LA PILULE AMÉRICAINE EST AMÈRE, par François Leclerc

Billet invité.

Quel est ce pays où la pauvreté et l’inégalité doivent être combattues « de manière urgente », d’après le FMI ? C’est la première puissance économique et militaire mondiale, les États-Unis !

Première constatation du Fonds, le taux de participation à l’emploi est entre 2000 et 2015 passé de 67% à moins de 63%, et sa baisse s’accélère. On peut ajouter, pour être cohérent, que le taux de chômage effectif devrait se situer aux alentours de 10 %, si l’on considère le nombre d’américains bénéficiant du programme d’aide alimentaire.

Tout s’en mêle, constate le Fonds en poursuivant son tour d’horizon : le vieillissement de la population, le rétrécissement de la classe moyenne, l’état des infrastructures, et enfin la polarisation accrue de la richesse et des revenus. À  propos de ceux-ci, il observe que « des tendances pernicieuses à long terme » les affectent en relevant que la part résultant du travail a baissé de 5% depuis 15 ans.

Si le constat est impressionnant, les remèdes préconisés par le FMI apparaissent dérisoires, puisés dans sa vieille boîte à outils et ne s’attaquant pas aux causes structurelles de la dégradation. Peut-on croire que des crédits d’impôt mieux ciblés et le relèvement du salaire minimum fédéral pourraient faire efficacement obstacle aux tendances lourdes qui sont enregistrées ?

Cela ne s’arrête pas là. Un rapport gouvernemental prévoit que Medicare, le système d’assurance santé des 55,3 millions américains de plus de 65 ans aura épuisé ses ressources en 2028, et que la Social Security – le fonds de retraite de 42,9 millions d’américains – en fera autant en 2034. Le rapport n’ébauche aucune piste pour y remédier et c’est une grande inconnue.

Si l’on se tourne vers les étudiants, la situation n’est pas plus favorable. Le volume des prêts étudiants ne cesse de croître, principalement en raison de l’accroissement du coût des études. Le total de leurs encours a triplé en dix ans, pour frôler les 1.200 milliards de dollars. En 2014, 70% des étudiants diplômés avaient souscrit un emprunt d’en moyenne 29.000 dollars. Près de 7 millions d’emprunteurs avaient cessé leur remboursement, un nombre en augmentation constante.

L’augmentation des prêts étudiants a globalement effacé le bénéfice du désendettement constaté dans les autres secteurs du crédit. Il pèse également sur le pouvoir d’achat et la consommation, contribuant à la faiblesse de la croissance américaine dont le FMI vient de baisser sa prévision à 2,2% cette année.

Effectuée par certains, la comparaison avec les subprimes n’est toutefois pas pertinente, car le risque des prêts étudiant n’est pas porté par l’industrie financière mais par l’État fédéral… La dette publique américaine continue allègrement de croître, sans perspective de la contenir. Les fuites en avant ne manquent pas, bien placés pour le remarquer comme nous les sommes en Europe. Aux États-Unis, elle est sans aucun doute porteuse des plus grandes remises en cause. Si cette constatation n’est pas nouvelle, elle n’en est pas moins certaine.

Pour un pays accoutumé à l’idée que chacun génération vivra mieux que la précédente, la pilule est amère et la traduction politique n’a pas tardé. S’inscrivant dans une longue série, le miracle américain a cessé de faire rêver, leurs faiseurs sont à court de promesses qu’ils ne peuvent plus tenir.

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