Billet invité.
Les actions de la BCE sont au plus bas en Allemagne. La mise en cause de Mario Draghi a monté d’un cran, ses détracteurs appelant à un changement de sa politique, sans crainte de bousculer le dogme de l’indépendance de la banque centrale. Le temps n’est plus où Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, éternel minoritaire au sein du conseil des gouverneurs de la BCE, se contentait d’exprimer ses réserves, de voter contre les mesures décidées par la majorité, puis se bornait à déclarer que cela allait « trop loin ». Le dernier train de mesures, l’annonce que de nouvelles pourraient intervenir et l’irruption dans les débats de l’option de l’Helicopter money ont été de trop.
Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, va retrouver tous ses collègues lors d’un G20 finances puis à la réunion de printemps du FMI à Washington. Il a la ferme intention d’obtenir une hausse des taux des banques centrales au nom de la menace que représente la formation de bulles financières. La position allemande n’a bien entendu pas varié, car selon le ministre des finances « il est de mieux en mieux compris que la liquidité excessive est devenue plus une cause du problème que sa solution ».
Rapportés à la situation européenne, les faibles taux actuels ont comme grand défaut de diminuer la pression exercée sur les gouvernements en leur procurant des marges de manœuvre budgétaires. Selon Markus Söeder, le ministre bavarois des finances de la CSU, cela a d’autres conséquences inacceptables : « la politique du zéro-intérêt atteint les actifs des millions d’Allemands qui ont investi leur argent dans des comptes d’épargne et l’assurance-vie ». Lui faisant écho, Sigmar Gabriel, le ministre social-démocrate de l’économie, a déploré que la politique suivie par la BCE frappe « les petites gens »…
La côte d’alerte a été atteinte lorsque, de source gouvernementale anonyme, Der Spiegel a évoqué l’éventualité d’une action en justice à l’encontre de la BCE, si elle décidait de faire décoller l’Helicopter Money. Le porte-parole du ministère des finances a démenti, mais a laissé une porte ouverte en expliquant que l’indépendance de la BCE prévaudrait tant qu’elle agit dans « les limites de son mandat »…
Vítor Constâncio, le vice-président de la BCE, a eu beau déclarer que « nous n’envisageons rien de la sorte », le mal avait été fait lorsque Mario Draghi avait qualifié cette option « de concept très intéressant ». L’ampleur prise par le débat à ce propos a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Wolfgang Schäuble a mis les points sur les « i » en attribuant pour moitié à Mario Draghi, qu’il va rencontrer afin de calmer le jeu, la responsabilité de l’essor électoral du parti favorable à une sortie de l’euro, Alternative für Deutschland (AFD).
Les derniers sondages ont en effet de quoi préoccuper la coalition au pouvoir, faisant apparaître une lente dégradation des résultats de la CDU-CSU et du SPD qui, si elle se poursuivait, rendrait impossible la reconduction du gouvernement de grande coalition actuel. Une expression de plus de la crise politique qui continue de faire des ravages dans toute l’Europe, comme on le constate déjà en Espagne, et depuis peu en Islande et en Irlande.
La crise des réfugiés est entrée dans une nouvelle phase moins critique (pour les autorités européennes, s’entend), ce qui leur permet de renouer avec leurs vieux démons. Les budgets espagnol, italien et portugais vont à nouveau être sur la sellette à Bruxelles, faisant prendre toutes ses responsabilités à la Commission, tandis que Mario Draghi poursuit son travail de consolidation et de restructuration en profondeur des systèmes bancaires, se penchant sur celui du Portugal après l’avoir fait sur ceux de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie, où les travaux ne font que commencer. Il ne peut que constater l’étendue des dégâts produits dans les bilans bancaires par une politique européenne récessive et qu’avaliser les sérieuses acrobaties destinées à ne pas circonvenir trop ouvertement aux nouvelles règles de sauvetage des banques dispensant, au moins dans un premier temps, les pouvoirs publics d’intervenir financièrement.
À Athènes les membres du Quartet s’acharnent à trouver avant la réunion de Washington du FMI qui commence le 15 avril, un accord avec le gouvernement grec. L’objectif est de trouver un compromis résolvant sur le papier l’équation posée par le FMI, qui réclame qu’une cohérence soit trouvée entre les objectifs d’excédent budgétaire assignés et le montant de la dette à rembourser. Se voulant apaisant à propos de la Grèce, Wolfgang Schäuble avait déjà déclaré la semaine dernière « nous allons trouver dans les semaines qui viennent une solution », mais le feu couve à nouveau en Europe, réclamant beaucoup de doigté dans les mois qui viennent.
En prévision du référendum britannique de juin prochain, et du tête à tête renforcé avec Berlin qui pourrait en résulter en cas de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, a lancé un ballon d’essai pour le compte de François Hollande. Il a proposé à nouveau la création d’un poste de ministre de l’économie de la zone euro, sur les pas de Wolfgang Schäuble et de Benoît Coeuré de la BCE.
Celui-ci serait tout à la fois membre de la Commission, président de l’Eurogroupe, et à la tête d’un Trésor européen composé des services économiques de la Commission et du Mécanisme européen de stabilité. En charge d’élaborer la stratégie avec l’Eurogroupe, il aurait pour objectif de « trouver un meilleur équilibre de l’épargne vers l’investissement », une orientation écartant l’investissement sur fonds publics, dans la ligne de la politique allemande. On n’a rien sans rien.
Est-il encore possible de contrecarrer la logique de démantèlement de l’Europe qui est largement entamée, encore confirmée par les résultats du référendum néerlandais sur l’accord d’association avec l’Ukraine ? C’est de plus en plus hasardeux sans un changement de politique qui ne se présente pas. Pendant combien de temps va-t-il être possible de contenir les désaccords avoués ou inavoués des gouvernements qui tentent d’élargir leurs marges de manœuvre, ne pouvant respecter les contraintes imposées ?
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…