Le réalisme ne saurait se réduire à adopter le point de vue de l’ennemi, par Roberto Boulant

Billet invité.

Nous avons maintenant suffisamment de recul historique pour pouvoir affirmer sans aucune hésitation, que le néolibéralisme est une idéologie qui détruit les hommes et les écosystèmes. De toute évidence, cette violence aussi systémique que nihiliste est même son principe de fonctionnement.

La première question qui se pose alors est de savoir pourquoi les différents gouvernements poursuivent avec autant de constance, une politique économique aussi manifestement absurde et mortifère ? Arrivé à ce point de déliquescence, l’aveuglement, la bêtise ou le carriérisme, ne suffisent plus à expliquer un tel acharnement dans l’erreur.

À moins de ne plus envisager le néolibéralisme comme une simple idéologie économique, mais de le considérer pour ce qu’il est vraiment : un véritable projet politique. Un projet totalitaire !

Car contrairement à ce que prétend la doxa, la mafia néolibérale – comme toutes les mafias -, ne veut pas faire disparaitre l’État, surtout pas ! Elle veut le contrôler pour en détourner le fonctionnement à son unique profit. Et c’est ce que nous voyons se dérouler en ce moment même sous nos yeux : Hollande (ou Tartempion, peu importe le nom de l’Intendant) détruit l’état social et tente de détruire les solidarités collectives qui résistent, MAIS il renforce l’appareil sécuritaire pour le contrôle des gueux. Et s’il a échoué à constitutionnaliser l’état d’urgence, ça n’est que partie remise, un autre au service de la Religion Féroce se chargera d’essayer de nouveau à la suite d’un prochain et inévitable choc.

L’objectif est simple (d’ailleurs comment attendre de la subtilité de la férocité ?), mais double. Puisque le néolibéralisme est la guerre de tous contre tous au profit du 0,1%, puisque cela implique automatiquement un niveau de violence sociale très élevé, il faut :

1- Empêcher par tous les moyens une résistance organisée qui déboucherait sur une révolution.
2- Réprimer les jacqueries, les révoltes aussi spontanées qu’inorganisées, à l’aide d’une police d’état et d’un arsenal juridique adéquat.

Voilà qui explique pourquoi le Président Hollande a trahi toutes les promesses du candidat Hollande, pourquoi il a nommé Premier ministre un homme ayant réalisé un score pitoyable aux élections internes du PS, pourquoi il a propulsé à Bercy un banquier-associé de chez Rothschild, pourquoi il a fait un cadeau de 40 milliards au patronat, pourquoi il tient absolument à imposer – quel qu’en soit le prix -, l’article 2 de la loi El-Khomry, etc, etc.

La seconde question qui se pose ensuite, est de savoir comment résister à la guerre que nous livre le néolibéralisme, si les politiciens professionnels qui sont censés défendre nos intérêts, lui sont inféodés ? Il serait en effet d’une naïveté confondante de croire que ceux qui ont fait le couchage de la bête, qui sont à l’origine du problème, auront la moindre volonté de le résoudre. Ils ont une vie tellement confortable…

La troisième question est spécifiquement française, et tient tout entière dans le génie de nos institutions. Car pour peu qu’il ait une majorité suffisante à l’Assemblée Nationale, et faute de contrepouvoirs effectifs, un Président de la République peut pratiquement tout se permettre. Comment dès lors donner carte blanche pour cinq ans à une personne qui une fois élue n’a plus, ou si peu, de comptes à rendre ?

Sous ces conditions, prétendre que la violence est en dehors du champ politique, alors même que les décisions qui y sont prises contribuent à transformer une part de plus en plus conséquente de la population en simple déchets (les illettrées en usines, les feignants en tee-shirts, les jeunes en général, etc.), est au mieux un non-sens, au pire un déni de réalité.

25 siècles après Thucydide (et après un léger amendement), rien n’a vraiment changé, il nous faut toujours choisir : nous reposer sur les politiciens professionnels, ou être libres.

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