Billet invité.
Que faire quand on ne peut plus ni avancer ni reculer ? Tel est le dilemme qui paralyse une Commission sérieusement divisée, que naturellement elle résout en ne faisant rien ! Ce qui l’a conduite hier à repousser toute décision sur les situations budgétaires et fiscales espagnole et portugaise chancelantes, en attendant d’autres actes de bravoure. Comme l’a fait valoir le commissaire Pierre Moscovici, « ce n’est pas le moment adéquat, économiquement et politiquement ». Le sera-ce jamais ?
La proximité des élections serait en cause, et ce ne serait que partie remise. Voire ! Car si l’on retient l’argument, le calendrier électoral européen laisse peu d’espoir à ce que des décisions d’envergure puissent être prochainement prises. En réalité, les autorités de Bruxelles sont confrontées à un autre problème : celui de l’application de Traités dont ils sont les gardiens, sous la surveillance attentive du gouvernement allemand. Et celui-ci, qui va défendre isolé sa politique au G7 finances de la fin de la semaine, ne donne aucun signe de vouloir évoluer.
Que ce soit en Italie, en Espagne ou au Portugal, atteindre les objectifs de déficit impliquera au mieux des délais supplémentaires, au pire de nouvelles mesures budgétaires ; il est donc urgent d’attendre. Toutefois, la « flexibilité » accordée à l’Italie a des limites et peut difficilement être étendue à tous : elle n’est pas en soi une politique, une alternative à celle qui ne fonctionne pas et s’effondre.
Afin de desserrer l’étau comme seul objectif, Matteo Renzi a convoqué pour demain un mini-sommet européen socialiste. La liste des participants est encore indécise, mais l’on croit savoir que la question de la dette grecque y sera traitée en présence d’Alexis Tsipras, qui aura rang d’observateur, ainsi que celle du partage des réfugiés. Car un malheur n’arrivant jamais seul, d’autres objectifs ne sont pas atteints comme on sait.
Les états européens auraient dû déjà accueillir 20.000 réfugiés provenant de Grèce et d’Italie à la mi-mai, selon le plan de la Commission, mais celle-ci n’a pu en dénombrer dans ce cas que 1.500 au total depuis l’été dernier. Et les conditions dans lesquelles les réfugiés sont en attente en Grèce ne sont ni dignes ni acceptables. En Allemagne, la contestation monte vis à vis du gouvernement turc. Le Bundestag s’apprête à adopter le 2 juin prochain une motion sur le génocide arménien, un vrai chiffon rouge. Son président, Norbert Lammert, fustige « les ambitions autocratiques » du président turc Recep Tayyip Erdogan et critique son projet de révision constitutionnelle levant l’immunité des députés sous procédures judiciaires, qui vise les élus du parti d’opposition pro-kurde. Pendant ce temps, Angela Merkel s’efforce de sauver sa politique en se rendant à un sommet humanitaire en Turquie !
Ce n’est pas tout, comme également déjà constaté, les gouvernements italien et portugais sont confrontés à des montagnes de créances douteuses dans les bilans de leurs systèmes bancaires, conséquence directe de la politique qui leur a été imposée, et ne peuvent appliquer sans casse la directive qui commande un bail in en cas de renflouement.
Un coup d’arrêt peut-il être donné à l’effilochage de l’Europe ? Poser la question renvoie au projet de François Hollande, dévoilé par El Pais, de création d’un noyau dur de l’Europe au sein duquel serait instaurée une coordination renforcée des politiques économique et militaire en premier lieu. Mais, définissant un cadre institutionnel, ce projet semble moins avancé sur le contenu de la politique qui serait menée dans ce nouveau contexte destiné à reprendre la main. Faut-il s’en étonner, connaissant les manières de son auteur ?
L’idée est sans doute que ce cadre serait plus adapté pour passer avec le gouvernement allemand les compromis que le chef de l’État français n’est pas parvenu à obtenir à ce jour…. Mais tout cela risque de se réduire à une simple opération d’appui de sa candidature à un second mandat présidentiel. Angela Merkel sera également devant une échéance électorale, sous la pression de la droite nationaliste montante de l’AfD, et devrait préférer laisser passer ce cap avant de se lancer dans une opération de nature fédéraliste électoralement peu payante.
Pour elle, il est urgent de gagner du temps, ce qui tient lieu de politique aux dirigeants européens quand ils se trouvent placés le nez sur leurs contradictions. Les opinions publiques et les électeurs ne l’entendent pas nécessairement ainsi, sombrant dans ce populisme tant exécré qui souvent penche à droite. La faute à qui ?
Le moment ne serait pas mal choisi pour préparer une initiative européenne afin de présenter une alternative.
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