Billet invité.
La journaliste Naomi Klein a, dans son célèbre essai La Stratégie du choc, la montée d’un capitalisme du désastre, démontré la manière dont de puissants intérêts privés pouvaient profiter de la survenue de toutes sortes de « chocs », pour faire évoluer et détourner le rôle de l’État en leur faveur.
Pour ce faire, un des leviers les plus puissants à disposition est bien entendu celui de la peur. Et vu sous un angle purement mercantile et a-moral (pléonasme), force est d’admettre que les attentats djihadistes pourraient se révéler être une véritable ‘aubaine’ pour la robotique militaire et le développement des IA faibles.
Car si, au milieu du capharnaüm des réactions et sur-réactions aussi diverses que contradictoires, un point fait bien l’unanimité, c’est celui-ci : le jour ou Daesh décidera pour ses attaques en Europe de privilégier les effets aux symboles, tous les rassemblements humains seront alors concernés. De la grande gare à l’aéroport international, des centres commerciaux aux manifestations sportives ou culturelles, les cibles potentielles se conteront alors en dizaines de millions.
Et même à supposer que des populations tétanisées par une peur savamment entretenue, se rallient soudainement aux injonctions gouvernementales – des militaires plutôt que des hôpitaux, des policiers plutôt que des maternités, sur l’air dit des mesures courageuses -, ces nouvelles affectations budgétaires ne suffiraient pas, tant il est impossible de mettre un soldat derrière chaque citoyen. La seule solution restante serait alors celle préconisée par la NRA : une impasse logique consistant à éteindre un incendie en l’arrosant avec de l’essence…
Heureusement, une solution réaliste à court-moyen terme existe. Non seulement elle permettra de réduire radicalement la part du coût des personnels dans la défense nationale (sans oublier le coût des pensions, les militaires faisant souvent de jeunes retraités), mais elle permettra de se positionner sur un nouveau et mirifique marché international : celui du binôme robotique militaire/ IA faibles.
La logique est la suivante.
Du point de vue de la BITD, les entreprises qui assurent la base industrielle et technologique de défense, le défi prioritaire est celui des systèmes d’armes terrestres permettant d’opérer en milieu urbain, là où désormais vivent la majorité des habitants de la planète. Un milieu extrêmement complexe, parsemé d’obstacles s’étendant sur 3 niveaux (surface, hauteurs, sous-sols) eux-mêmes subdivisés et encombrés, où les transmissions audio et surtout vidéo sont rendues difficiles par toutes sortes d’interférences et de ‘zones d’ombre’. Et comme le prouve à l’envie nos campagnes de bombardement sur la Syrie et l’Irak, il n’y a que le contrôle des villes et des points vitaux pour les populations, qui soient réellement efficaces. Cela signifie des hommes aux sols. Une denrée rare et chère, dont l’attrition peut très rapidement faire basculer dans l’hostilité les opinions publiques. À n’utiliser donc que très ponctuellement, et uniquement si la-dite opinion est persuadée d’une menace existentielle. Sinon, se contenter des ‘dronisations’ des plus ou moins suspects, et des bombardements de bacs à sable (un sport de riches au prix de l’heure de vol d’un avion d’arme, où une ‘petite’ GBU-10 à guidage laser semi-actif vaut quand même dans les 15.000 USD). Bref le futur de la guerre est aux Systèmes d’Armes Létaux Autonomes, ceux qui permettraient si ce n’est d’occuper, du moins de contrôler réellement de vastes étendues de territoires et leurs populations.
Et c’est là que les attaques terroristes offrent deux magnifiques opportunités.
1- Offrir un terrain d’essai grandeur-nature aux industriels, pour tester l’évolution de machines non armées en charge de la surveillance et du contrôle. Outre leur acceptabilité par le public, qui risque de varier fortement en fonction des circonstances et des cultures d’origine, seraient testées différentes architectures de déplacement en essaim pour ces machines autonomes.
Il deviendrait du coup envisageable de pouvoir contrôler les millions de passagers quotidiens d’un métro, y compris leurs bagages, sans trop ralentir l’indispensable fluidité du trafic. Pour peu que les machines n’aient pas un aspect effrayant (la vallée de l’étrange) ou menaçant, sans angles saillants, peintes de teintes pastel, etc., nul doute qu’il serait facile de les ‘vendre’ à une population inquiète et soucieuse de sécurité.
L’industriel profiterait alors d’un nouveau marché civil et d’un fabuleux retour d’expérience pour avancer dans le domaine autrement plus exigeant des robots militaires (Gare du Nord proven avant Combat proven * en quelque sorte).
2- Pour le niveau politique, cela offrirait l’opportunité d’accroitre le contrôle des populations sous couvert de sécurité. La multiplication des machines dotées de caméras haute définition, d’algorithmes de reconnaissance faciale et de renifleurs d’explosifs inspirés du biomimétisme, n’étant plus un fantasme mais relevant de la R&D.
Mais le véritable fantasme, ou plus exactement le cauchemar orwellien, celui du contrôle absolu ‘à la THX1138’ se profile déjà à l’horizon de quelques années (10,15 ans, moins ?), avec l’ordinateur quantique. Lui seul pourra scanner en temps réel les pétaoctets de données issus d’innombrables capteurs disséminés dans l’espace public, et en extraire des informations pertinentes pour cibler les individus potentiellement dangereux.
Accessoirement il permettra de rendre totalement transparente votre vie au regard des autorités et de vous suivre littéralement à la trace, qui que vous soyez, ou que vous soyez, et quoi que vous fassiez. Mais rassurez-vous ! une fois fermée la porte de votre domicile, vous ne serez pas abandonné pour autant. Non seulement les réseaux sociaux où vous pouvez décrire votre vie par le menu seront toujours là, mais vous serez entouré de différents assistants électroniques qui veilleront sur votre santé en scannant votre rythme cardiaque, la qualité de votre sommeil, ou qui mesureront votre taux de cholestérol, avant de transmettre toutes vos données corporelles à votre assureur. Un monde totalement sûr !
Comme il est dit depuis des millénaires, il faut choisir: se reposer ou être libre…
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* Combat proven ou matériel éprouvé au combat : un argument commercial qui tue.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…