Billet invité.
« La gestion de fortune a de l’avenir » pronostique le Boston consulting group (BCG). Ouf, tous les métiers ne sont pas condamnés par la robotisation ! Dans son rapport annuel sur la richesse mondiale, le grand cabinet de conseil américain, qui n’a pas l’habitude de parler en l’air, dévoile que le nombre de millionnaires en dollars a augmenté de 6% en 2015, accroissant la clientèle de la profession.
L’accaparement de la richesse continue de progresser en se concentrant, le système financier fonctionnant comme une puissante pompe aspirante. L’étude du BCG montre que le taux d’accroissement de la fortune est d’autant plus fort qu’elle est élevée. On n’a pas fini de parler des 1% qui détiennent à eux seuls 47% de la richesse mondiale et pourraient à ce rythme en posséder plus de la moitié en 2020 ! Circonstance aggravante, cette progression est décorrélée de la croissance de l’économie sur laquelle repose en dernière instance cette richesse, confortant l’image d’une pyramide à la base élargie de plus en plus instable qui repose sur sa pointe. L’inégalité dont elle est l’expression est un profond facteur d’instabilité.
Il a fallu le succès mondial du livre de Thomas Piketty pour que le thème de l’inégalité acquière droit de cité après avoir été longtemps éludé : ce que la science économique écartait n’était pas moins ressenti et s’est exprimé. Mais la prospérité étant pour tous dans nos pays développés, la répartition inégale du patrimoine et des revenus était reléguée au rang des questions accessoires. Désormais, trois descriptions du monde se conjuguent : celles des riches qui s’enrichissent, des pauvres qui sont de plus en plus nombreux, et de ceux qui ne sont ni l’un ni l’autre (et ont plus de chance de devenir pauvres que riches).
L’étude du BCG ouvre d’autres horizons. La richesse des particuliers accumulée off shore, c’est à dire dans des havres fiscaux, représenterait 10.000 milliards de dollars et augmenterait de 3% par an, au rythme de la croissance de l’économie mondiale. Voilà qui met en perspective les discours annonçant régulièrement la fin de la fraude et de l’optimisation fiscales. Voilà qui conduit aussi à une fâcheuse constatation : destinées à satisfaire une opinion publique réclamant des actes, les nouvelles mesures relatives à ces sujets épineux semblent devoir toujours comporter de discrètes failles, comme si des portes devaient rester à tout prix ouvertes. On n’ignore pas l’apport des lobbies dans ce domaine, qui excellent à cet exercice et font la fortune d’une autre profession, celle des conseillers fiscaux.
Hier décrié comme utopique, l’avènement d’un revenu universel pour tous est maintenant envisagé, à sa manière, dans des cercles qui ne sont pas connus pour leur radicalisme outrancier. C’est une question de bon sens : il faut trouver un nouveau montage financier à l’État providence alors que s’opère la réduction du périmètre et des moyens de l’État. Résorber la pauvreté n’est pas au programme, mais assurer la subsistance de ceux qui y sont réduits s’impose pour que la société actuelle conserve une assise.
Reste à assumer la crainte du déclassement, quand celui-ci n’est pas déjà intervenu. Il s’exprime sur le terrain politique, comme on l’observe en Europe et aux États-Unis, empruntant à l’occasion de fausses pistes. L’éventail des contestations et des rejets est grand ouvert, suscitant de nos élites offusquées une dénonciation tous azimuts du populisme à la mesure de leur crainte de la populace. Il n’y est trouvé comme réponse que de jouer sur la peur en l’attisant, celle des étrangers, des minorités agissantes (liste non limitative).
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…