Le dernier qui s’en va éteint la lumière, de Paul Jorion, éd. Fayard, 2016. Une note de lecture (II) : Commercialement, l’extinction de l’espèce est une bonne affaire, par Roberto Boulant

Dernier_JorionBillet invité.

Ce qu’il y a de plus paradoxal avec cette curieuse espèce qui se nomme elle-même avec arrogance homo sapiens, c’est qu’elle est suffisamment stupide pour détruire son seul et unique habitat, tout en étant suffisamment intelligente pour comprendre et analyser lucidement les enchainements menant à l’inéluctable catastrophe.

Quiconque s’intéresse à la marche du Monde en faisant preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle, peut maintenant voir sans l’ombre d’un doute que chaque pas nous rapproche du précipice. Mais si nous sommes nombreux à pouvoir énumérer la longue et interminable litanie des maux qui nous assaillent, l’accès à une vision d’ensemble reste difficile sans verser dans la simplification à outrance, ou sans se noyer dans la complexité des faits et de leurs interactions. Et c’est justement ce que parvient à faire Paul Jorion en présentant dès les premières pages de son ouvrage, le tableau général de notre situation.

Et il est glaçant !

Le lecteur sera d’abord saisi par l’incroyable rapidité, non pas du changement mais de l’inversement de paradigme, qui nous fait abruptement passer de ‘la fin de l’Histoire’ à ‘la fin de l’Homme’. Tout ce qu’hier encore participait de la gloire de l’espèce et annonçait de glorieux lendemains s’est effondré sous les coups de butoir de notre hubris. Et voilà qu’au travers d’une implacable démonstration, de celle qui vous place une boule au ventre, Paul Jorion décrit cliniquement le Soliton : cette énorme vague qui arrive sur nous, et où se mêlent maintenant de manière inextricable tous les agents humains et non-humains d’un effondrement général.

Peut-être, sans doute – en tout cas faut-il l’espérer -, éprouverez-vous au bout de quelques dizaines de pages un sentiment de désorientation, à l’image d’un dormeur soudain réveillé par un violent coup de pied. Mais par un coup de pied qui se veut salvateur ! De celui qui vous réveille au moment du plus grand péril, à l’instant où l’incendie se révèle dans toute sa puissance et où à peine réveillé, vous vous rendez compte avec un mélange d’horreur et d’incrédulité que toute fuite est impossible. Qu’il va falloir vous battre de toutes vos forces, ou bien accepter une mort certaine.

Pour ceux et celles qui acceptent de se réveiller, le retour à la réalité est incroyablement violent. Nous avons accepté la servitude volontaire, la volonté du veau d’or. Nous nous sommes endormis en oubliant l’éthique et les valeurs, laissant des malhonnêtes et des malveillants jouer avec les allumettes…

Alors merci à Paul Jorion et à tout ce que la planète compte de lanceurs et de lanceuses d’alertes, de nous réveiller, fût-ce à grands coups de coups de pied.
Maintenant, nous le voyons, il y a vraiment le feu !

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