Retranscription de Le temps qu’il fait le 22 avril 2016. Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le vendredi 22 avril 2016. Un tout petit mot de l’actualité, c’est la question des réfugiés, des migrants. Un problème qui, au niveau de l’Europe, semble être du domaine de l’insoluble. Des mesures sont prises qui n’ont ni queue, ni tête. À la fois, on prend conscience de la taille du problème, et en même temps, on révèle comment des états, bien organisés, qui devraient, en fait, avoir une organisation dans le cadre de l’Union européenne, et à l’intérieur de l’Union européenne, dans la zone euro, sont incapables non seulement de résoudre des problèmes économiques et financiers, mais quand il y a un problème d’un autre ordre qui se présente, problème de taille importante, je veux bien, révèle une pagaille absolue. Signe de l’effondrement généralisé ? je ne vais pas dire ça, mais on pourrait le lire de cette façon là. Il y a là, une crise importante, un problème.
Ce n’est pas inédit dans l’histoire, mais voilà, à l’époque du 3è ou 4è siècle de l’Europe, il y a eu ces grands déplacements qu’on a appelés du terme péjoratif d’« invasions barbares. » « Barbares », vous savez ce que ça veut dire, cela veut dire : ceux qui ne parlaient pas le grec. « Invasions », oui, il y a eu des populations en nombre très importants qui sont venus s’installer. Est-ce que c’est une histoire qui a mal tourné ? Mais non puisque ces populations sont devenues, le plus souvent, des populations dominantes aux endroits qu’elles avaient envahi et la légitimité est arrivée de leur côté. Alors qu’ont fait les gens de l’époque qui voyaient cela comme des invasions ? Eh bien, tout cela a fini par s’arranger. On a perdu, peut-être, le nom du pays dans lequel on était, ça s’est vu. Les Francs ne représentaient pas grand-chose, ils ont donné leur nom à la France. Ils ont dominé, voilà ils sont devenus les Maires du palais, puis ils sont devenus les rois, et voilà. Maintenant le pays, c’est la France. Alors, c’est un petit groupe de gens qui sont venus comme ça, de l’extérieur.
Mon actualité à moi, c’était de me rendre hier à la Nuit Debout à Paris. J’avais perçu en lisant la presse dans la journée, qu’il y a des hésitations : il y a déjà des gens qui s’affolent à l’idée qu’un mouvement qui n’a même pas encore un mois, ne soit pas passé à autre chose. À autre chose, c’est quoi ? La prise du pouvoir ? La Bastille ? Non, non, non. Oh, je lis dans la presse, qu’on n’a jamais vu quelque chose comme ces assemblées libres, qu’on n’a jamais vu quelque chose comme ces prises de paroles. Eh bien, il faut être assez jeune pour dire des choses comme ça. Les gens qui avaient 20 ans en 1968, eh bien, ils ont vu exactement la même chose, c’est copie conforme. Cela ne veut pas dire qu’il y a une intention de copie ou que ce soit une mauvaise chose. Au contraire, c’est une chose excellente, ces assemblées libres, ces prises de paroles dont a parlé mon ami de Certeau, c’est quelque chose d’important. Il n’y a pas de raison que cela passe, maintenant, à autre chose.
Il y a une parole qui émerge, il y a un discours contradictoire si on met toutes ces interventions en parallèle, en se demandant s’il y a des contradictions. Bien entendu, il y a des gens qui demandent des choses différentes, et en particulier, il y a des gens, je l’ai entendu hier, qui ont une âme d’apparatchik. Des gens qui sont prêts pour un bureaucratisme autoritaire, qui sont là en disant qu’il ne se passe rien, etc. Non, il faut de la patience : si quelque chose doit émerger, cela doit émerger, mais de soi-même. C’est ce que j’ai tenu à dire, il y a des vidéos, il y aura des vidéos. Il y a le texte que j’ai écrit moi-même et que je vous montrerai. Mon intervention a eu lieu dans la soirée. Je n’invente pas quand je dis qu’elle a été applaudie, les gens qui étaient là l’ont entendu. On pourra s’en convaincre, si on veut. À mon avis, il n’y a pas de raison de faire autre chose. Je leur ai dit essentiellement de continuer comme ils le font maintenant. C’est important. Il peut en émerger quelque chose d’important pour la suite. Mais même s’il n’en émerge rien dans les jours qui viennent, c’est une bonne chose que cette prise de parole.
