droit divin, effacé par 1789).

  10. Avatar de Sage
    Sage

    Juste un petit ajout concernant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » ; plutôt que d’un cri de détresse de la part du Christ, il s’agit du début du psaume 21, qui décrit effectivement la situation dans laquelle se retrouve le supplicié.
    Le Psaume en question énonce par ailleurs une série d’éléments qui coïncident avec la crucifixion telle qu’elle est généralement décrite :
    17 Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m’entoure. Ils me percent les mains et les pieds ;
    18 je peux compter tous mes os. Ces gens me voient, ils me regardent.
    19 Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement.
    Ce passage a pu être introduit par les scripteurs qui ont rédigé ou modifié l’évangile de Mathieu afin de bien prouver au lecteur/auditeur que les faits relatés sont en concordance parfaite avec les annonces prophétiques. Il s’agit d’un effet de validation. Pour un croyant, bien sûr, cela fait office de preuve.

    1. Avatar de corbeau
      corbeau

      Dieu l’aurait abandonné parce qu’il a pris sur lui le péché des hommes, donc il le punit comme un homme pécheur. Peut-être était-il occupé comme toujours? Si Jésus a vraiment prononcé cette phrase il avait assez d’énergie pour le dire assez fort, et il fallait de bonnes oreilles pour l’entendre. C’est la résurrection du Christ qui fonde le christianisme, l’absence du corps du Christ ressuscité, découverte par deux femmes le lendemain dont Marie Madeleine me semble t-il, qui créé le christianisme, le reste c’est de la littérature.
      La vie éternelle est un mythe que les juifs ont emprunté aux perses, pour bien aborder cette question il y a le livre très intéressant Qui est Dieu? de Jean Soler.

      1. Avatar de Sage
        Sage

        Non. Jésus dit en fait : « Regardez et comprenez ce que vous voyez. Je donne l’impression d’avoir été vaincu. Mes ennemis m’ont salement martyrisé. Ils pensent m’avoir éliminé définitivement. Ils triomphent. Mais en fait, ils n’ont rien compris. En fait, c’est moi qui gagne la partie. Je vous en donne la preuve. Cela a été prédit dans le moindre détail par les prophètes. Et ce n’est pas une prophétie fumeuse à la Nostradamus. Non, cela est dit textuellement dans le psaume 21 : « Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné… » Relisez le reste du Psaume et vous constaterez que tous les détails qui y figurent décrivent exactement ce qui m’arrive ; par exemple, ces légionnaires romains qui sont en train de jouer aux dés mes vêtements… Or, comme l’Ancien Testament c’est la parole de Dieu, c’est lui-même qui a annoncé ce qui m’arrive en cet instant. Je suis donc bien l’aboutissement de la prophétie ! »

      2. Avatar de vigneron
        vigneron

        La vie éternelle est un mythe que les juifs ont emprunté aux perses

        J’espère qu’ils leur ont rendu.

      3. Avatar de corbeau
        corbeau

        Le corps du Christ n’est plus là et cette absence nous fait sentir que le Christ est près de nous, il en est bien de même pour Dieu, son absence permet de ressentir son existence.

      4. Avatar de corbeau
        corbeau

        Le corps du Christ ressuscité, transsubstantié, et son âme éternelle. Normal qu’on en parle encore tous les dimanches.
        Si Dieu était présent on n’en parlerait pas autant.

      5. Avatar de corbeau
        corbeau

        Peut-on dire qu’une prophétie est une représentation qui s’exprime avant que l’acte soit posé? si Jésus prophétise qu’il est le messie avant de revenir parmi les « vivants », donc d’être concrètement le messie, la conscience précède l’acte. Une prophétie est-elle une conscience qui précède l’acte?
        Un autre cas de représentation avant l’acte, le rire, rit-on sans savoir pourquoi?

      6. Avatar de corbeau
        corbeau

        Sait-on quand pour la première fois des taux d’emprunt étaient négatifs?

      7. Avatar de vigneron
        vigneron

        Y’a eu des taux négatifs sur des titres en yens en 1998.

      8. Avatar de corbeau
        corbeau

        Erreur, rire est l’acte et on a conscience que l’on rit après ce léger décalage, même s’il est préférable de savoir pourquoi.

        Zacharie annonce la prophétie que Dieu interviendra pour seconder le messie: si Dieu seconde c’est qu’il manque d’initiative alors dimanche encourageons-le à prendre confiance en lui et qu’il nous mène au paradis!

  11. Avatar de Anna
    Anna

    Que se passe-t-il quand un être qui tend vers la perversité (Paul) fait la rencontre d’un autre être qui tend vers la psychose (Jésus de Nazareth) ?

    Ils fondent ensemble une religion qui met l’Autre (le prochain ou autrui) au centre des préoccupations du vivre ensemble sous le regard du grand Tiers (Dieu), religion qui énonce en substance :

    « Aime ton prochain comme toi-même » ou « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse ».

    Et ainsi, au sein de chaque être de langage, le « Je  » parle au « Tu » à propos de « Il ». Cette trinité inscrite par la culture dans chaque être dès sa naissance lui donne toutes les chances de passer le flambeau de la vie et de s’élever.

    Aujourd’hui, dans notre société d’imprégnation libérale, le « Il » a pris la place du « Je » et le « Je » a pris la place du « Tu ». Le « Tu » a disparu.

    Lire la « Cité perverse » de Dufour.

    1. Avatar de Guy Leboutte
      Guy Leboutte

      Très intéressant, Dufour! Le néo-libéralisme est l’idéologie totale de la promotion des vices privés. C’est le libéralisme moins le transcendentalisme allemand, ne conservant que Mandeville et les libéraux anglais. http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article555

      Mais, dire que Paul de Tarse est un pervers, apparaît comme réducteur. N’est-il pas psychotique en plus, comme nombre de personnages de cette histoire, qui regorge d’apparitions et de délires privés, subsumés sous le grand délire chrétien?

  12. Avatar de Olivier Brouwer
    Olivier Brouwer

    Oh là là, Paul, mais dans quoi tu t’embarques ? En eaux profondes, assurément ! Mais ce n’est certes pas la première fois, au propre (allusion à ton récit conclusif de la Survie de l’espèce, j’y reviendrai certainement) comme au figuré (combien de fois déjà dans ta vie t’es-tu « jeté à l’eau », tout étonné parfois de découvrir que tu savais nager… ou même marcher sur l’eau ?)…

    Ma première contribution à ce vaste débat est – bien sûr ! – une citation de Paul de Tarse, dans sa première épître aux Corinthiens (Chapitre 1, versets 17 à 25).

    Car Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais évangéliser, et sans la sagesse du langage, pour que ne soit pas réduite à néant la croix du Christ. Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent – pour nous – il est puissance de Dieu. Car il est écrit : « Je perdrai la sagesse des sages, et l’intelligence des intelligents, je la rejetterai. Où est-il, le sage ? Où est-il, l’homme cultivé ? » Où est-il, le raisonneur de ce temps ? Dieu n’a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde ? Puisque en effet le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie de la proclamation qu’il a plu à Dieu de sauver ceux qui croient. Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs cherchent la sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, et Juifs et Grecs, c’est un Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. (Traduction : Osty)

    Ce passage semble corroborer ce que tu affirmes. J’en donnerai ma propre interprétation plus tard. Cependant, je te propose encore cette citation, chez Jean, cette fois-ci (Chapitre 14, verset 9-10). Elle est du Christ lui-même :

    « Qui me voit, voit le Père. Moi, je suis dans le Père et le Père est en moi. »

    Mais comment peut-il dire alors, quelques heures plus tard : « Eli, Eli, lama sabachthani ? » C’est-à-dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

    Mystère…

    1. Avatar de Sofarsogood
      Sofarsogood

      Mais comment peut-il dire alors, quelques heures plus tard : « Eli, Eli, lama sabachthani ? » C’est-à-dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

      Peut-être pour que tout homme, au pire moment de son existence, puisse lui aussi se souvenir que « Celui qui était dans le Père et pour qui le Père était en Lui » est lui même passé par la porte (très) étroite du doute ultime pour parfaire son humanité et avec Lui l’Humanité entière et ne laisser absolument personne vivre une expérience humaine qu’il n’aurait lui-même vécu ?

      Que dire d’un Messie qui ne serait pas étreint par le doute ultime tout en voulant partager le tout de la condition humaine pour la sauver dans son entièreté ?

      Suggestion…

      1. Avatar de Olivier Brouwer
        Olivier Brouwer

        C’est tout à fait dans cet ordre d’idées-là que je le vois aussi ! Je ne pense pas, comme « Sage », qu’il s’agisse d’un « calcul », du genre : « je vais vous montrer, moi, comment les écritures sont accomplies ! » Je pense qu’il a renoncé à tout, à tout tout tout, parce que sa conviction intérieure est que « il est dans le Père et le Père est en lui », le « Père » étant son origine ultime qui se perd dans la nuit des temps, et que, s’il en est ainsi, rien ne peut briser cette « union-identité », rien, pas même la mort. Mais pour cela, il doit renoncer à tout, et il a renoncé même à la conscience de cette « union-identité ». Paul (de Tarse) dit de lui qu’il s’est « vidé lui-même »… Je pense donc qu’il s’agit d’un authentique cri de détresse, mais pas, comme Paul (Jorion), que : « Deus ex machina n’est pas venu à ma rescousse comme les prophètes l’ont annoncé, je me suis fait avoir »…

        1. Avatar de Paul Jorion

          Sage suggère qu’il s’agit pour le Christ d’incarner pleinement les termes utilisés dans un psaume donc de confirmer qu’une prophétie est en train de s’accomplir selon le scénario qui avait été envisagé. Je vais aller regarder ça et corrigerai mon texte en conséquence.

