Billet invité. Ouvert aux commentaires.
« Aujourd’hui que tu t’en vas, que tu nous quittes, comme nous quitterons un jour nous-mêmes cette terre, je voulais rendre un hommage à ton courage.
Le courage de naître, de grandir, d’exercer tes facultés intellectuelles pour assurer ton travail. J’ai toujours admiré le travail que tu as accompli, les responsabilités que tu as occupées dans ton travail, tes réussites en tant que chef de projet, les équipes que tu as animées, même chez les militaires, il paraît…
Tu me disais que non, que ce n’était pas grand-chose. Et pourtant, si. Il faut être fière de ce que l’on est capable de faire dans la vie.
Le courage de mettre au monde trois enfants, Manu, Gaël et Aymeric. Que tu as accompagnés dans cette vie, parfois si difficile à traverser.
Quand tu as eu ton premier Accident cérébro-vasculaire, tu as découvert les charmes de la Côte d’Azur, son soleil, son ciel presque toujours bleu en ce mois de février où tu es arrivée à Grasse pour te reposer. C’était tellement du repos que Goton est venue te sortir de là, et te voilà à te faire à l’idée que Nice, c’est pas si mal.
Tu as trouvé un appartement qui te plaisait et tu t’es installée dans ta nouvelle vie niçoise.
L’indépendance te caractérise ma petite Jacqueline. L’indépendance caractérise toute notre famille, et si on ne vient pas se chercher les uns, les autres, on peut rester longtemps sans se voir. On s’aime, et on est là si on a besoin les uns des autres.
Tu m’as aidée quand ma mère est rentrée de l’hôpital en janvier 2011. Tu es venue chez elle attendre la livraison du lit médicalisé, quand je faisais sa sortie d’hôpital. Vous êtes venues avec Goton, jouer au scrabble, quand tu y jouais encore, passer des moments avec moi. J’évoque cela, parce que ça m’a touchée, et que tu étais si secrète que je n’ai guère autre chose à évoquer, et je te remercie encore aujourd’hui.
On se voyait de temps en temps. On allait marcher avec ta soeur et ton beau-frère. Ravies, parce que c’étaient toujours de bons moments passés ensemble, ravies d’avoir un si bon cuisinier qui nous gâtait, toi qui ne cuisinais plus guère, et moi qui n’ai jamais cuisiné.
Et puis tu as eu ton deuxième Avc. Celui-là t’a mené à l’hôpital pour un bout de temps. J’ai du coup eu plus souvent l’occasion de te voir, ta maladie a eu raison de ton indépendance. A l’hôpital, tu as eu plusieurs voisines de lit, mais Murielle restera celle qui nous aura marquées, toi et nous, qui venions te voir.
Murielle, que son Avc n’avait pas rendue muette, elle, restait volubile, et vous vous êtes entr’aidées. Elle te prêtait ses mots alors qu’ils te manquaient pour dire ce dont tu avais besoin, tu lui trouvais sa main quand elle la perdait dans son lit, parce qu’elle ne la sentait pas.
Vous avez pris des fous-rires quand vous vous cachiez dans la salle de bain de votre chambre, pour échapper à l’aumonière qui passait en essayant de vous fourguer ses bondieuseries, que tu as toujours détestées. Un jour, nous étions à la cafétéria et tu essayais de m’expliquer ça, et j’ai vaguement compris qu’un représentant était passé avec des « trucs » à vendre. Pas facile pour toi de te faire comprendre ! Ce n’est qu’en remontant dans la chambre que j’ai eu le fin mot de l’histoire, grâce à Murielle.
Tu es rentrée chez toi, et tu n’as plus été seule. Ton indépendance en a pris un coup, et tu as supporté cette dernière épreuve avec vaillance. Tu as essayé de fuir parfois, tu as rejeté la plupart des personnes qui ont essayé de rester auprès de toi, et qui n’étaient pas Gaël, qui t’a accompagnée aussi longtemps qu’elle le pouvait. Qui d’entre nous n’aurait peut-être pas fait la même chose ? Cette maladie est dure.
Tu m’as permis de connaître Gladys, restée peu de temps auprès de toi et qui est devenue mon amie, ce jour où ensemble nous te cherchions dans Nice parce que tu t’étais échappée encore une fois. Je te suis reconnaissante pour ça, parce que c’est une femme que j’aime beaucoup.
Tu as l’esprit des Joly, celui qui dit « Tous des cons », j’aime bien ajouter, « sauf moi », je veux me souvenir de toi à une fête des Joly, un verre à la main et souriant à une plaisanterie d’un de tes frères sûrement.
Aujourd’hui, je prends congé de toi, je te dis au revoir, et bon vent dans ta nouvelle identité, j’appelle ça comme ça, je ne sais pas ce qu’il y a derrière la porte que tu as franchie. Un monsieur que tu ne connais pas te dit au revoir, il s’appelle Paul Jorion, je lui ai parlé de toi par internet, il m’a donné ce message pour toi. Je te le délivre.
Tu es celle qu’on appelait Mamie Masai, au revoir Mamie Masai, avec un dessin d’enfant, de l’art moderne, et une photo de toi à 20 ans, je crois. »
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