Billet invité.
Un article du Guardian daté de ce 20 juin annonce l’adoption par la Chine d’une feuille de route visant à l’horizon 2030 à réduire de 50% la consommation de viande de sa population afin de diminuer d’ici là son émission de gaz à effet de serre de 1bn tonnes. La Chine consomme actuellement 28 % de la production mondiale de viande (28% dont la moitié est fournie par sa propre production de porc). C’est beaucoup plus que jamais dans toute son histoire : le même article signale que cette consommation est passée de 13kg par hab./an en 1982 (au début des réformes entreprises par Deng Xiao ping pour faire « décoller » l’économie chinoise) à 63kg par hab./an aujourd’hui. À ce rythme, jugent les experts chinois, 30kg de plus par hab./an sont à prévoir aux alentours de 2030. Le ministre chinois de la santé lance donc une directive dans le sens d’une limite à la consommation de viande per capita dans une fourchette de 40 à 75g par jour.
Cette directive n’a pas pour seul objectif de restreindre les émissions de gaz à effet de serre, dont on sait qu’à l’échelle mondiale 14,5% sont produits par les animaux d’élevage, ce qui la rend donc cruciale et bénéfique pour nous tous, mais aussi d’enrayer le développement à grande vitesse de pathologies comme les différentes formes de diabète et l’obésité. En effet que de jeunes obèses (chose qu’on n’avait jamais vue de mémoire de Chinois jusque dans les années 90 !) parmi les enfants uniques survitaminés, gavés de viande et de sucreries ! Enfin, et c’est peut-être le danger le plus immédiat, la Chine a été très alertée ces dernières années par les inquiétantes épidémies qui ont frappé ses activités d’élevage. On se souvient du terrible SRAS, pathologie respiratoire sévère d’origine animale (les canards en particulier) qui, en mars 2003, fit trembler le monde entier et que la Chine réussit à maîtriser par des mesures strictes avec une efficacité remarquable dont on peut lui être reconnaissant. Plusieurs grippes aviaires ont sévi en Chine ces dernières années avec plus ou moins de virulence et, au début de l’année 2013, pour ne citer qu’un exemple de ces réalités qui font froid dans le dos, quelques centaines de cadavres de porcs ont dérivé à travers la Municipalité de Shanghai au fil du Huangpu. Morts suspectes pour le moins ! Il est bien évident que tous ces graves problèmes sanitaires sont liés à un développement démesuré (et dans une excessive promiscuité avec les humains) des élevages de porcs et des basses-cours afin d’alimenter la population en viande. Heureusement, la population chinoise d’aujourd’hui, instruite, bien formée et bien informée, est particulièrement vigilante et sourcilleuse sur ces problèmes liés à l’alimentation quotidienne. Le Chinois qui fait son marché est un client vétilleux et difficile : il regarde ce qu’il achète à la loupe ! Et nous, à la veille d’un départ en Chine, nous avons droit à tant de recommandations d’amis chinois vivant en France sur ce qu’il ne faut surtout pas manger dans leur pays (recommandations qu’évidemment nous ne suivons pas) que le risque principal que nous y courons est de mourir de faim !
En Chine, nous semble-t-il, la population et le gouvernement sont actuellement d’accord sur ces points : enrayer au mieux le dérèglement du climat, préserver le plus possible l’écosystème nécessaire à notre survie, réfléchir ensemble aux moyens à mettre en œuvre. Là-dessus, il existe un consensus. Nous croyons aussi que la Chine ne se contentera pas d’émettre des vœux pieux. C’est un pays qui a autant de défauts que bien d’autres, mais qui a le sens des responsabilités.
Une pensée pour elle car elle n’a vraiment pas eu de pot : au moment où elle pouvait enfin mettre au monde des enfants qu’on ne serait plus obligé de vendre et où ils seraient de beaux poupons bien nourris et vaccinés, la loi sur l’enfant unique et la très dure coercition qu’il a fallu subir (des années 70 à ces toutes dernières) sont venues casser le rêve millénaire chinois de la famille nombreuse comblée d’enfants, symbole traditionnel du bonheur. La population chinoise était autour de 600 millions dans les années 60 (au moment de la chanson de J. Dutronc !), elle tourne aujourd’hui autour de 1 milliard 300 millions. A combien en serions-nous sans la sévérité de la loi (bon gré, mal gré respectée) de l’enfant unique ? La Chine a peut-être à l’époque davantage pensé à elle-même qu’à la planète, mais la planète peut quand même la remercier, non ?
De la même façon, maintenant qu’à peu près tous les ménages chinois peuvent avoir plus souvent qu’une fois par mois, ou même dans certaines régions très pauvres qu’une fois par an, comme cela a été le cas si longtemps, de la viande à beaucoup de leurs repas, il va leur falloir juguler un appétit en produits carnés qui commençait tout juste à s’aiguiser et rogner sévèrement sur les portions, en tout cas éviter de faire bombance !
C’est moche d’arriver au festin après les autres, un sujet à méditer…
L’intelligence collective fait peur aux milliardaires mais pas une AGI bien bridée pour assurer la perpétuation du capitalisme !