      2. Avatar de Olivier Brouwer
        Olivier Brouwer

        Oui Paul, mais il n’était pas nécessaire de « citer les écritures » comme Sage le propose. Le fait que les soldats se sont partagés ses vêtements et qu’ils ont tiré au sort sa tunique suffisait : ça se trouve tel quel dans le Psaume. De même que suffisait le fait que, contrairement aux deux autres suppliciés, on ne lui a pas brisé les jambes parce qu’il était déjà mort, rappelant ainsi la parole de l’Exode à propos de l’agneau pascal : « Pas un de ses os ne sera brisé ». (Exode, 12, 46). C’est Jean qui fait ce rapprochement (Jn 19, 36), et là, Jésus n’en a rien dit, et pour cause : il était déjà mort.

    2. Avatar de Olivier Brouwer
      Olivier Brouwer

      Voici à présent le commentaire promis…

      « Puisque en effet le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie de la proclamation qu’il a plu à Dieu de sauver ceux qui croient ».

      Car, pour paraphraser Paul (de Tarse), Dieu, par sa « sagesse » et son « intelligence » toutes pétries de paradoxes, tient en échec les « sages » et les « intelligents ».

      Je souhaite être clair avec tout le monde. La pensée athée de Paul (Jorion) possède, selon moi, une incontestable cohérence intellectuelle. Ce que moi, je souhaite défendre, c’est qu’une pensée « croyante » en la mort et la résurrection de Jésus « Christ », peut posséder elle aussi une cohérence interne. Mais cette cohérence ne pouvant évacuer le mystère, il faut donc creuser le mystère, et, de préférence, avec toutes les ressources à notre disposition, y compris, donc, la « sagesse » et l’ « intelligence ».

      Jésus, au départ, apparaît à peu près tel que Paul (Jorion) le décrit ci-dessus (je transpose ce que je suppose être la pensée de Paul Jorion avec moins de provocation qu’il n’en manifeste lui-même à mes yeux) : Jésus serait un brave type un peu illuminé qui se prend pour le Messie et qui part au casse-pipe avec entrain. Il ne se défend ni devant le Sanhédrin – où il prononce de lui-même les paroles qui provoqueront sa condamnation à mort – ni devant Pilate, qui représente la seule autorité politique ayant « le pouvoir de [le] relâcher et celui de [le] crucifier », comme Pilate le dit lui-même.

      Mais une fois sur la croix, il se dit (en araméen ancien) : « Merde ! ‘ me suis planté ! Il n’y a personne pour me sauver ! »

      Fin de l’histoire.

      Pourquoi pas…

      Mais Paul (de Tarse) a fait de cette histoire un peu idiote (vue comme ça, hein ! 😉 ) un truc qui va perdurer jusqu’à aujourd’hui et impacter des milliards d’êtres humains. Il y a de quoi creuser un peu, non ? C’est évidemment ce qu’il fait :

      « Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs cherchent la sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, et Juifs et Grecs, c’est un Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. »

      Car tout ce que Paul de Tarse proclame repose sur la résurrection du Christ.

      « Or, si l’on proclame que Christ a été relevé d’entre les morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’a pas été relevé. Et si Christ n’a pas été relevé, vide alors est notre proclamation, vide aussi votre foi. Il se trouve même que nous sommes de faux témoins de Dieu, puisque nous avons attesté contre Dieu qu’Il a relevé le Christ, alors qu’Il ne l’a pas relevé, s’il est vrai que les morts ne sont pas relevés. Car si les morts ne sont pas relevés, Christ non plus n’a pas été relevé. Et si Christ n’a pas été relevé, vaine est votre foi, vous êtes encore dans vos péchés. Alors aussi ceux qui se sont endormis en Christ ont péri. Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. » (Première épître de Paul de Tarse aux Corinthiens, chapitre 15, versets 12 à 19)

      On peut gloser, on peut débattre, on peut argumenter, on peut lire et écrire des bouquins, mais la résurrection du Christ est l’événement fondateur de la foi chrétienne – telle que Paul de Tarse la définit – et il n’y a rien à faire : la résurrection du Christ défie toute sagesse et toute intelligence humaines. En un mot, c’est un mystère. Ce n’est pas un sujet qu’on peut traiter scientifiquement, parce que pour traiter d’un sujet scientifiquement, il faut pouvoir faire des expériences et s’assurer de la reproductibilité de ces expériences, et la résurrection du Christ est un événement unique, non reproductible.

      Mais il peut apparaître que la résurrection du Christ ne soit pas un événement extérieur à nous-mêmes. C’est ce que Paul (de Tarse) semble suggérer. Pour ça, il faut en faire l’expérience, et Paul de Tarse, si il a fait cette expérience, c’est sur le chemin de Damas qu’il l’a faite. Il y a en tout cas – d’un point de vue extérieur, indiscutable – un « avant » et un « après » dans la vie de Paul de Tarse, dont cette chute sur le chemin de Damas est le pivot.

      Nous sommes en droit, bien entendu, de dire avec Paul (Jorion) que « la découverte que chacun d’entre nous est mortel a plongé [notre espèce] dans une stupeur profonde dont plusieurs milliers d’années de rumination ne sont pas parvenues à la faire émerger », et, implicitement et subséquemment, que cette histoire de résurrection du Christ et de « résurrection des morts » a plu au genre humain (car elle lui donnait un magnifique point d’appui pour le déni) au point que l’ensemble des confessions chrétiennes ont eu le succès que l’on constate.

      Mais on peut peut-être, à l’instar de Paul de Tarse, faire l’expérience de notre propre résurrection. Et ce, sans attendre notre dernier souffle…

      1. Avatar de Juannessy
        Juannessy

        Personnellement , j’avais décidé de faire l’expérience de ma résurrection , après deux crises cardiaques et une tension schizophrène au boulot ,sans attendre mon dernier souffle , en anticipant de quatre mois mon départ à la retraite et donc ma descente de la croix . J’avais quand même déjà 41 ans de cotisations , mais je reconnais que ça ne signifiait pas forcément une vie aussi pleine que celle de Jésus , qui , en partant à 33 ans n’avait malheureusement pas toutes ses annuités pour accéder au paradis temporel médicalisé .

      2. Avatar de adoque
        adoque

        « Jésus serait un brave type un peu illuminé qui se prend pour le Messie et qui part au casse-pipe avec entrain. »

        Il doit y avoir de cela !
        Un peu moins « illuminé » et plus les pieds sur terre (!!!) que l’ont été Moïse (buisson ardent), Paul de Tarse (chemin de Dallas), Constantin (avec cette croix il sera vainqueur)…
        A-t-on besoin d’un prochain illuminé pour façonner notre société… ?
        ou ne serions-nous pas mieux avisés d’adopter une clairvoyance critique et courageuse, quitte à passer pour des hérétiques modernes ?

      3. Avatar de Olivier Brouwer
        Olivier Brouwer

        Juan, il y a peut-être un malentendu sur ce que j’entends par « expérience de résurrection ». Loin de moi le désir de sous-estimer la libération qu’a dû être votre départ à la retraite (qui suis-je pour oser cela), je parle d’un événement qui entraîne une perte totale de repères, et la nécessité d’en trouver de nouveaux, comme si le monde autour de soi avait soudain un autre visage. Et surtout, un événement qui booste votre désir de vivre. Mais votre départ à la retraite a peut-être bien été cela ! 😉

      4. Avatar de Sage
        Sage

        Juste une précision, je ne dis pas que « Christ cite les écritures » sur la croix. Je dis que à un certain moment (comprenons bien les enjeux de l’époque : les Évangiles résultent d’une sédimentation progressive qui s’opère sur plusieurs décennies, voire siècles, et ne sont pas un reportage en direct d’événements saisis sur le vif, mais bien des textes destinés à la conversion d’un public donné avec lequel il s’agit de créer des effets de connivence : ici, il s’agit fort probablement d’un public de culture juive qui est directement visé à l’origine) donc, à un certain moment, un rédacteur / scripteur / scribe qui rédige « Matthieu 27:46 » met ces mots dans la bouche du crucifié. Notons bien qu’une des démarches des rédacteurs de ces textes évangéliques est de mettre en conformité ce qu’on pourrait appeler le ministère de Jésus (cette courte période durant laquelle il diffuse son message) avec les prophéties de l’Ancien Testament (jusqu’à cette mort scandaleuse sur la croix, en principe inadmissible, notamment pour tout Juif pieux du Premier siècle). Que Jésus ait ou non prononcé ces paroles est une autre affaire. Le souci initial des propagateurs de cette religion est d’essayer de superposer parfaitement les événements dont ils éprouvent la nécessité de témoigner avec les annonces faites par les textes hébraïques : « Vous voyez, cela colle parfaitement… ». Les Évangiles sont avant tout des textes de propagande (au sens technique et non pas péjoratif) : « La propagande est un concept désignant un ensemble de techniques de persuasion, mis en œuvre pour propager avec tous les moyens disponibles une idée, une opinion, une idéologie ou une doctrine et stimuler l’adoption de comportements prédéterminés au sein d’un public-cible. (Wikipédia) ». Ils sont aussi d’une certaine façon une « forgerie ». D’où parle celui qui au final a rédigé le texte (on perçoit le grattement du calame sur le papyrus, l’encre bave un peu, la lampe à huile grésille car quelque insecte s’est pris dans la flamme tremblotante, dans le ciel les étoiles sont innombrables et les astres continuent de régir le destin des hommes) ; qu’a-t-il ajouté, retranché des récits oraux des communautés initiales qui ont fini par s’agglutiner en un corpus ? Que Jésus ait prononcé de telles paroles, au fait, pourquoi pas : il possède une culture rabbinique suffisante et la récitation du psaume 21 dans une situation d’agonie peut être assimilée à la prière d’un homme pieux remettant humblement son âme aux mains de son Dieu dont il accepte la volonté, et pas du tout, du tout, du tout (j’insiste) à une crise de dépression ou de désespoir, ni même d’une défaite. Or, de toute manière, Jésus sait qu’il va ressusciter : le rappel du psaume a quelque chose de rassurant pour ceux qui sont bouleversé par son état (Ecce Homo) – Regardez et comprenez les événements dont vous êtes les témoins, ceci est le commencement, non la fin. Maintenant, il y a aussi le cinquième évangile, le fameux suaire, dont on ne peut pas dire, malgré l’examen au carbone 14 qu’il est vrai ou qu’il est faux : tout comme ces paroles du Christ (Eli, Eli… etc.) supposément prononcées peu avant sa mort (mais tout cela se passe dans une boîte noire, comme dirait Schrödinger).

