Billet invité.
Que peut-il sortir du deuxième épisode des élections législatives espagnoles, dont les résultats ne changent pas fondamentalement la donne de décembre dernier ? Dans le contexte d’une faible participation, le Parti Populaire arrive en tête et confirme avoir enrayé sa chute, et Unidos Podemos – la coalition regroupant principalement Podemos et la Gauche Unie – n’a pas comme annoncé par les sondages pris le dessus sur le PSOE.
Le PSOE reste au centre des tractations à venir. Si l’hypothèse d’une coalition de gauche, qui était peu probable, est aujourd’hui écartée, la formation d’une grande coalition regroupant le Parti populaire (PP) et le PSOE, avec ou sans Ciudadanos, va être tentée. Il faudra pour cela régler le problème posé par Mariano Rajoy, dont le maintien à la tête du PP aurait une forte charge symbolique et qui s’accroche, tout en s’accordant sur un programme de gouvernement. Or continuer de s’inscrire dans le cadre du pacte fiscal européen est de moins en moins réaliste et envisageable.
Podemos s’est allié avec les forces vives de la contestation espagnole, tout en se revendiquant d’une « quatrième social-démocratie » – par opposition à la « Troisième voie » de Tony Blair et Gerhard Schröder – pour occuper un terrain déserté en Europe et avancer avec détermination mais prudence dans l’élaboration de son programme électoral. Pablo Iglesias s’est placé explicitement en situation de gouverner avec le PSOE et de négocier à Bruxelles des marges de manœuvre, mais à défaut il a déclaré que Podemos finirait bien par arriver au pouvoir « tôt ou tard »…
Les hautes autorités européennes ont dans l’immédiat d’autres soucis, avec comme première préoccupation d’enrayer toute dynamique de délitement de l’Europe en raison du Brexit. François Hollande tente un renforcement petit pied de l’Union européenne, soucieux de ne pas déranger, face à Angela Merkel qui n’en veut pas. Les deux vont afficher un accord limité portant sur la manière de traiter la sortie britannique, mais la vérité est qu’il n’y a plus de moteur franco-allemand. La chancelière veut préserver avant tout chose un marché unique auquel le Royaume Uni sera associé, ainsi qu’une zone euro au sein de laquelle la monnaie est commune mais où domine le chacun pour soi et la rigueur budgétaire.
Chacune à leur manière, les situations espagnole et italienne réclament une autre approche, que Matteo Renzi défend dans le quotidien économique Il Sole 24 Ore, à la veille de sa rencontre à Berlin avec Angela Merkel et François Hollande : « Les politiques d’austérité ont bouché l’horizon. Elles ont transformé l’avenir en une menace. Elles ont renforcé la peur ». Il trouvera un timide appui en Allemagne, où à quinze mois des élections allemandes le président du SPD Sigmar Gabriel et son comparse Martin Schulz du Parlement européen, prennent leurs distances avec la politique d’Angela Merkel dans un texte intitulé « Pour refonder l’Europe ».
Cela ne bouleverse pas le rapport de force, et les semaines et les mois à venir vont être consacrés à la négociation de la sortie du Royaume Uni et à ses futures relations avec l’Union européenne. Faute de revenir sur l’austérité budgétaire, le champ va être laissé libre aux forces centrifuges. Le Bloc de Gauche portugais a déjà réclamé la tenue d’un « référendum sur l’Europe », au cas où la Commission déciderait de sanctions en raison de la situation budgétaire du pays.
Si une leçon doit être tirée du Brexit, c’est celle du vote en sa faveur d’une partie de la classe ouvrière britannique déclassée avec laquelle le parti travailliste a perdu le contact. Une situation qui n’est pas propre au Royaume-Uni et que l’on retrouve en France mais aussi en Italie, où se manifeste la même tentation du repli national. Plus rien n’est attendu de l’Europe, alimentant le moteur de son délitement. L’arrêter supposerait une réorientation inconcevable en provenance des autorités européennes. Le moment est venu de travailler à une Europe recalibrée, au sein de laquelle serait appliqué un programme de réformes structurelles rompant avec les tabous et les dogmes néo-libéraux.
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PS : la pétition britannique réclamant un nouveau vote à propos du Brexit a dépassé les 3,5 millions de signatures…
Pour la petite histoire, elle a été lancée avant le scrutin par un électeur favorable au Brexit qui craignait une victoire du Remain…
« de nombreux intellectuels de gauche ont douté de leur idéologie et sont devenus des intellectuels conservateurs… » c’est ce que j’appelle…