Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Belle expérience partagée, dans un article de Slate, de l’homme contraint de dominer sa raison alors que ses sens le bernent par l’entremise de la réalité virtuelle. Et nous nous découvrons incapables de marcher deux mètres sur un câble posé sur de la moquette.
Déjà Montaigne avait évoqué l’hypothèse, il y a quatre siècles : « Qu’on jette une poutre entre ces deux tours d’une grosseur telle qu’il nous la faut à nous promener dessus, il n’y a sagesse philosophique de si grande fermeté qui puisse nous donner courage d’y marcher, comme nous ferions si elle était à terre« .
La sagesse humaine, nous la savions déjà fragile face à la réalité qu’en sera-t-il demain face à la généralisation de la réalité virtuelle ?
Cette réalité virtuelle a la capacité de nous faire vivre des expériences que nous ne saurions vivre dans le réel. A tel point d’ailleurs, qu’elle peut déjà aider certains d’entre nous à guérir de leur phobie. Mais n’existe-t-il pas aussi des cas où la réalité deviendrait virtualité lorsque la distance entre le sujet et sa perception du réel semblent se partager entre l’infinie et l’ubiquité ?
Nous avons tous vécu par l’intermédiaire de nos chers écrans (déjà autrefois, avec le téléphone) la sensation d’être en relation concrète avec notre interlocuteur (tchat, visioconférence…) pourtant situé à des centaines de kilomètres. Mais la sensation ne peut-elle pas s’inverser lorsque la « réalité augmentée » permet à un militaire, dans son fauteuil sur le sol américain, de piloter un drone au dessus de l’Irak et d’aller tirer une cible à peine identifiable en dehors de ses coordonnées GPS. Cette distance avec le réel a pu amener certains à se demander si l’utilisation de drones armés était morale ? Mais finalement, n’était-ce pas déjà la situation du sniper ?
Pourtant, la conscience humaine, avec le temps celui de la réflexion, peut reprendre le dessus comme dans le témoignage de Brandon Briant qui reconnait avoir participé à l’élimination de 1626 personnes, dont de nombreux civils innocents situés au mauvais endroit, au mauvais moment, histoire mise en scène dans le film Good Kill. Nombre de ces hommes vivent aujourd’hui avec des symptômes post-traumatiques qui ont brisé leur vie.
Somme toute, il n’y a que chez les concepteurs d’algorithmes pour le High frequency trading que la réalité des licenciements boursiers, du chômage de masse, des famines spéculatives ne posent pas de cas de conscience. Au delà de la réalité virtuelle, il semble qu’il existe maintenant une algorithmisation du réel.
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