      5. Avatar de Olivier Brouwer
        Olivier Brouwer

        Rhààà, c’est passionnant ! (Sans jeu de mots ! 😉 )

        Il faut distinguer plusieurs niveaux de lecture : la « vérité historique », l’intentionnalité du ou des rédacteurs de l’évangile, et la portée spirituelle.

        1. La vérité historique. Que Jésus ait ou non prononcé cette parole, je m’en fous un peu. Ce qui est important pour moi, c’est qu’il aurait pu la prononcer. Il était, pour ainsi dire, dans les conditions adéquates.

        2. L’intentionnalité du ou des rédacteurs. Complètement d’accord avec vous : il s’agit de convaincre un « public cible » (les Juifs, dans le cas de Matthieu), il était donc utile d’insister lourdement, sur le thème : « Vous voyez bien que le serviteur souffrant dont il est question dans le psaume 22, c’est bien ce type-là ! » Les évangiles, en particulier celui de Matthieu, sont truffés de ce genre de références.

        3. Quelle peut être la portée spirituelle de cette parole ? C’est évidemment le plus important pour moi. Partons de l’idée qu’il l’a effectivement prononcée (sinon, il n’y a rien à en dire). C’est là que vous et moi divergeons : j’écrivais plus haut que Paul (de Tarse) écrivait de lui qu’ « il s’est vidé lui-même » (Philippiens, 2:7 ; ou, selon les traductions, « il s’est anéanti », mais comme je ne connais pas le grec ancien, je ne peux pas m’y référer pour une acception plus subtile).

        C’est à dire qu’il ne restait en lui, plus rien. Plus aucune certitude, et par conséquent pas non plus celle de ressusciter. Si il a littéralement tout donné, il est, à ce moment-là, vide de toute certitude et même peut-être de toute connaissance. Il s’en est remis totalement à son Père dont il ne sent même plus la présence. Là peut être le sens de ce cri qui, vous l’aurez remarqué, est une question.

        Je le répète, c’est un mystère. Mais si les choses peuvent être vues comme ça, Jésus rejoint du coup, comme faisait remarquer Sofarsogood, beaucoup d’hommes qui en sont là aujourd’hui (et dans le passé et dans le futur aussi) : ne sachant plus, mais plus du tout, où ils en sont, ce qui est vrai, ce qui est faux, sur quel point d’appui se poser… Comment pourrait-il les rejoindre si de toutes façons il « savait » qu’il allait ressusciter ? Si c’est ça, alors, une seule possibilité : c’est du show ! C’est du toc ! Non, c’était ça sa foi ! Sa foi à lui ! Un pari incroyable (c’est le cas de le dire) sur l’amour du Père.

      6. Avatar de Béotienne
        Béotienne

        De mémoire: Ce sont les femmes qui ont trouvé le tombeau vide.
        Jésus était suivi par beaucoup de femmes, relisez les évangiles dans cette perspective. Relevons « celle qui avait choisi la meilleure part et aussi l’intervention de sa mère aux noces de Cana, le commentaire lors de la résurrection de Lazard vient aussi d’une femme. Dans les communautés chrétiennes contemporaines de Paul de Tarse, il y avait de nombreuses femmes et certaines soutenaient financièrement la communauté.

      7. Avatar de vigneron
        vigneron

        Jésus était suivi par beaucoup de femmes, relisez les évangiles dans cette perspective

        Pardi, treize mecs en expédition camping longue durée, y’en faut du petit personnel à faire suivre pour le linge et la cuisine.

      8. Avatar de Gudule
        Gudule

        « Pardi, treize mecs en expédition camping longue durée, y’en faut du petit personnel à faire suivre pour le linge et la cuisine. »

        Je désespérais…
        Merci, merci, encore Merci au Grand Dieu Vigneron, enfin, enfin, un homme, un vrai, qui « comprend » et « apprécie » vraiment les femmes. L’épanouissement suprême est dans l’art de passer le balai, absolument, ha quelle joie de balayer en chantant…;la la itou…
        Le repos du Dieu Vigneron c’est sacré, c’est St Paulo qui l’a dit, les Dieux et les saints, sont des êtres propageant la Chuprême Vérité, c’est bien connu.. : « fiat lux »….
        mwarfff….

        Rhooooo , le balai ? C’est que du bonheur….Youpi….
        https://www.youtube.com/watch?v=YHU4fXw3a_U

  13. Avatar de Sage
    Sage

    Autre problème intéressant c’est le rôle de Paul de Tarse dans l’organisation de la société : mes amies féministes sont en général très remontées contre Paul. On connaît ses positions à l’égard des femmes ; par exemple, le passage de l’épitre aux Corinthiens : « L’homme […] est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme » etc. Il semble évident que le christianisme ayant éclos dans un monde patriarcal, et même proche-oriental, il a véhiculé dès le départ des valeurs archaïques liées au mode de vie et aux représentations ayant cours dans ces sociétés. On a tendance à dédouaner Paul au moyen d’explication psychologiques, telle sa prétendue misogynie, sa laideur supposée et autres fariboles. Mis à part dans la civilisation étrusque, les femmes étaient généralement considérées comme des entités inférieures dans les sociétés antiques, soumises donc, nécessairement, au mâle détenant l’autorité au sein du groupe familial (même si la loi romaine leur apportait des garanties juridiques) ; on peut d’ailleurs se poser la question de savoir si les mentalités ont véritablement évolué de nos jours, notamment dans les sociétés fortement imprégnées de religiosité et obéissant à des règles strictes justifiées par la volonté divine? Je connais des adeptes de l’évangélisme pour lesquels la hiérarchie homme-femme, au sein de la communauté, découle directement des propos attribués à Paul. Dans le proto-christianisme qui suit de près la disparition de Jésus, il semble néanmoins que les femmes ont joué un rôle important – dont les élucubrations (quoique…) sur Marie-Madeleine largement diffusées par les ouvrages anglo-saxons reflètent une certaine vérité (il semble que ce rôle de la femme au sein de l’organisation chrétienne ait été effacé par la suite à mesure que se constituait une hiérarchie ecclésiastique imposant un ordre social fondé sur la religion ; la femme étant reléguée au rôle de servante du Christ… et de ses représentants). Cependant, il est connu que dans les premières communautés régnait une forme de solidarité qui permettait aux plus faibles d’être secouru (les veuves notamment). Au sein de toute communauté, cependant, il est évident qu’il se trouvera forcément quelqu’un qui, investi d’un pouvoir, trouvera l’occasion de dominer le groupe, voire de se comporter de manière tyrannique et vénale (par exemple détournement de la dîme à son usage personnel).
    Dans le fonctionnement de la société qui découle des enseignements pauliniens, on peut voir que ce qui acquiert de l’importance c’est l’importance de celui qui transmet la parole : celui qui « sait », qui détient l’autorité (il a vu le Christ, il a été missionné par Lui). Dès lors, s’instaure, à mon avis, une forme de hiérarchie pyramidale où chaque échelon de pouvoir délégué joue le rôle de courroie de transmission vers le bas… au sommet, il y a évidemment, symboliquement, le pyramidion (benben) : [psaume 118] « La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient /Est devenue la principale de l’angle. » – pierre absente (c’est le Christ in absentia, Christ Pantocrator, invisible mais présent et consubstantiel – maillon de l’édifice hiérarchique qui relie le visible à l’invisible) qui est garante de ce qui se transmet du haut vers le bas (puisque c’est la parole de Dieu). Une hiérarchie spirituelle est ainsi validée qui se superpose à une hiérarchie temporelle : le moyen âge portera à son paroxysme cette vision hiérarchique et dans un ouvrage intitulé « Qui étions-nous ? », il me semble impossible de faire l’impasse sur la période médiévale.
    On voit que, à partir de cette autorité affirmée (jusque dans la tonalité jussive des épitres), apparaît la notion de « docteur de l’Église » (celui qui ne peut être contesté), qui d’une certaine façon se substitue à celle de prophète (biblique) ; ce dernier annonçait l’avenir, le futur (Ancien Testament), l’autre dicte une situation immuable et figée car idéale puisqu’elle peint l’ordre d’une Jérusalem terrestre réalisée et accomplie, un ordre établi à jamais dans l’ici et maintenant (Nouveau Testament).

