L’ITALIE ATTEINTE PAR LE SYNDROME GREC, par François Leclerc

Billet invité.

Devant l’afflux des réfugiés qui traversent la Méditerranée pour rejoindre ses côtes, l’Italie craint de devenir à son tour un cul de sac comme la Grèce. Observant que l’Autriche se prépare à instaurer des contrôles au col de Brenner, la principale voie de passage avec l’Italie, elle réagit vivement.

« L’hypothèse d’une fermeture du Brenner est un outrage aux règles européennes et contre l’Histoire », s’est insurgé Matteo Renzi, tandis que son ministre des affaires étrangères, Paolo Gentiloni, rappelait que « la fermeture des frontières à l’intérieur de l’espace Schengen ne peut pas être décidée par les seuls États membres ». Mais le contexte ne leur est pas favorable, et ils vont devoir plier.

Thomas de Maizière, le ministre allemand de l’Intérieur, a enjoint au gouvernement italien de contrôler le flux de migrants en déclarant « nous partageons le point de vue de l’Autriche selon lequel il ne doit pas se créer à la frontière nord de l’Italie une situation comme sur la route des Balkans à l’automne dernier ». Wolfgang Sobotka, son homologue autrichien, n’a pas manqué de confirmer qu’il était « du devoir de l’Italie » d’agir en instaurant elle-même des contrôles au tunnel de Brenner.

Il ne restait plus au gouvernement italien qu’à obtempérer, ce qui devrait être officialisé lors de la visite à Rome de Jean-Claude Juncker, Donald Tusk et Martin Schultz, respectivement président de la Commission, du Conseil et du Parlement européen, qui est programmée pour le 5 mai prochain. Tous ensemble afin que la chose soit claire et entendue…

Outre le déploiement déjà envisagé de forces navales de l’Otan, et la possibilité pour les forces déjà engagées de l’opération européenne Sophia de pénétrer dans les eaux territoriales libyennes, il est maintenant envisagé de créer des « hot spots flottants » ! Le tri entre les demandeurs d’asile et les migrants économiques, à refouler, serait effectué sur les bateaux leur portant secours, on voit venir l’arbitraire.

Déjà très atteint, l’espace Schengen ne pourra être préservé qu’au prix d’une mise en cause du droit d’asile dans toute son étendue, une fois les frontières extérieures bouclées. Et quand un nouvel obstacle surgit encore, il est contourné sans se soucier de ces valeurs européennes qui ne sont bonnes qu’à étoffer les discours et n’engagent que ceux qui les écoutent.

Afin de préparer le terrain à la suppression des visas pour les citoyens turcs – et de remplir une condition impérieuse fixée par leur gouvernement – les autorités allemandes et françaises proposent maintenant de créer un mécanisme permettant une suspension rapide de cette mesure une fois adoptée. « Ce n’est pas bien grave d’accorder ce droit, puisque l’on pourra facilement le suspendre », pourra-t-il être répondu à ceux qui s’en offusqueront si les visas sont supprimés sans plus de cérémonie.

Le respect des 72 critères à respecter pour l’obtenir passera à l’as, la mansuétude prévaudra et les valeurs européennes seront bafouées, qu’importe vu l’enjeu ! Le 4 mai prochain, la Commission va rendre son verdict à propos du respect par la Turquie des conditions à remplir pour être exemptée de visas, les États membres et le Parlement européen ayant ensuite leur mot à dire. Tel que cela se présente, cela va-t-il se résumer à une simple formalité ?

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