Billet invité.
Un plan « B » reposant sur le cantonnement des réfugiés en Grèce existe-t-il ou non ? Angela Merkel en a hier soir dénié l’existence à la télévision pour réaffirmer sa politique, mais d’après le Wall Street Journal de ce matin la Commission en aurait secrètement élaboré un de cet ordre. Quoi qu’il en soit, cela en prend pratiquement le chemin et les commentaires vont bon train sur le thème que la quasi fermeture de la frontière macédonienne arrange en réalité tout le monde (sauf les Grecs)!
« Pouvez-vous sérieusement croire que les pays de l’euro ont combattu jusqu’au dernier pour que la Grèce reste dans l’euro (…), pour qu’un an plus tard on laisse la Grèce plonger dans le chaos ? » s’est exclamée une chancelière de plus en plus isolée. Celle-ci continue d’attendre du sommet du 7 mars – qui a tout de la dernière chance – un engagement renforcé du gouvernement turc de combattre les embarquements clandestins des réfugiés et de l’intervention de la flotte de l’OTAN une diminution de leurs traversées de la mer Égée, mais n’est-ce pas illusoire ?
Une course contre la montre est engagée en Grèce, qui est déjà dépassée par le nombre des réfugiés qui s’y trouvent coincés. Au rythme où ils débarquent des îles, prédit pour s’accentuer avec l’arrivée du printemps, comment ce pays déjà très éprouvé par l’austérité qui lui a été imposée pourra-t-il y faire face ? Suffira-t-il de lui accorder une aumône financière ?
La propagation de la crise s’arrêterait-elle pour autant ? Les autorités italiennes ont déjà commencé à prendre des dispositions dans la région des Pouilles, qui est séparée de la Grèce par une mer Adriatique en tous temps dure et agitée. L’ouverture d’une telle route conduirait inévitablement les autorités suisses et françaises à instaurer le contrôle de leur frontière, sur le modèle des pays de la Route des Balkans, et les autrichiennes à élargir le leur à la frontière italienne. Petit à petit, l’espace Schengen continuerait à se réduire sans perspective de réouverture, même à échéance de deux ans au plus tard comme la réglementation de Dublin le veut.
Ce que la crise de l’euro, contenue par la BCE, n’est pas parvenue à accomplir, celle des réfugiés y parvient. Si les Britanniques devaient de surcroit décider de quitter l’Union européenne, pouvant faire école dans la péninsule scandinave, le processus de désagrégation qui est bien entamé serait encore accentué. L’absence de réaction collective des dirigeants européens n’exprime pas seulement leurs divisions, qui s’accentuent, elle reflète leur profonde incapacité à formuler et à mettre en pratique une quelconque vision européenne si ce n’est de manière incantatoire.
Une seule prétend aujourd’hui à la cohérence, que le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble a exprimée lors du G20 de Shangaï en fin de la semaine dernière. Il a prétendu à ses collègues – afin qu’ils n’aient pas de mauvaises idées et n’encouragent pas ceux qui déjà renâclent en Europe – que « penser à de nouveaux stimulus distrait des tâches réelles ». « Si vous voulez que l’économie réelle croisse, il n’y a pas de raccourci aux réformes » a-t-il immanquablement ajouté.
Combien de temps cette politique néo-libérale pourra-t-elle être strictement appliquée dans le contexte actuel de conjonction des crises en raison de son absence de résultat ? Les forces centrifuges ne cessent de se renforcer menaçant une construction européenne au bout de son rouleau, le sort de ceux qui supportent le plus durement le carcan de l’austérité programmée pouvant leur laisser penser que tout vaut mieux que de continuer à le subir.
Oui, le canal de Panama est évidemment un des plus hauts points stratégiques que tenteront de s’arracher les marchands qui…