    1. Avatar de Anna
      Anna

      Lettre de Paul aux Corinthiens, V.7-10 (1Corinthiens 11,2-16.): L’homme est le chef de la femme :

      « 7 L’homme, lui, ne doit pas se voiler la tête : il est l’image et la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l’homme.
      8 Car ce n’est pas l’homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme.
      9 Et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme.
      10 Voilà pourquoi la femme doit porter sur la tête une marque d’autorité, à cause des anges. »

      Je suis une de ces femmes très remontées contre ce Paul de Tarse.

      L’élite de la société, à travers les siècles, semble avoir accordé beaucoup de crédit à sa conception de la femme dans la société.

      Selon ce Paul de Tarse en effet, la femme doit être soumise au pouvoir de l’homme, elle est comme un objet pour lui (la gloire de l’homme). Considérer l’autre comme un objet ou nier l’altérité relève de la perversion. Paul de Tarse avait la vision d’un pervers au sens psychanalytique du terme.

      Autrement dit, l’homme, selon Paul de Tarse, aurait le droit de s’accaparer le corps de la femme et en particulier, son ventre et les enfants qui en sortent, afin implicitement d’être certain de ne pas élever les enfants d’un autre ou de ne pas transmettre ses avoirs aux enfants d’un autre. Quant à la femme, elle n’aurait, selon ce Paul, comme seul destin sur terre, que de consentir à l’exercice du pouvoir de l’homme sur elle, sur son corps. De quoi créer un ordre social bien établi, tellement rassurant pour les hommes et tellement source de malaise pour les femme, capable de traverser les siècles.

      Nous en sommes toujours là, aujourd’hui, sous le poids énorme de cette conception de la femme promue et encouragée par ce Paul de Tarse, conception qui n’était peut être pas celle de Jésus de Nazareth. On peut comprendre tout « l’ordre » qui peut découler de tels préceptes et donc la bienveillance que cette idéologie a pu susciter à travers les siècles jusqu’à ce jour.

      Sur la route de Damas, Paul aurait, selon certains, vu la chute d’une météorite, un rappel de la prééminence de la force de la nature (phénomènes naturels ) sur un homme qui se pensait à ce moment très puissant et qui a probablement eu très peur devant l’expression d’une puissance supérieure, la Nature. Difficile d’admettre pour un pervers que la nature est supérieure et qu’elle a toujours, toujours le dernier mot.

      Dufour, dans la « Cité perverse », avance que le Décalogue comprenait un onzième commandement qui n’était pas écrit mais que tout homme dans son éducation intégrait très vite et qui pouvait se formuler comme suit : « tu as le droit de t’accaparer le corps de la femme, de l’assujettir, de la rendre esclave ».

      Difficile, très difficile même, à côté de cela, de prétendre : « tu ne feras pas à l’Autre, ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse ». Surtout quand on lit ceci chez ce Paul de Tarse :

      V.34-35 :
      34 QUE LES FEMMES SE TAISENT DANS LES ASSEMBLEES : elles n’ont pas la permission de parler (λαλεῖν) ;
      elles doivent rester soumises, comme dit aussi la Loi.
      35 Si elles désirent s’instruire sur quelque détail, qu’elles interrogent leur mari à la maison.

      source http://www.systasis.org/index.php/mk/%D0%B0%D1%80%D1%85%D0%B8%D0%B2%D0%B01/systasis-15-2009/96-s015/commended-awarded-students-works/114-le-regard-de-paul-de-tarse-sur-les-femmes

      1. Avatar de Juannessy
        Juannessy

        De ce que je me rappelle , l’ancien testament n’était déjà pas tendre pour la femme et les trois religions monothéistes ne sont pas des références de ce point de vue .

        Par contre , il a été dit que l’affirmation de légalité entre les hommes ( au sens de genre humain) devant dieu par Jésus , avait été un élément fort du christianisme pour rendre justice aux femmes et les conforter . Je suis d’accord avec cette idée , et c’est sans doute pour ça que les femmes ont contribué plus que tous les apôtres, à l’expansion et au succès du christianisme , et qu’elles ont donné des martyrs plus qu’elles n’auraient du . L’ engouement pour Marie , Fatima ou d’autres n’est sans doute pas étranger à cette espérance alors donnée aux femmes .

        J’en comprends d’autant moins les femmes musulmanes qui acceptent le joug et la position d’infériorité devant l’homme .

      2. Avatar de Sage
        Sage

        Pour Anna, ces quelques vers de ce chef-d’œuvre d’Apollinaire qu’est « Zone » qui sembleront bien hermétiques à d’aucuns…

        Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
        Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges
        Je les ai vus souvent le soir ils prennent l’air dans la rue
        Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
        Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
        Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

        Cela se passe, si j’ai bonne mémoire autour de 1911 et non pas à l’époque de Paul.

      3. Avatar de Béotienne
        Béotienne

        @Vigneron
        Donc Paul de Tarse est seulement un homme de son temps (misogyne) et fait l’impasse sur la bienveillance envers les femmes présente dans les évangiles. Evangiles sur lesquels on Zoome ou fantasme sur Marie-Madeleine la pécheresse, vision sélective.

  14. Avatar de Hervey

    Un sacré client ce Paul de Tarse.
    Je recommande la lecture « Le Royaume » d’Emmanuel Carrère, une véritable enquête policière sur les apôtres, ceux qui se sont trouvés là par hasard et ceux qui ont raconté l’histoire chacun à leur manière et comment ça c’était passé.
    Au départ le job de Saul était de lire et relire la Torah pour devenir rabbin. Le fait d’apprendre cette histoire d’un zigue crucifié et ressuscité porteur d’une croyance bizarre n’était pas fait pour lui plaire, plus même ça la foutu en pétard et illico il s’est mis en tête de pourchasser la secte et ses impies. C’est en se rendant à Damas pour arrêter quelques uns de ces hérétiques que patatrac, il rencontre le crucifié… Il ne s’en remettra jamais. C’est ainsi que ça commence et la suite vaut son pesant d’or.
    Son la plume de Carrère, passionnant !
    Mieux qu’une synthèse, le récit conte des faits surprenants et l’analyse psychologique au plus prés des personnages nous délivre un message d’une réalité poignante tout en laissant cette part d’interrogation et de mystère sur ce phénomène dont on glose encore vingt siècles plus tard.
    A lire.

  15. Avatar de AlainV
    AlainV

    Parmi les ouvrages de référence, il y a aussi « L’invention du Christ. Genèse d’une religion » (http://assr.revues.org/20596) de Maurice Sachot qui date la rédaction des évangiles à une période très postérieure à la mort des Disciples de Jésus.

  16. Avatar de adoque
    adoque

    Il serait intéressant (?) de comparer les parcours de ces deux « ingénieurs d’âmes » que furent Moïse et Paul de Tarse…
    chacun ayant eu leur « mission supérieure » et aussi leur « conversion ».

    Les deux avaient reçu une solide « éducation »…

  17. Avatar de béber
    béber

    D’un côté les textes d’Evangiles , de l’autre la fragilité de leurs interprétations auxquelles s’ajoutent des difficultés de traduction dûes , entre autres, au temps qui passe ( plus de deux mille ans déjà que la terre a vu naître le Christ).

    Etonnante référence à une lumière « congelée »…ou comment l’homme ne peut expliquer le monde d’hier qu’à partir de sa propre grille d’analyse influencée par l’aujourd’hui , comme si celui ci avait toujours été.

    Et si la question première était :  » existe quelque chose qui dépasse l’homme et son entendement ? ».
    Ou comment s’aventurer sur les chemins de l’humilité.
     » Non , tout est clair  » , dit l’orgueilleux,  » puisque je vous dit que je comprend tout , et donc , que je sais tout « .

    1. Avatar de Juannessy
      Juannessy

      « l’orgueil ne veut pas devoir , et l’amour propre ne veut pas payer . »

      A part ça , que disait Paul de la propriété , qui aujourd’hui encore et toujours, pour les catholiques, est le gage de la liberté individuelle pour rendre l’individu à Dieu et non pas aux Hommes, nourrissant en cela la clé de voûte du libéralisme ?

      J’étais resté sur l’impression que le nouveau et l’ancien testament , même s’ils semblent parfois citer des « paroles’ contraires , sont plutôt d’accord pour accorder toutes les richesses à dieu , qui les distribue et reprend pour sa plus grande gloire .

      Ce qui est bien pratique pour surfer sur les agressions temporelles, et s’épargner de réfléchir , ou de reprendre à dieu ses richesses ou autres cornes d’abondance .

    2. Avatar de adoque
      adoque

       » Et si la question première était : » existe quelque chose qui dépasse l’homme et son entendement ? ». « 

      Et la réponse est oui, du moins tant que l’homme se crée ses propres limites, refusant de reconnaître qu’il a la capacité de se poser ce genre de question… transcendantale. Mais pourquoi donc ? et/ou dans quel dessein ?
      Dans le genre: nous sommes capables de nous demander ce qu’il y avait avant le big bang… ou ce qu’il y a au delà de l’univers ?
      Pourrions-nous accepter l’idée que nous ayons les limites de notre condition ?
      :-)))

  18. Avatar de Denis Monod-Broca
    Denis Monod-Broca

    Monsieur Jorion, si vous remontez aux écrits de Paul de Tarse, vous ne pouvez pas ne pas remonter à la bible hébraïque.

    La peur de l’extinction de l’espèce y figure dès le commencement. Le meurtre d’Abel par Caïn n’en est-il pas l’illustration ? Deux hommes sur terre, que font-ils ? l’un tue l’autre ! la moitié de l’humanité disparaît…

    N’est-ce pas cela qui distingue l’homme de l’animal, il tue ses propres congénères ? Chez l’animal le vainqueur n’achève pas le vaincu. Un instinct l’arrête avant. Cet instinct n’existe pas chez l’homme.

