Billet invité.
La lecture du livre de Paul Jorion « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » m’a inspiré cette réflexion.
Selon des recherches récentes sur le fonctionnent du cerveau, l’action échappe à la volonté, je ne maîtrise rien. C’est une illusion de mon conscient qui croit que le moi contrôle tout alors qu’il n’est en fait qu’une caisse enregistreuse. La réalité ne me parvenant qu’après avoir agi (1\2 seconde à 10 secondes) sous-entend que je ne maîtrise pas la décision de cette action. Il arrive que nous ayons la perception d’une action à venir (intuition) celle-ci survient très peu de temps avant que nous n’agissions, c’est une image un peu floue qui en fait est la perception fugace du vrai présent et qui nous semble être un futur. Il est donc possible de court-circuiter l’action de l’inconscient. Devons nous entendre qu’il faut percevoir tout ce que nous sommes, conscient et inconscient, et pour quelle fin ?
Notre cerveau fonctionne ainsi depuis des milliers d’années, et cela doit avoir une raison. Il s’agit peut-être d’une édification d’auto-défense, sachant que le conscient est analytique, il mesure lentement les décisions et les confie à l’inconscient qui est l’acteur non inhibé par des principes, qui se contente de puiser dans la mémoire et adopte la position qui lui paraît la plus juste, commettant malheureusement certaines erreurs qui sont souvent dues à une faute d’attention du conscient, qui se répercutent ensuite en reproche du conscient (mais pourquoi ai-je fait cela?) est-ce alors raisonnable de le court-circuiter ? Cependant si en le faisant nous devenions sans choix les spectateurs en temps réel des actions et décisions de notre inconscient ? Nous ne maîtriserions rien, l’inconscient étant toujours au travail, mais c’est consciemment que nous ne maîtriserions rien et nous éviterions le conflit.
Faut-il tenter de maîtriser ou au contraire laisser les choses se dérouler en observant celles-ci ? En fait nous ne pouvons pas, que nous le voulions ou non, maîtriser. L’inconscient stocke en mémoire toutes les expériences et lorsque telle chose se produit il réagit en analysant instantanément la situation et réagissant à celle-ci en fonction de l’expérience passée. Il nous donne à voir ce qu’il veut et préserve la plus grande part de notre mémoire. La volonté, la maîtrise échappent au conscient. Nous ne faisons rien par la volonté, nous sommes sous le contrôle de l’inconscient et c’est indépassable et peut-être indispensable. Observons l’action en train de se dérouler et nous verrons juste celle-ci dans l’instant ou elle se produit. Nous observons donc l’action de notre inconscient qui nous informe d’une décision qu’il a prise et que nous enregistrons, s’il n’y plus de décalage nous pouvons si nécessaire observer celle-ci et la voir se faner et disparaître avant même qu’elle ne se développe ainsi que le suggère Krishnamurti. Le moi disparaît, il n’est plus, ce qui est, est juste un organe analytique qui étudie les faits les renvoie à l’inconscient en lequel réside le maître des opérations. Nous sommes des analystes. L’inconscient range tous les faits et actes et en fonction de nos analyses antérieures réagit et nous en informe. La mort du moi est particulièrement intéressante car le moi est une illusion. Ainsi lorsque Krishnamurti dit que l’ego n’est rien, il dit tout simplement qu’il n’existe pas, et que le dissoudre ne devrait poser aucun problème, puisqu’il n’a pas d’existence, si ce n’est dans notre imagination. Nous imaginons notre image.
Si le moi est une image élaborée par notre conscient, il n’existe pas. Si le conscient ne décide pas de l’acte, il est irresponsable. Si tout se joue dans l’inconscient, c’est parce que le conscient ayant analysé l’action sur laquelle il n’avait pas de prise à renvoyé à l’inconscient des instructions pour une action future, s’assurant ainsi que celle-ci ne se répéterait pas. La responsabilité de nos actes est donc à analyser avec prudence car elle dépend d’une faculté analytique du conscient qui repose sur des a priori. Ainsi se trouve expliquée la théorie de l’observateur et de l’observé développée par Krishnamurti.
L’observateur est en effet et finalement le conscient, qui reçoit la vision de l’action après coup et juge donc celle-ci défavorablement et regrette qu’elle se soit déroulée ainsi et en culpabilise l’observé qui n’est autre que l’inconscient qui a agi à partir des observations précédentes du conscient. Cette séparation est une fragmentation et est la cause des regrets. L’observateur et l’observé sont une même personne mais divisée dans la responsabilité de l’action, et aussi dans le temps, celle-ci échappant au conscient. Ainsi pour éviter cette fragmentation faudrait-il que le conscient soit conscient de l’action dans l’instant même ou elle se produit. Cela est-il possible? Faut-il pour y parvenir, dissoudre l’ego, qui comme nous l’avons vu précédemment, n’est que vacuité (dans la langue française) et donc illusion ? Ressentir le mouvement en action après avoir mis à mort symboliquement le moi.
Donc nous disions, nous menons une vie sans maîtrise ni contrôle. Sans l’action de la volonté, de la décision, sans direction, ni accomplissement. Le conscient apporte ses conclusions et l’inconscient agit selon ces instructions. Nous n’avons pas à résoudre le problème de la maîtrise celle-ci nous échappant, mais nous pouvons observer notre direction et notre accomplissement, et sans action les voir se diluer dans le néant, et ainsi s’absoudre de toute décision tant qu’à la direction. Si le moi n’a pas d’existence ou du moins si son existence est illusion, une fois celui-ci volatilisé, nous pouvons observer l’action en mouvement dans l’inconscient, seulement si nous avons vu en un instant le tout du conscient et de l’inconscient.
C’est une merveilleuse théorie que je suis loin de pouvoir accomplir.
Une intelligence humaine contemporaine « normale » (disons la mienne) va commencer par calculer les premières valeurs de e(n) (ou les faire…