Dernière chose que je voudrais mentionner, c’est l’actualité de mon bouquin, Le dernier qui s’en va éteint la lumière. Réception inattendue, aucun de mes livres n’a été reçu de cette manière là. Si vous regardez sur Amazon, il se situe dans les 100 premières ventes. Il oscille récemment autour de la 100e place. Ce n’est pas mal : il y a tous les romans, les livres à colorier, et ainsi de suite. Dans les livres qui font le hit parade des essais, cela fait une semaine qu’il tourne autour de la 10e place. C’est une chose excellente et je dirais surtout, comme signe intéressant, hier, un contrat avec la Chine pour une traduction. Non seulement ça, mais l’éditeur qui, comme vous le savez, est un éditeur important, m’a dit : « On n’a jamais vu un contrat avec la Chine, comme ça ». Alors ça, c’est très bon signe ! Cela veut dire que les Chinois pensent que le livre va se lire énormément chez eux. Et finalement, en y réfléchissant un petit peu, je ne suis pas surpris. S’il y a bien un peuple qui par sa culture ne se fait pas d’illusions sur la difficulté de faire vivre des gens ensemble, qu’il s’agisse du confucianisme ou du taoïsme, ou du marxisme-léninisme tel qu’il a été appliqué par Mao Tsé Toung, ou du fonctionnement actuel de la Chine, avec des tentatives d’ordres divers pour essayer de créer un pays moderne, mais comme on le voit, sans se faire trop d’illusions, sans même se faire d’illusions du tout, sur la manière dont un pays peut marcher. Toujours sur le mode expérimental, toujours dans cette tradition chinoise de ne pas faire confiance à des théories qui nous diraient que les choses se font de telle ou telle manière, mais seulement en ayant les yeux rivés sur la réalité telle qu’elle est dans son foisonnement. Il n’y a pas, je dirais, de croyances superflues, de la même manière qu’il n’y a pas de croyances superflues dans le bouddhisme, comme religion, en particulier, qu’il n’y a pas un dieu derrière qui fait de nous des marionnettes. Pas d’illusion sur la difficulté d’organiser une société. Cela ne veut pas dire que la solution actuelle soit la meilleure, mais un peuple qui sait que c’est compliqué, qui lira mon livre avec intérêt en ne tombant pas des nues en disant : « Comment peut-on se poser des questions comme ça ? » – « Quoi, l’extinction ? », comme des gens qui m’interviewent : « Mais de quoi parlez-vous ? ». Non, les Chinois vont prendre ça au sérieux, c’est une bonne chose. Qu’ils mettent le paquet pour en faire un livre qu’on lit, c’est très bien. Bon vous avez vu, c’est une presse universitaire, d’une des plus grandes universités, celle qui a la meilleure réputation justement dans la réflexion sociologique et économique. C’est une très bonne chose. Alors, je ne sais pas combien de temps cela prend pour traduire mon bouquin en chinois, il y a sûrement des discussions avec l’auteur sur comment exprimer telle ou telle chose, mais cela va se faire. Voilà, c’est un bon signe ! À mon avis, si les Chinois lisent ça et le prennent au sérieux, c’est quand même une bonne partie de l’humanité qui aura une vision qui permettrait de prendre les choses en main et de partir dans une autre direction.
Voilà, ce que j’avais à vous dire aujourd’hui. Mes bras s’ankylosent un peu à tenir mon iPad à bout de bras ! À la semaine prochaine.
Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…