    De ce danger suprême est sortie la culture humaine.

    Les populations qui y ont survécu sont celles qui ont trouvé des moyens pour contenir ce danger mortel. Ces moyens, ces remèdes à la violence, sont également décrits dans la bible hébraïque. Ils sont de deux ordres.

    Dans la première catégorie, il y a les interdits et rituels religieux des religions primitives. Fondamentalement : le sacrifice, humain puis animal. Le plus emblématique est le rite du bouc émissaire décrit dans le Lévitique. La violence de tous est polarisée contre un seul et le salut de tous (sauf un) devient possible. C’est extrêmement efficace – la preuve : nous sommes là ! – mais suppose que les participants soient convaincus au-delà de tout doute du bien-fondé de leur action, c’est-à-dire de leur propre innocence, ne se rendant pas vraiment compte de ce qu’ils font.

    Dans la seconde catégorie il y a les 10 commandements : tu ne tueras pas, tu aimeras ton prochain comme toi-même, tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain… Ce sont des moyens directs, objectifs, rationnels, raisonnables, justes, accessibles à tous… de contenir sa propre violence.

    Entre les deux, il y a la chute. Avant : la méconnaissance et donc l’irresponsabilité, l’innocence, la partialité, l’irrationalité, l’injustice. Après : la connaissance et donc l’objectivité, la liberté, la responsabilité, la justice (ou au moins sa possibilité).

    Comme le dit Marcel Gauchet : le judéo-christianisme est la religion de la sortie de la religion.

    Le fait est là : nous sommes sortis de la religion primitive faite de superstition et de sang. Ses remèdes sacrificiels n’opèrent plus puisque nous avons acquis la connaissance, c’est-à-dire que nous savons, et d’abord qu’il y a une différence entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le juste et l’injuste. Ne pouvant plus faire appel à ces remèdes de jadis, il ne nous reste que… l’amour du prochain.

    L’homme est né de sa propension à se tuer lui-même, il s’en est jusqu’à présent sorti, et de quelle façon !, mais surmontera-t-il cette ultime difficulté : y renoncer ?

    Qui étions-nous ? Tout est écrit déjà. Ecrit depuis 2500 ans environ (puis complété par la bible chrétienne et plus récemment théorisé par René Girard).

    Est-ce parce que son message était trop dur à entendre que le peuple juif, parfait bouc émissaire, a été exterminé ? Cela se pourrait bien.

    Y a-t-il une autre voie pour le salut que cette voie-là ? je ne crois pas. Mais cette voie-là existe. Je crains que vous n’y apportiez pas foi. D’ailleurs vous vous êtes fait une raison : il n’y a pas de salut possible, l’apocalypse est assurée, la lumière va s’éteindre. Pourquoi renoncer à l’espoir, Monsieur Jorion ?

    1. Avatar de daniel
      daniel

      « Est-ce parce que son message était trop dur à entendre que le peuple juif, parfait bouc émissaire, a été exterminé ? Cela se pourrait bien. »
      ????
      NON et non. La forme passive « a été » est mortelle.
      La réalité est qu’un acteur l’a fait, ou a tenté de le faire.
      Et du coup, l’expression devient inacceptable et révoltante.
      Il est impensable qu’une pauvre cloche ayant remué les tripes d’un peuple malade, et dynamique il faut le reconnaître, soit jamais l’acteur d’un ordre qui le dépasse, pour ne pas dire d’origine infernale.
      Tout ceci est affaire humaine, rien qu’humaine, bien contemporaine, sans percolation entre les ages et les époques.

      1. Avatar de vigneron
        vigneron

        Tout ceci est affaire humaine, rien qu’humaine, bien contemporaine, sans percolation entre les ages et les époques.

        La Shoah comme événement hors des temps. Par quels chemins en arrive-t-on à énoncer pareille ineptie ?

      2. Avatar de adoque
        adoque

        « extermination » et « exterminations »… « entre les ages et les époques »

        puisque nous sommes amenés à relire les « Livres », donc revisiter l’histoire (relativement) récente, dans le cadre « judéo-chrétien », alors ouvrons les yeux et posons nous cette question: la conquête de la Terre Promise, n’est-elle pas un génocide ?

      3. Avatar de Denis Monod-Broca
        Denis Monod-Broca

        Bien sûr, c’est une affaire humaine. Pourquoi condamner la forme passive « a été » ? Elle est une forme grammaticale usuelle et légitime. Pourquoi lui faire dire ce qu’elle ne dit pas ?

    2. Avatar de Paul Jorion

      Pourquoi renoncer à l’espoir, Monsieur Jorion ?

      Ah ! non ! pas du tout ! Et je commence tout de suite :

      J'espère que la température va commencer à baisser.

      1. Avatar de Hervey

        « Allons-nous ressusciter ? »
        C’est bien la question posée ?

        1. Avatar de Paul Jorion
      2. Avatar de george
        george

        Il serait plus judicieux de prendre en compte l’évolution des températures sur un laps de temps plus long.En intégrant l’optimum médiéval par exemple, celui qui a vu l’agriculture sur les côtes du Greenland.De sorte qu’il n’y a pas de catastrophisme à cultiver…
        De mon coté, à partir de ma perception du futur, je suis plus enclin à attendre un refroidissement qu’un réchauffement.En prospectant du coté des scientifiques ,j’ai découvert les travaux de l’astrophysicien Habiboullo Abdoussamatov, qui confirme mon attente.Il y a eu un tel barnum du coté des catastrophistes qu’il est difficile d’aller à contre courant de la doxa officielle.Je vous laisse le lien suivant à prendre en compte:
        https://elogedelacomplexite.wordpress.com/2015/07/15/activite-solaire-vers-un-nouveau-minimum-de-maunder/

      3. Avatar de Denis Monod-Broca
        Denis Monod-Broca

        La terre en a vu d’autres…

        Vous avez déjà accusé, jugé, condamné – à la disparition – l’espèce humaine.

        Vous ne daignez pas entendre sa défense.

        Elle est coupable, qu’elle meure ! Ah !… ce besoin de sacrifice…

        1. Avatar de Paul Jorion

          Elle est coupable, qu’elle meure ! Ah !… ce besoin de sacrifice…

          Je ne suis pas sûr de disposer de ce genre de pouvoir !

      4. Avatar de Olivier Brouwer
        Olivier Brouwer

        Non, Denis, ce n’est pas du tout ça, croyez-moi ! 😉

        Paul Jorion, avec ce sens de la provocation qui n’appartient qu’à lui et sans lequel il ne serait pas Paul Jorion, veut montrer par là que l’ « espoir » est démobilisateur : on peut toujours espérer, mais dans le cas du réchauffement global, espérer est de très peu (très très peu, si vous voyez ce que je veux dire…) d’utilité. C’est même contre-productif. Espérer permet d’expliquer et d’excuser notre inaction.

        Et puis, « la terre en a vu d’autres ». La terre oui, certes, mais non point l’espèce humaine. Le défi qu’elle doit relever à présent – collectivement ! – est tout à fait inédit, et c’est bien là le problème !

        Je vous conseille la lecture d’un excellent livre : « Le dernier qui s’en va éteint la lumière », d’un certain Paul Jorion. Je ne suis pas d’accord avec tout (il le sait) mais c’est à lire !

    3. Avatar de daniel
      daniel

      @ Vigneron:

      Des liens discrets, à 2000 ans de distance ? A d’autres.
      ou
      Il va vous falloir prouver qu’il y a une relation à déterminer entre l’époque de Paul ( de Tarse) et l’homme à la moustache et frange ridicules, un homme sans culture et sans racine, ( et néanmoins bien inséré dans le monde germanique de son époque).
      Essayez, pour voir.
      Ou plutôt, n’essayez pas: l’effort ne fera pas avancer le schmilblick.

      Pour les autres, la fatalité n’existe pas. S’il est bien connu que la colère populaire contre l’injustice sociale a souvent été dirigée contre des communautés juives locales par les dirigeants du moment, il n’y a jamais eu de « plan » pour extirper un peuple tout entier de la communauté humaine. Il a fallu la conjonction d’un cerveau malade et d’une société malade, servie par une contingence particulière, pour réaliser LA monstruosité du XX.ième siècle, unique et sans précédent.

      1. Avatar de vigneron
        vigneron

        Paul est hors sujet, il était l’ennemi pour lui, le juif qui avait falsifié le message du Christ. Mais à la vieille vieille vielle tétine antijudaïque et à antisémite chrétienne, en bon catholique, un peu qu’il y avait biberonné, poil au nez.

