LES DESSOUS DES NÉGOCIATIONS GRECQUES, par François Leclerc

Billet invité.

Quel jeu le FMI joue-t-il vis à vis de la Grèce ? La publication aux bons soins de Wikileaks de la transcription d’une téléconférence du 19 mars dernier de Poul Thomson, son directeur pour l’Europe, avec Delia Velkouleskou, sa chef de mission en Grèce, éclaire les dessous des négociations en cours, qui n’avancent pas.

On savait déjà que le FMI, qui n’a toujours pas encore décidé s’il va ou non mettre au pot du nouveau plan de sauvetage de 86 milliards d’euros de la Grèce, avait depuis le début mis le marché dans les mains d’Alexis Tsipras  et de la Commission  : « soit vous coupez comme nous le demandons dans les dépenses budgétaires, soit vous procédez à une diminution de la dette, car sinon elle ne sera pas soutenable et nous ne nous joindrons pas au club ». Selon le Fond, il faut trouver « un compromis entre ce qui est faisable sur les réformes et la quantité d’allègement de dette nécessaire ».

D’où vient la nouveauté ? C’est que Poul Thomson n’y a pas été par quatre chemins lors de cette téléconférence et a dévoilé sa stratégie de négociation. Connaissant son monde, il explique comment il entend forcer la main à Angela Merkel afin d’obtenir gain de cause, lorsqu’elle sera en juillet prochain le nez devant l’obstacle, la Grèce faisant défaut si les fonds qu’elle attend pour honorer une échéance ne sont pas débloqués. On reconnait une constante de la politique européenne : agir au dernier moment.

Son plan consiste à lui demander de choisir la solution la moins coûteuse pour elle au Bundestag, entre un retrait du FMI et une remise de peine sur la dette grecque. Le moment propice étant juin prochain selon lui, simultanément au referendum sur le Brexit, la sortie éventuelle du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Que cherche le FMI à l’arrivée ? Trouver un prétexte pour se retirer d’un dossier pourri et laisser les Européens s’en dépatouiller ? Ou obtenir de ceux-ci une réduction de la dette grecque afin de la rendre soutenable ? Il se satisfera des deux, peut-on penser, mais préférerait sans doute la seconde option. Ce qui n’arrange pas les gouvernements européens et la BCE, qui ont réussi le tour de force consistant à détenir cette dette !

Suite à la révélation de Wikileaks, Alexis Tsipras a rejeté le chantage du FMI – à l’encontre de la Grèce, de l’Allemagne et de l’Europe a-t-il précisé – et a « exigé des explications » de sa part. Quel jeu joue-t-il lui aussi, le diktat du FMI pouvant lui permettre d’obtenir une réduction de la dette que les Européens ne voudront lui consentir que forcés et contraints ? Ceux-ci n’envisagent en effet que le rallongement du calendrier de son remboursement. A-t-il choisi de jouer la carte de la Commission en espérant profiter de la mansuétude qu’elle a déjà manifesté, privilégiant le court terme au long terme ? D’évidence, il n’a pas vraiment le choix.

Ah, que la politique européenne est chose exaltante  !

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