Afin de ne pas rééditer leurs exploits passés et de boucler le dossier grec, les hautes autorités européennes ont décidé dans la précipitation d’une série de réunions, avant de s’attaquer aux dossiers suivants qui s’accumulent sans avoir un même degré d’urgence.
Un Eurogroupe est fixé au 9 mai, ainsi qu’un sommet le 14 ou le 15 s’il n’aboutit pas. Jeroen Dijsselbloem réunira auparavant les principaux protagonistes afin de mettre toutes les chances de son côté. Les gouvernements français, italien et portugais ont en effet exprimé leur désaccord avec le projet d’imposer l’adoption par le Parlement grec des nouvelles mesures contingentes, ainsi que leur volonté d’engager sans tarder la discussion sur la dette. Le gouvernement allemand va-t-il pouvoir l’ignorer ?
D’autres occasions s’annoncent pour vérifier que sa politique ne fait plus recette comme avant. En Espagne, où le gouvernement intérimaire ne peut agir, le dérapage du déficit public se poursuit. Cette situation a de fortes chances de se prolonger au-delà du nouveau round électoral de juin, et le déficit va encore empirer, créant un trou de plus en plus difficile à combler. Au Portugal, dont le gouvernement est sur la corde raide, les prévisions budgétaires destinées à atteindre les objectifs de réduction du déficit reposent aux trois quart sur des perspectives de croissance à concrétiser, et sur le soutien financier d’un système bancaire en difficulté.
Le gouvernement italien, qui est déjà en campagne électorale, est en sédition larvée avec Bruxelles, tandis que le Mouvement des 5 étoiles s’apprête à conquérir la mairie de Rome, en position de challenger par rapport au parti démocrate de Matteo Renzi pour les législatives de 2018. Les réformes du marché du travail de ce dernier sont présentées comme l’exemple à suivre, mais ce sont des aides financières aux entreprises qui ont fortement contribué à leur succès, et les moyens manquent pour les renouveler. Les chiffres de l’emploi ne sont plus si démonstratifs désormais. L’un des pires indicateurs, le chômage des jeunes, reste toujours aussi alarmant. Au Portugal, si le taux de chômage continue de faiblement diminuer, mais reste toujours supérieur à 11%, celui des jeunes de moins de 25 ans est de 30,7%, en constante augmentation. L’émigration des jeunes diplômés se poursuit.
C’est en Allemagne que les tensions européennes s’expriment le plus significativement. Nouvel épisode des désaccords omniprésents avec la BCE , Angela Merkel est entrée dans la danse. Elle revendique le droit des politiciens à pouvoir critiquer la BCE, à condition que cela ne remette pas en cause son indépendance ! Un tabou est tombé, les apparences sont sauvées. Elle en a tiré comme conclusion que c’est à ceux-ci d’agir afin de stimuler la croissance grâce à l’adoption de réformes structurelles et au développement de l’investissement privé. La presse allemande, ainsi que de nombreux responsables, ne se privent plus d’attaquer avec virulence Mario Draghi, qui est venu s’expliquer devant le Bundestag sans aucune chance de convaincre.
Un voyage en Italie du président de la Bundesbank Jens Weidmann, où il a multiplié les rencontres privées sans rencontrer aucun officiel, a déclenché dans le pays une campagne de presse toute aussi véhémente à l’égard de ce qu’il représente. De Rome, il a défendu le projet de diminuer la détention des titres souverains par les banques, cette ligne de vie grâce à laquelle l’Italie peut continuer à financer son énorme dette… En pure perte, car Matteo Renzi a déjà annoncé son intention d’opposer son veto à ce genre de mesures.
Ces bagarres restent à fleuret moucheté entre gens qui savent se tenir mais n’empêchent pas les situations de rester hors normes. Afin d’éloigner le moment où il faudra agir et accentuer les désaccords, Jeroen Dijsselbloem propose de réformer le Pacte de stabilité en retouchant le calcul du déficit public. Le déficit structurel serait remplacé par l’indicateur des dépenses de référence, qui lie niveau des dépenses et activité économique. Mais il ne faut pas en attendre plus que des variations selon les jours d’un dixième de pourcentage de la croissance, de l’emploi ou bien de l’inflation, qui ne modifient en rien le tableau général mais font beaucoup gloser.
Des détériorations encore plus marquées de la situation, jusqu’à la menace de sorties de route incontrôlées, doivent-elles être attendues pour qu’il en soit tenu compte (avec le risque que ce soit de la pire manière). Cette fuite en avant aura son terme, mais quand ?
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