  19. Avatar de Sage
    Sage

    On ne peut accéder à la compréhension d’une époque historique qu’avec d’infinies difficultés, et d’autant plus que nous trouvons éloignés de la période concernée. Dans ce milieu romanisé du Premier siècle, quelle était la vie matérielle des individus ? Habitat, éclairage, vêtements, hygiène, alimentation (il ne faut pas oublier que la plus grosse partie de nos aliments modernes proviennent des Amériques et que, en gros, les Romains ne connaissaient pas le piment, les courges, les haricots, la tomate, le maïs, la dinde et le chocolat). Plus difficile encore est l’accès aux mentalités : comment pensaient les individus (quelles représentations du monde, de la réalité, des phénomènes) ? L’esclave, le gladiateur, le soldat cantonné en une quelconque zone bordant le « limes », le légionnaire égyptien, syrien ou gaulois, le sénateur à Rome, le Juif pharisien d’Alexandrie, le druide celte, l’augure d’Étrurie, le prêtre d’Astarté à Éphèse ou le marin transportant ses cargaisons d’amphores remplies d’huile ou de vin, la femme du patricien, l’écolier de Pompéi ou encore le philosophe athénien : la langue grecque permettait, davantage que le romain ou tout autre dialecte local, de converser au sein de cet espace pluriel et extrêmement divers (Comme l’écrit justement Emmanuel Carrère dans « Le Royaume » : « Partout ailleurs les Juifs parlaient le grec, comme tout le monde. Même les Romains, qui avaient conquis les Grecs, parlaient le grec – ce qui est, quand on y pense, aussi étrange que si les Anglais, ayant conquis les Indes, s’étaient mis au sanskrit et qu’il était devenu la langue dominante dans le monde entier. Dans tout l’Empire, de l’Écosse au Caucase, les gens cultivés parlaient bien le grec et les gens de la rue le parlaient mal. Ils parlaient ce qu’on appelait le greckoiné, qui signifie commun au double sens de partagé et de vulgaire, et qui était l’exact équivalent de notre broken english. »). Probablement l’entretien entre Pilate et Jésus, s’il a effectivement eu lieu, s’est-il déroulé dans cette langue partagée. Les croyances ? Nous avons beau jeu d’affirmer que les Romains ne croyaient pas en leurs dieux : la nature si pleine de phénomènes étranges, le mouvement des planètes, les météores, la voie lactée se déployant dans la nuit parfaite devaient probablement induire des questionnements ; la crédulité était générale face à un monde qui semblait animé par des forces mystérieuses, incompréhensibles donc émanant des dieux ; magie, astrologie et sorcellerie étaient de la partie : les tablettes de défixion en témoignent ; on porte des amulettes protectrices, des figurines tutélaires (le récent péplum, « La Résurrection du Christ » montre le héros, Clavius, interprété par Joseph Fiennes, faire des offrandes à une statuette de Mars censé le protéger dans son cursus honorum) . Surtout, ces gens devaient être perméables aux contes, récits et narration de faits sortant de l’ordinaire ; la charge émotive, l’usage insidieux d’une rhétorique habile suffisaient à convaincre les esprits les plus simples ; cela bien sûr ne fonctionnait guère avec des érudits urbains, tels les philosophes d’Athènes, rompus à l’Art de la persuasion, comme le relate Carrère quand il raconte le parcours de Paul dans un style imagé. Mais naturellement, dans ce monde fortement cosmopolite toutes les croyances étaient acceptées, pourvu que l’on sacrifiât à l’Empereur divinisé – un peu comme les prêtres-jureurs sous la Révolution qui devaient prêter serment à la Nation (les Juifs pouvaient se contenter de faire simplement allégeance à Rome en raison de la spécificité de leur religion qui prohibait tout hommage à une divinité autre que YHWH.) En 33, au moment supposé de la crucifixion, l’épisode Spartacus qui a ébranlé les assises (sociales) de l’Empire et vieux d’à peine un siècle ; la nouvelle « religion » matérialise peut-être la promesse d’un monde différent que n’a pu réaliser la lutte armée.
    Note : le film américain « La Résurrection du Christ » ne constitue pas une référence ; à part la mise en œuvre très réussie de la « testudo » lors de la scène d’action initiale, le film est d’un ridicule achevé (la scène où Pilate et Clavius prennent un bain est un sommet de ridicule. Les erreurs historiques sont légion. Bref, un excellent film comique. Parmi les films récents, « Histoire de Judas » me semble nettement plus intéressant ne serait-ce que par sa dimension poétique et symbolique. On attend, bien sûr avec impatience (et crainte), le spectaculaire remake de Ben Hur qui devrait sortir à la rentrée.)

  20. Avatar de Pat Attalo
    Pat Attalo

    voila qui me donne envie de relire  » L’antechrist » de Nietzsche, j’ai le vague souvenir que Paul y est » maltraité », que le Christ y est entouré de disciples qui ne le comprennent pas…que le chritianisme est decrit comme une conquete des barbares, que la venue du boudhisme est expliqué par l’hypersensibilité des humains constituants la societé avancée dans laquelle il a eclos.
    Bon courage à Paul Jorion !

  21. Avatar de daniel
    daniel

    Paul, où aller vous ? Comment allez-vous vous en sortir ?
    Etes-vous sûr d’avoir à ouvrir cette boite de Pandore ?

    Il y a dans votre virtuosité intellectuelle un ravissement pour l’observateur. « Virtuosité » pour ménager votre modestie, mais je n’en pense pas moins.
    Merci mille fois.

  22. Avatar de Joko
    Joko

    Exégèse d’exégèse d’exégèse… je ne sais pas trop où vous allez, Paul (Jorion) mais je ne suis pas certain qu’en réponse à la question « Qui etions-nous » vous dérouliez l’écheveau par le bon bout. Revenez à la méthode anthropologique, si je peux me permettre un conseil.

    1. Avatar de Paul Jorion

      « Qui étions-nous ? » implique de comprendre « Qui étions-nous devenus ? »

      1. Avatar de Yves Vermont
        Yves Vermont

        Paul,
        Avez-vous lu l’homme neuronal de JP Changeux ?

        1. Avatar de Paul Jorion

          Je crois me souvenir que oui.

      2. Avatar de Juannessy
        Juannessy

        Ce livre sera donc une illustration du rétro-futurisme ?
        Il y a une émission assez bien foutue sur France Inter qui reprend l’idée .

        1. Avatar de Paul Jorion

          Je viens de découvrir que ma télé ne marchait pas (probablement depuis plusieurs mois), alors la radio… 😉

  23. Avatar de Sofarsogood
    Sofarsogood

    Paul de Tarse fait partie des fondateurs de l’Eglise primitive laquelle s’éteint autour du III ème siècle avec Saint Irénée pour laisser la place à l’Eglise contemporaine.
    Le passage du Saul persécuteur, transformé sur le chemin de Damas pour devenir le Paul qui dira « ce n’est plus moi qui vit c’est Christ qui vit en moi », témoigne d’une anthropologie nouvelle et représente le passage proposé à tout homme (même le plus redoutable persécuteur) pour accomplir sa vocation à devenir Humain. C’est le thème de l’anthropologie ternaire (corps/âme/esprit) cher à Michel Fromaget qui caractérise aussi cette Eglise primitive et sa représentation de la « personne » trinitaire. L’Eglise moderne a abandonné cette structure anthropologique de la personne trinitaire pour revenir à une vision duelle (corps/âme) de la personne. Cette vision affecte non seulement l’individu mais aussi toute personne morale et par conséquent la manière dont s’organise, depuis la fin de l’Eglise primitive, les organisations humaines.
    Peut-être serait-il intéressant de voir comment la notion de « personne » (physique/morale) s’est étiolée et ne dispose plus, depuis le troisième siècle ap. J.C., que d’une représentation tronquée qui met à mal son potentiel d’évolution et empêche son accomplissement ?

    1. Avatar de Paul Jorion

      Oui, c’est à cela que je travaille en ce moment : il y a la conscience, et puis le corps (« l’inconscient ») qui semble interférer avec l’image du « Moi » que se fait (dans sa très grande naïveté) la conscience, et Paul de Tarse a ce trait de génie AMHA qu’il faut du coup un tiers-élément venu de quelque part ailleurs. Du coup il a une longueur d’avance sur tout le monde. Mais comme vous le dites très bien : « L’Eglise moderne a abandonné cette structure anthropologique de la personne trinitaire pour revenir à une vision duelle (corps/âme) de la personne » et on retombe dans du sens commun prosaïque sans aucune conséquence pratique : il y a en nous des « forces du bien » et des « forces du mal » que-voulez-vous-qu’on-y-fasse-ma-bonne-dame-?

      1. Avatar de Juannessy
        Juannessy

        Peut être que votre prochain bouquin servira de document de travail pour le prochain concile consacré à la défense et illustration de la trinité .

        J’avoue ignorer comment on traite de la trinité côté islam ( peut être en confiant le rôle du saint esprit à Mahomet ..) . Si vous traitez aussi de ça , le concile pourra devenir œcuménique . Mais le sujet a déjà du être abordé entre ces messieurs ( car il y a très peu de femmes des deux côtés , et pourtant le saint esprit a engrossé Marie) .

        1. Avatar de Paul Jorion

          Pendant le siège de Constantinople, les docteurs se disputaient sur le sexe des anges. On a l’habitude de dire que c’est eux et pas les guerriers qui se consacraient à des futilités.

      2. Avatar de SADONOIX
        SADONOIX

        PJ : « Oui, c’est à cela que je travaille en ce moment : il y a la conscience, et puis le corps (« l’inconscient ») qui semble interférer avec l’image du « Moi » que se fait (dans sa très grande naïveté) la conscience. »
        Du coup, M. Jorion, je comprends peut-être pourquoi vous vous êtes intéressé à cette dernière clameur de Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », car elle enclenche en quelque sorte, une fonction trinitaire.
        Premièrement, il crie, car il sent que ses dernières forces l’abandonnent. Il est désormais dans un état si faible qu’il n’a même plus assez de force pour penser. Bref, il a peur de perdre cette faculté si chère à l’homme de raisonner, réfléchir, ou juger en conscience. Il crie car il ne veut pas que l’Esprit (faisant ici, un tout avec sa conscience, sa raison, sa pensée, etc.), et qui l’a tant aimé, l’abandonne. Mais ce n’est pas encore la fin.
        Deuxièmement, avant qu’il n’expire, c’est maintenant le corps tout entier de Jésus qui doit s’exprimer en une ‘formule’ très courte, mais ô combien limpide : « J’ai soif. » Sa demande est clairement entendue, et on approche de sa bouche une éponge imbibée de vinaigre…
        Troisièmement, il dit : « tout est achevé. » Puis jette un dernier grand cri, et expire.
        Cette dernière parole est sans doute la plus intrigante, pour ne par dire la plus fascinante.
        Car, est-ce le corps, la raison qui en est la cause ?

