Billet invité.
De l’accord survenu lors du sommet européen consacré aux réfugiés, il ressort une décision, prise à l’unanimité est-il précisé: tous les « migrants irréguliers » qui parviendront à aborder la Grèce seront refoulés en Turquie, y compris les demandeurs d’asile. Et cela ne tardera pas, car cela interviendra dans deux jours, le 20 mars.
La mesure n’est pas rétroactive : elle est présentée comme destinée à mettre fin aux traversées de la mer Égée et à détruire le business model des passeurs (sic). Une mesure de salubrité publique en quelque sorte. Elle est assortie d’une fiction, selon laquelle chaque demande d’asile sera individuellement examinée, et que ne seront rejetées que celles qui sont irrecevables ou infondées. Sans qu’il soit question des voies de recours que les conventions internationales prévoient. L’habillage est sommaire et il faudra s’en contenter si la légalité du dispositif est contestée. Celui-ci suppose aussi, dans la même veine, que la Grèce accorde à la Turquie le statut de « pays sûr ».
Suprême délicatesse, les 72.000 Syriens – car on ne parle plus ni des Irakiens, ni des Afghans – qui pourront être ensuite transférés directement depuis la Turquie pour être répartis au sein de l’Union européenne, au fur et à mesure des refoulements et en nombre équivalent, ne devront pas avoir déjà traversé à leurs risques et périls la mer Égée (et y avoir survécu). Ils passeront après, s’il reste de la place. Ce mécanisme sera revu une fois le plafond atteint, sans plus de précision, ce qui ne représente pas un fort engagement de l’Union européenne.
Les contreparties vis à vis de la Turquie ont été savamment dosées. La suppression des visas pourra intervenir dès juin prochain, mais à condition que 72 critères préalables soient respectés, ce qui est peu probable. Un deuxième financement de trois milliards d’euros pourra intervenir, à condition que la Turquie respecte certains de ses engagements (non précisés) en utilisant le premier. Un seul chapitre des négociations sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne sera ouvert, les autres faisant l’objet d’un « travail préparatoire » qui sera accéléré, ce qui ne mange pas de pain.
Saluant « un jour historique », le premier ministre Ahmet Davutoglu a déclaré : « nous avons réalisé que la Turquie et l’Union européenne ont le même destin, les mêmes défis et le même avenir ».
Pas une seule fois le terme de réfugiés n’ayant été prononcé, c’est comme s’ils n’existaient pas.
@François M Et à ce niveau de conflit, celui-ci ne deviendra pas nucléaire ?