Billet invité.
Tout s’écroule, un nouveau pan de mur s’effondre : « la dynamique de la croissance est perdue » vient d’admettre Christine Lagarde afin de préparer les esprits à une nouvelle baisse des prévisions du FMI. C’est devenu une tradition à l’occasion de chaque réunion de Printemps de Washington du FMI et de la Banque Mondiale. Une telle situation appelle « des mesures décisives », affirme-t-elle de manière volontaire, sans comme d’habitude les identifier autrement qu’en termes très généraux.
Soyons honnête, on aura noté que la tentation du protectionnisme « serait une orientation tragique » – ce qui ne bouleverse pas la pensée dominante – mais pour le reste on est prié de se rendre aux rayons des « mesures structurelles », des politiques monétaires accommodantes et de l’investissement dans les infrastructures pour y faire un choix qui reste à discrétion. Quel précieux viatique est délivré pour les ministres des finances du G20 des 14 et 15 avril prochains !
Sur ces thèmes rabâchés, des éclaircissements étaient attendus avec impatience sur l’intervention de la directrice générale devant le brillant aréopage international du séminaire de Paris du 31 mars dernier sur le « renforcement de l’architecture financière », un thème prometteur. Hélas son intervention n’a pas été publiée. Pour rendre compte de cette réunion où la parole était censée être plus libre que lors des sommets, nous nous sommes rabattus sur le discours de Michel Sapin, l’hôte et maître de ces lieux. Tragique malentendu !
Bien inspiré, le ministre est parti de la constatation irréfutable que « les flux de capitaux ont été particulièrement volatiles ces dernières années » pour s’inquiéter du fait qu’ils sont « insuffisamment connus », ce dont on conviendra aussi. Mais cela s’est gâté quand il a préconisé non sans audace « de disposer d’une meilleure information à leur sujet, notamment pour les centres offshore, le secteur bancaire parallèle et les produits dérivés ». Autant dire qu’en prétendant rendre transparente la partie sombre de la finance, le ministre à laissé planer un doute sur la portée effective de ses propos.
Le séminaire parisien, qui prenait la suite de celui de Nankin, en 2011, avait pour objet d’alimenter « la réflexion sur les mesures à mettre en œuvre pour renforcer l’architecture financière internationale et faire en sorte qu’elle soit au service d’une croissance durable », mais on ne saura pas si, par exemple, les participants se sont penchés sur le gigantesque marché opaque des eurodollars (instruments financiers libellés en dollars en-dehors du marché domestique américain) qui est si familier aux grandes entreprises transnationales. Ou bien s’ils ont enfin envisagé, en ces temps de Panama papers, de prohiber les titres au porteur anonymes, ainsi que les trusts et les fiducies qui permettent de camoufler l’identité des ayant-droit. Ou encore de démêler les opérations illégitimes de celles qui ne le sont pas dans les offshores, à moins qu’il soit plus simple de se demander s’il peut y avoir de bonnes raisons de créer de telles structures…
C’est un tout autre spectacle qui nous est offert. Pris à contrepied, Michel Sapin a aujourd’hui annoncé réinscrire le Panama sur la liste des « pays non coopératifs » dont il avait été retiré en 2012 à la suite de la signature d’une convention sur la lutte contre l’évasion fiscale ! Créé par le G20 afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, le Groupe d’action financière (GAFI) l’avait pour sa part retiré au début de cette année. L’OCDE, qui intervient de son côté en jouant les intransigeants, prétend que le Panama est « le dernier des Mohicans », la dernière place financière à avoir refusé de mettre en place des systèmes pour collecter des informations, condition considérée comme déterminante. Ce qu’Oxfam conteste, au regard de l’activité déployée par le cabinet Mossack Fonseca dans de nombreux havres fiscaux que viennent de révéler les Panama papers.
Cette confusion serait-elle entretenue ?
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