  24. Avatar de Yves Vermont
    Yves Vermont

    Paul,

    Ce que je vais écrire n’est pas forcément à prendre avec sérieux, c’est à dire que je ne voudrais pas que cela soit vrai.

    L’homme ne sert à rien qu’à permettre à ses chromosomes de survivre, de se développer. Il pourrait se faire que ces mêmes chromosomes perdent la bataille, le jour où les robots aussi « intelligents » que nous prendront le dessus.
    L’homme philosophe pour s’étourdir, se rassurer. Il écrit sur votre blog pour les mêmes raisons !

    Autant vivre en paix dans un monde apaisé, plutôt que de faire jouer, comme vous le dit à l’envie, le rapport de force qui satisfait les émotions de certains. Plutôt que de s’opposer à ce monde qui va à la catastrophe, gagnons du temps en le quittant et en vivant d’une autre façon.
    Je le redis à nouveau, commençons par ne plus déposer notre argent sur les banques qui n’ont pas le comportement adéquate, en restant vigilant car les dérives des « nouvelles » banques sont déjà inscrites dans les futurs faits. C’est un exemple comme un autre. Et des exemples, il y en a beaucoup.

    J’espère, Julien, que je suis tout de même dans le sujet.

    1. Avatar de Béotienne
      Béotienne

      oui, pour trente deniers on a plus rien de nos jours

  25. Avatar de Mathieu Van Vyve
    Mathieu Van Vyve

    Je me souviens de mes cours de master en philosophie que l’apport principal du christianisme du point de vue de la pensée est l’égalité fondamentale entre tous les hommes: puisque chaque humain peut être sauvé, et jouir d’une vie éternelle, quel que soit son statut durant sa vie terrestre, les hommes sont fondamentalement égaux, et le prince/roi ou les prêtres ne jouissent pas d’un statut particulier (devant dieu).
    Par rapport aux grecs (et à la démocrate athénienne en particulier), il n’y a plus d’esclaves ou de barbares (vs les citoyens), qui sont dès lors considérés comme êtres humains à part entière, ce qui est une rupture fondamentale.
    Bon clairement, il y a encore une vision très machiste dans le christianisme. Il faudra encore attendre longtemps pour une critique introspective sur la place de la femme dans la société…

    1. Avatar de Guy Leboutte
      Guy Leboutte

      L’égalité devant Dieu, pas dans cette vallée de larmes, voilà qui est utile!
      Et la leçon de dignité que nous prodiguent les pauvres, quelle grandeur. Elle justifie pleinement le maintien de leur statut. Que deviendrions-nous sans eux!

      1. Avatar de Béotienne
        Béotienne

        Les religions sont fondamentalement capitalistes. En récompense d’une vie terrestre soumise à la religion et à ses représentants certifiés, on reçoit la vie éternelle.
        Sauf que savoir si Jésus a existé ou pas n’a aucune importance, celui ou ceux qui a (ont) écrit cette histoire est un (sont des )révolutionnaire(s). Prêcher la fraternité et l’égalité est une révolution majeure.

      2. Avatar de Gudule
        Gudule

        @Béotienne

        « Sauf que savoir si Jésus a existé ou pas n’a aucune importance, celui ou ceux qui a (ont) écrit cette histoire est un (sont des )révolutionnaire(s). Prêcher la fraternité et l’égalité est une révolution majeure. »

        Oui, et donc forcément dérangeant et subversif, sortir de sa « zone de confort  » est l’exact contraire de la facilité. Merci, je plussoie !

        Jésus n’est pas subversif, il est radical.
        « Mais il a un langage de radicalité qui s’adresse à tous ses interlocuteurs. »
        « Mais le message de la fraternité, par ce qu’il comporte comme profonds changements dans le comportement sera souvent considéré comme « subversif » par tous ceux qui défendent la société telle qu’elle est avec tous les injustices que nous avons soulignées »
        http://www.lavie.fr/blog/francois-soulage/etats-generaux-du-christianisme-jesus-etait-il-socialement-subversif,2113

        Jésus, le subversif
        « Pour Sören Kierkegaard, penseur chrétien fervent et tourmenté, « toute la chrétienté n’est autre chose que l’effort du genre humain pour retomber sur ses pattes, pour se débarrasser du christianisme ». Ce que souligne avec pertinence le philosophe danois, c’est que le message de Jésus est totalement subversif à l’égard de la morale, du pouvoir et de la religion, puisqu’il met l’amour et la non-puissance au-dessus de tout »

        « La chrétienté, c’est la beauté sublime des cathédrales, mais c’est aussi tout cela. Prenant acte de la fin de notre civilisation chrétienne, un père du concile Vatican II s’est exclamé : « La chrétienté est morte, vive le christianisme ! » Paul Ricoeur, qui me rapportait cette anecdote quelques années avant sa mort, a ajouté : « Moi, j’aurais plutôt envie de dire : la chrétienté est morte, vive l’évangile !, puisqu’il n’y a jamais eu de société authentiquement chrétienne. » Au fond, le déclin de la religion chrétienne ne constitue-t-il pas une chance pour le message du Christ d’être à nouveau audible ? « On ne met pas du vin nouveau dans des outres vieilles », disait Jésus. La crise profonde des églises chrétiennes est peut-être le prélude à une nouvelle renaissance de la foi vive des évangiles. Une foi qui, parce qu’elle renvoie à l’amour du prochain comme signe de l’amour de Dieu, n’est pas sans une proximité forte avec l’humanisme laïque des droits de l’homme constituant le socle de nos valeurs modernes. Et une foi qui sera aussi une force de résistance farouche aux pulsions matérialistes et mercantiles d’un monde de plus en plus déshumanisé. Un nouveau visage du christianisme peut donc émerger sur les ruines de notre « civilisation chrétienne », dont les croyants attachés à l’évangile plus qu’à la culture et à la tradition chrétienne n’auront aucune nostalgie »
        http://www.lalibre.be/debats/opinions/jesus-le-subversif-51b8c5d0e4b0de6db9bde74c

      3. Avatar de vigneron
        vigneron

        La ton radical ou subversif du message du nouveau testament quant à l’institution de l’esclavage antique est tout sauf éblouissant.

      4. Avatar de vigneron
        vigneron

        Cela dit on peut difficilement exiger d’un fils de charpentier galiléen né 5 ou 7 ans avant lui-même d’avoir en plus un millénaire et demi d’avance sur la doctrine de son église…

      5. Avatar de Gudule
        Gudule

        « quant à l’institution de l’esclavage antique est tout sauf éblouissant. »

        C’est clair et évident !
        Ce que tu évoques, ce sont bien évidement les aspects qui ont le plus contribué à dénaturer le message de Jésus auquel fait allusion Béotienne « prêcher la fraternité « et avec lequel je suis d’accord , merci de lire l’article c’est ce qui est cité et
        précisé là….. :

        « La naissance de cette « religion chrétienne », et son incroyable dévoilement à partir du IVe siècle dans la confusion avec le pouvoir politique, est bien souvent aux antipodes du message dont elle s’inspire. »

        « L’église est nécessaire comme communauté de disciples qui a pour mission de transmettre la mémoire de Jésus et sa présence à travers le seul sacrement qu’il a institué (l’Eucharistie), de diffuser sa parole et surtout d’en témoigner. Mais comment reconnaître le message évangélique dans le droit canon, le décorum pompeux, un moralisme étroit, la hiérarchie ecclésiastique pyramidale, la multiplication des sacrements, la lutte sanglante contre les hérésies, l’emprise des clercs sur la société avec toutes les dérives que cela comporte ? »
        http://www.lalibre.be/debats/opinions/jesus-le-subversif-51b8c5d0e4b0de6db9bde74c

    2. Avatar de Paul Jorion

      C’est vrai : il n’est plus question de se demander si l’on est né au bon moment au bon endroit, mais de croire en une entité particulière, ce qui assurera votre salut, par un simple geste dont vous êtes la seule source.

    3. Avatar de Abi Gaelle
      Abi Gaelle

      Rassurez moi, vous englobez bien sous le mot homme les mots femme ou homme ou Homme et non humain masculin comme Paul pourrait le suggérer. Merci!

  26. Avatar de MerlinII
    MerlinII

    Après avoir lu l’appel à témoins de Paul (Jorion, pas de Tarse), puis les diverses réflexions et commentaires, j’en arrive à cette conclusion:
    Vous pouvez répéter la question ?

    Bon courage tout de même.

