Les fonds vautours et leurs interprétations fantaisistes du risque qu’ils courent
Deux fonds attaquent aujourd’hui, devant la Cour constitutionnelle belge, la loi belge du 1er juillet 2015 relative à la lutte contre les activités des fonds vautours. Ce conflit pose des questions fondamentales quant au prix d’échange des instruments de dette souveraine.
Dans un monde idéal, la loi serait la fidèle servante de la morale et les fonds vautours seraient interdits. Il aurait fallu pour cela que nous ayons rejeté l’extra-territorialité réclamée par la finance par rapport à la morale, celle-ci étant censée s’effacer devant les exigences d’une rationalité économique que la finance se charge de définir avec l’aide d’économistes bien disposés à son égard.
Il existe un marché primaire de la dette émise par les Etats : un Etat lance disons une obligation de 500 millions à 10 ans (il emprunte cette somme auprès du public) en garantissant un coupon (un taux d’intérêt annuel) de 2,4 %. Il existe aussi un marché secondaire de la dette souveraine où acheteurs et vendeurs d’une telle dette se l’échangent « au prix du marché ».
La loi belge de 2015 affirme que certains de ces prix de marché sont illégitimes et ne peuvent être consentis ; les fonds vautours affirment de leur côté qu’un prix de marché est ce qu’il est et que vouloir fixer le prix d’une obligation équivaut à leur barrer l’accès au marché secondaire.
Qui a raison ? Pour répondre, il faut s’interroger sur la manière dont le prix d’une obligation se forme sur le marché secondaire. Si l’obligation vient d’être émise au moment où elle est revendue, des intérêts seront versés pendant 10 ans ; par contre s’il reste moins d’un an avant que l’obligation n’arrive à maturité (que la somme prêtée soit remboursée), aucun intérêt ne sera versé, et cette différence justifie une différence de prix. Mais un autre facteur joue pour déterminer le prix d’une obligation : le risque d’ « accident de crédit », c’est-à-dire de non-remboursement de l’emprunt et/ou de non-versement des intérêts ; ce risque conduit à l’insertion au sein du taux du coupon, d’une « prime de risque de crédit ». Ainsi quand le marché des capitaux exigea de la Grèce en 2012, un taux d’intérêt de 60 % sur un prêt à trois mois, ce n’était pas parce que la Grèce était devenue à ce point prospère qu’elle pouvait offrir à ses investisseurs des gains faramineux, c’était parce que le risque de non-remboursement (ou de remboursement en drachmes dévaluées après sortie de la zone euro) était considérable.
Le prêteur réclame une prime lorsque le risque de non-remboursement augmente, et comme le coupon officiel de 2,4 % ne la contient pas, en compensation, le prix de l’obligation sur le marché secondaire baisse. Ce qui donnerait raison aux fonds vautours : « C’est la vie ! ».
Mais les choses ne sont pas aussi simples !
Comment le montant de la prime est-il déterminé ? Il devrait normalement être fondé sur un calcul actuariel : une évaluation objective de la probabilité du risque de non-remboursement ou de remboursement seulement partiel, multipliée par le montant de la perte qui serait subie.
Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui : il existe en effet un produit dérivé, le Credit-default Swap, couvrant le risque d’événement de crédit. Le problème, c’est que son prix est déterminé par le marché selon l’offre et la demande d’intervenants détenant ou non ces obligations, et non en fonction d’un calcul actuariel de risque de perte objectif : son prix est spéculatif, ce qui n’empêche pas les marchés de le prendre à le lettre et de considérer que quel que soit le niveau où il aille se placer, il reflète le véritable niveau de risque. Or il s’agit là d’une fable : de nombreuses études ont montré que de tels prix spéculatifs n’offraient qu’une vision fantaisiste du risque véritablement couru.
Disons le tout net : le prix spéculatif d’un instrument de dette est illégitime car le montant de la prime de risque reflété dans le prix devrait être fondé sur une évaluation objective de ce risque en tant que perte possible et non sur le prix spéculatif d’un produit dérivé censé exprimer l’opinion du marché quant au niveau de risque.
Ce qui veut dire qu’un fonds vautour devrait apporter la preuve que le prix bradé auquel il a acquis une obligation reflétait un risque de perte réel et ne résultait pas de l’escroquerie résultant de son évaluation indirecte et fantaisiste par le mécanisme spéculatif que procure le produit dérivé appelé Credit-default Swap.
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