Billet invité.
En cherchant à obtenir la participation du FMI au 3ème plan de sauvetage de la Grèce, le gouvernement allemand s’est pris tout seul les pieds dans le tapis, ne pouvant accepter ses propositions de restructuration de la dette.
Après avoir fait tourner ses modèles, le FMI en est arrivé à la conclusion qu’il ne pouvait être demandé à la Grèce de dégager un excédent budgétaire annuel supérieur à 1,5%, loin des 3,5% exigés par les autorités européennes. Ce qui est déjà beaucoup demander vu que le pays est exsangue en raison du régime qui lui a été imposé. Rapporté à la dette, cela aboutit à proposer de l’exempter de tout remboursement de ses prêts et payement d’intérêts jusqu’en 2040, puis à étaler ceux-ci sur quarante ans jusqu’en 2080.
Il est fort douteux que ce compromis qui évite tout renoncement à la valeur nominale des prêts consentis puisse être accepté par les créanciers européens, Allemagne en tête, en dépit des pressions américaines qui poussent à un accord. Accorder un décalage du remboursement de la dette de près d’un quart de siècle apparaitrait comme une remise de peine déguisée et créerait un précédent inacceptable. La divergence opposant le FMI et les dirigeants européens est désormais cristallisée.
Le G7 finances de la fin de la semaine sera certes l’occasion de continuer à rechercher « une solution d’allègement de la dette pragmatique et durable pour la Grèce », selon un haut responsable du Trésor américain, mais les points de vue sont trop divergents pour qu’un accord puisse désormais intervenir. Une formule d’attente sauvant les meubles pourra être recherchée afin de passer le cap des élections allemandes de 2017, la participation du FMI au plan de sauvetage excluant alors tout volet financier. Une autre solution serait d’adopter un plan prévoyant des mesures à court, moyen et long terme, laissant ces dernières dans l’ombre.
La proposition du fonds est dans l’air du temps : on ne brise pas les tabous – on élude en l’occurrence toute remise de peine – mais on ruse avec eux. En tâtant le terrain avant de procéder à une émission obligataire à 50 ans, le gouvernement italien, un maître dans le jeu des faux-semblants, ne procède pas autrement : il étale le plus possible le remboursement de la dette pour en adoucir la charge budgétaire, quitte à payer un intérêt plus élevé, et va à la rencontre des investisseurs qui cherchent à échapper à la marée des taux négatifs…
La Commission a adopté la même politique vis à vis du plan de stabilité, en dépit de divisions internes de plus en plus prononcées entre faucons et colombes. Elle vient d’accorder à l’Italie la « flexibilité » que celle-ci réclamait et doit se prononcer aujourd’hui sur les finances espagnole et portugaise. « On ne peut pas serrer la vis de cette manière » a déclaré Jose Manuel Garcia-Margallo, le ministre des affaires étrangères, ne croyant pas qu’il y aura une amende. Bruxelles s’acheminerait dans les deux cas vers l’adoption d’une sanction non assortie d’une pénalité financière, car ne pas la prononcer reviendrait à entériner la mort du pacte de stabilité qu’il faut au contraire masquer. Il n’y a qu’une seule sortie par le haut à cette situation, la création d’un budget européen géré par une entité commune, ce qui dépossédera la Commission de sa mission de gardienne des Traités au profit des gouvernements qui en seront membres. Mais les mêmes questions se poseront dans une autre enceinte.
Les problèmes auxquels les autorités européennes doivent faire face ne manquent pas, et elles se seraient bien passées de voir les banques revenir sur le tapis. N’étant pas parvenues à adopter le troisième volet de l’Union bancaire – la création d’un fonds européen de garantie des dépôts – elles voient maintenant son second volet qui porte sur la résolution des crises bancaires mis en cause. À force, l’Union bancaire ne va plus reposer que sur la mission de surveillance des banques confiée à la BCE, loin de ses ambitions initiales, et n’aura plus d’union que le nom.
La piteuse situation des banques italiennes minées par leurs prêts non performants a en premier bousculé les règles du jeu. La formule du bail in ruinant les petits investisseurs et siphonnant la trésorerie des petites et moyennes entreprises, le gouvernement italien a mis au point un montage financier qui risque de déstabiliser ses plus grandes banques mobilisées pour la circonstance. La Grèce avait fait le ménage dans son système bancaire dans la précipitation avant que la nouvelle réglementation entre au début de l’année en vigueur, l’Italie n’avait plus cette ressource.
Les banques portugaises sont également en mauvaise posture pour les mêmes raisons – le gonflement des prêts non performants – et le gouvernement socialiste cherche lui aussi une solution à l’italienne. Il est appuyé par la Banque du Portugal, l’Association des banques portugaises et Marcelo Rebelo de Sousa, le nouveau président de centre-droit. Ensemble, ils demandent à la Commission une dérogation aux nouvelles règles de résolution bancaire, afin de créer une bad bank qui s’appuiera principalement sur des fonds ou une garantie publique afin de débarrasser les banques de leurs créances douteuses via leur titrisation. Car, à la différence de l’Italie, ce sont les banques les plus importantes qui sont les plus affaiblies, et il ne reste plus que les plus petites pour les soutenir. D’où proviendront les fonds privés dans ces conditions ? Et comment recapitaliser la banque publique Caixa Geral de Depositós autrement qu’avec des fonds publics ? Autant de questions dérangeantes.
L’Union bancaire file désormais un mauvais coton. A tel point que le FMI se met de la partie et conseille aux Slovènes d’adopter également le schéma italien de sauvetage des banques ! Comment sauver l’Europe malgré elle se demande-t-on outre-Atlantique, inquiet de la tournure prise par les évènements, par la menace du Brexit notamment ?
——–
PS : J’ai hier fait état à tort d’une proche décision du Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe à propos du programme OMT de la BCE, or celle-ci reste toujours en suspens ! Par contre, une nouvelle action a bien été engagée par des hommes d’affaires et des universitaires allemands à propos des achats d’obligations des grandes entreprises entamés par celle-ci, au prétexte de la discrimination que cela représente pour celles qui sont exclues du programme.
Je peux vous garantir que si l’OTAN était intervenue en Ukraine, les russes l’auraient grandement senti passé ! A commencer…