  27. Avatar de Gudule
    Gudule

    « Ce que dit Paul n’entre pas dans les catégories préexistantes ni de la religion juive, ni du paganisme grec. »

    « Paul s’interroge sur la loi qui peut convenir à un sujet dépouillé de toute identité. C’est la condition de chacun d’entre nous à notre naissance. Cette loi Paul la nomme l’amour-agapé, qui est au-delà de la Loi. »

    « Le discours chrétien inauguré par Paul vise à récuser le discours religieux juif fondé sur les signes et les prophéties et le discours philosophique grec fondé sur la raison. Il y a aussi un quatrième discours qui borde les trois autres, et sur lequel Paul n’insiste pas : c’est le discours mystique ou le discours de l’indicible, ou de l’ineffable. La foi chrétienne selon Paul n’est pas fondée sur une révélation ineffable mais sur l’impuissance de la Croix qui montre la puissance absolue de Dieu. « Le troisième discours… ne sera ni logos, ni signe, ni ravissement par l’indicible » « Quiconque est le sujet d’une vérité… sait en effet qu’il porte un trésor, qu’il est transi par une puissance infinie. Il dépend de sa seule faiblesse subjective qu’elle persiste ou non à se déplier, cette vérité si précaire. »
    http://bernardpitou.info/articles/paul-de-tarse/

  28. Avatar de jean-luce morlie

    Faut-il en faire quelque chose ?

    Paul de Tarse invente le mot « aphtharsia », en inversant la « phtora » (corruption des corps) aristotélicienne. « Saul » s’est-il fait appellé – lui-même – « de Tarse » ?

    §

    Accessoirement, et pour autant que les affects de son réseau mnésique le titillent d’atténuer les contradictions d’une lecture référentielle de la « chair du Christ », Paul n’injecte-t-il pas un peu de « pneuma » dans les derniers avatars de la vielle chaîne signifiante du festin d’immortalité :

    En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle.
    Je suis le pain de vie.
    Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts.
    C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point.
    Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde.
    Là-dessus, les Juifs discutaient entre eux, disant, Comment peut-il nous donner sa chair à manger ?
    Jésus leur dit, En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes.
    Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour.
    Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage.
    Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui.
    Comme le Père qui est vivant m’a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi.
    C’est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n’en est pas comme de vos pères qui ont mangé la manne et qui sont morts, celui qui mange ce pain vivra éternellement.

    Jean 6.47-58

    La théologie paulinienne ( soma pneumatikon, soma psychikon … ) assaisonnerait-elle, d’un verbiage « raisonnable », les vieux sentiments encore quelque peu attachés aux signifiants ?

    1. Avatar de Paul Jorion

      C’est très bizarre mais c’est absolument inédit.

  29. Avatar de Sage
    Sage

    Il y a quelque temps, je suis tombé par hasard sur je ne sais quelle chaîne qui diffusait les documentaires de Simcha Jacobovici (pour ceux qui ne connaissent pas cet étrange personnage, c’est une sorte d’Indiana Jones juif qui prétend avoir découvert l’ossuaire du Christ, les véritables clous de la croix et qui conteste les techniques de crucifixion généralement admises qu’il démontre comme impossibles, affirmant – sans rire – que Jésus n’a pu être placé que sur une croix en X, face contre le bois …). Dans ce fatras de conjectures, adroites et surprenantes, où les cheveux sont systématiquement coupés en quatre, un documentaire m’a particulièrement intéressé. Comme Apollinaire, il se trouve que, pour mon divertissement, je lis beaucoup de choses bizarres (ne me battez pas !). L’individu en question, dans la lignée de Baigent, Leigh et Lincoln (pas le président des USA qui se bat contre les vampires…) a publié un ouvrage (bien sûr controversé) : « l’Évangile oublié ». Sur Internet, on trouve le début de son livre sous ce lien, mais cela est loin d’en donner la « substantificque mouelle » :
    http://www.sogides.com/medias/105/98/ext_9782749911960.pdf
    J’ai bien sûr acquis une version Kindle. L’intérêt de ce bouquin, c’est de présenter un texte gnostique complet (Joseph et Aséneth), enrobé évidemment d’un paratexte de présentation où il n’y a pas que des stupidités (mais aussi…). Certes Jacobovici transforme le récit de la Passion en roman hollywoodien rocambolesque. Cependant son livre permet quelque part de saisir le fonctionnement de mentalités durant cette période où une relation nouvelle de l’Homme au Cosmos se met progressivement en place. On y trouve aussi, soit dit en passant, des choses intéressantes sur le culte d’Artémis. En revanche, l’intérêt du documentaire (contrairement au livre) était de montrer (visuellement, en images et en couleur) la mosaïque de Tel Itztaba (introuvable sur le Net) près de Beth Shéan en Basse-Galilée. Il s’agit en fait d’un très ancien monastère chrétien où est supposée être enterrée une « Marie ». La mosaïque en question représente un zodiaque où douze hommes (comme les douze apôtres) représentant les mois de l’année entourent, dans le disque central, un couple : un homme associé au soleil / une femme à la lune – et il semble relativement évident que le personnage solaire est le Christ. Peut-être que, de façon très précoce, des courants gnostiques sont apparus, et bien plus tôt qu’on ne le pense officiellement.
    Le siècle de Paul, c’est aussi celui de Simon le Magicien, de Dosithée, d’Apollonios de Tyane.

    Pupille Christ de l’œil
    Vingtième pupille des siècles il sait y faire
    Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l’air
    Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
    Ils disent qu’il imite Simon Mage en Judée
    Ils crient s’il sait voler qu’on l’appelle voleur
    Les anges voltigent autour du joli voltigeur
    Icare Énoch Élie Apollonius de Thyane
    Flottent autour du premier aéroplane
    Ils s’écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie
    Ces prêtres qui montent éternellement élevant l’hostie

    Ce qui amène également à poser le problème des liens du christianisme avec la modernité, avec le capitalisme. Et du rôle de Paul dans tout ça (Paul et Jean-Jacques Rousseau ? Paul et les Protestants)…

  30. Avatar de Juannessy
    Juannessy

    Je ne sais pas ce que vous arriverez ( ou avez déjà) à tirer de ce retour aux sources ( ou aux confluences plutôt) ,car mes propres références au rapport Foi/Philosophie ( plutôt qu’organisation des sociétés), sont largement plus restreintes et récentes .

    Elles sont surtout en direction de :

    – Saint Thomas ( et Saint Augustin , le « Socrate chrétien » ) et le thomisme ( rapport nécessaire entre foi et raison ) . Deux sciences distinctes : théologie et philosophie , mais une seule vérité .Dans le doute, la foi prime sur la raison. Mais ça ne devrait pas se produire car dieu maîtrise les deux …La théologie est la reine des sciences car elle ordonne le monde selon l’ordre de dieu . Mais la « foi » se réduit-elle à la théologie ou à la philosophie ? La « foi » , c’est quoi ?

    – Mounier ( encore un Emmanuel) et le personnalisme ( cher , au passage à la JOC , la JEC ,la CFTC et la CFDT) .Il s’adresse aux marxistes et aux chrétiens . Il affirme que c’est à eux qu’appartient l’avenir de l’homme , car ils sont les seuls à avoir pensé  » l’humanisme intégral » , par un cadre d’athéisme intégral , ou par une religion de la transcendance . La bourgeoisie a accaparé le christianisme . Les chrétiens sont devenus étrangers à leur propre religion . Le concept de « personne » est posé comme l’axe central de la compréhension de l’homme . La personne est transcendante à toute institution. Elle se dépasse sans cesse en soi et vers autrui . La liberté est laissée à l’initiative de la personne . Elle n’est pas un donné brut .Elle est « corps » .Elle est « communication » : sortir de soi ,accueillir , prendre sur soi, assumer , donner , gratuité, fidélité.
     » la révolution morale sera économique ou ne sera pas. La révolution économique sera morale ou ne sera rien  »
    L’individu n’est pas une personne . la collectivité n’est pas une communauté ». Mounier a aussi écrit :  » de la propriété capitalistique à la propriété communautaire « .

    – Bergson et Teilhard de Chardin avec le Spiritualisme . ce sont un peu les anti Kant ou Hegel . L’intuition avant la Raison . On note au passage qu’au même moment ,on s’intéresse au « devenir » ( tiens , tiens!) et à la « durée » . L’intelligence ne suffit pas à se connaître . Qu’est ce que le réel ( tiens , tiens!) . Le temps est la question centrale qui se pose à la conscience . Seule l’intuition permet de saisir le flux du réel, sans commencement ni fin . Quid des rapports entre matière et esprit .. l’homme ne serait qu’une chose ou même ne serait pas , s’il n’y avait pas en lui une source d’autant plus efficace qu’elle est « spirituelle ». La religion est « le pôle final vers lequel est aspirée l’humanité . Le monde « est » , non pas parce qu’il y a un dieu , mais parce que seul dieu peut « impulser » la vie vers une création continue. C’est par une problématique du temps et des phénomènes temporels que l’homme se découvre dans son authenticité ( Heidegger dit un peu la même chose)
    ( remarque perso :cette métaphysique est à ce point muette sur l’Histoire et les luttes que se livrent les hommes , que j’ai une petite sonnerie qui tinte pour me dire « holà , à vérifier! ») . De Chardin et le point  » omega », point de concentration ultime de la « noosphère », est finalement plus sympathique .
    Mais question perso : Y a -t-il encore un sens à chercher une origine matérielle ou spirituelle de l’homme ? ( pour la femme , on sait depuis Adam et Eve , que la réponse se déduit !)

    Bon , j’ai encore transpiré un bon coup à rechercher et synthétiser mes vieilles lectures , et ,si je peux noter que ces trois courants ont influencé des courants philosophiques plus païens , je reste un peu court pour en déduire en quoi ils auraient contribué de façon radicale et structurante , à l’organisation des sociétés humaines ( au moins occidentales) .

    Je vais donc attendre la suite des aventures et impacts mondiaux de Paul de Tarse , pour que le passé me soit éclairé , en vue ( ou pas ?) d’éclairer le présent sinon le « devenir » .

    Tout en priant Saint Alexandre et Saint Julien , de me pardonner de leur avoir infligé un tel pensum .

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