Billet invité.
L’injection de liquidités directement aux particuliers par les banques centrales vient de faire hier un adepte de plus, le très respectable chroniqueur du Financial Times Martin Wolf. Afin de susciter la demande qui fait défaut et que les banques centrales ne parviennent pas à susciter, il suggère après d’autres qu’il leur soit donné le pouvoir de procéder à une telle distribution.
Pour parfaire le dispositif, la monnaie en question pourrait être « fondante », peut-on remarquer en n’étant plus à une hérésie près, c’est à dire qu’elle perdrait progressivement de sa valeur afin d’inciter à la dépenser. Enfin, afin de contenir les effets monétaires à long terme de cette manne, Martin Wolf assume que les banques seraient conduites à accroître leurs réserves dans les banques centrales.
« Il n’existe pas de solution simple au déséquilibre mondial de l’économie d’aujourd’hui, mais seulement des palliatifs » assure-t-il, ayant tout d’abord constaté que l’activité économique ralentissait durablement en s’appuyant sur l’OCDE qui prévoit qu’elle ne sera pas plus élevée en 2016 qu’en 2015, année où sa croissance avait atteint son plus bas des cinq dernières années.
Si Martin Wolf en arrive là, c’est qu’il ne croit pas aux résultats des politiques d’assouplissement monétaire des banques centrales, et depuis peu à l’adoption de taux négatifs par plusieurs d’entre elles. « Le plus important effet de ces politiques interviendra sur les taux de change », conclut-il.
Il rappelle également que l’OCDE préconise désormais une politique d’investissement public combinée avec des réformes structurelles adéquates, qui serait même susceptible faire baisser le ratio dette/PIB, notamment en raison des taux obligataires proches de zéro ou même négatifs du marché. Mais il ne croit pas que cette préconisation sera suivie, assénant que « l’obsession de l’austérité, même quand les coûts du crédit sont si bas, est une stupidité. »
Afin de relancer l’économie, il ne reste plus alors comme alternative que de s’en remettre aux banques centrales et à leur distribution aux particuliers de liquidités. S’adressant aux responsables politiques, il leur demande de se préparer à des politiques « plus inconfortables et non-conventionnelles », remarquant qu’elles demandent « plus d’audace »…
Ce qui renvoie à la réunion des ministres des finances du G20, qui va se tenir vendredi et samedi prochains à Shanghaï. Wolfgang Schäuble a déjà dévoilé la teneur de son intervention : « je vais plaider auprès des banquiers centraux pour que, par une meilleure communication, ils apportent plus de stabilité et de fiabilité ». Derrière ces propos sibyllins se dissimule une mise en cause de la Fed, de ses hésitations et de sa volte-face présumée. Le ministre allemand parviendra-t-il à donner le ton de la réunion ? Pour lui, cela ne fait aucun doute, la stabilisation des marchés passe par… la réduction des déficits et la mise en œuvre de réformes structurelles. Car il ne voit pas « de signes d’une nouvelle crise financière et économique en dépit des turbulences des dernières semaines ». Avec une telle vigie, comment ne pas se sentir rassuré ?
Dans une note de préparation de la réunion, le FMI n’a une nouvelle fois pas manqué de faire valoir de toutes autres préconisations. Annonçant qu’il corrigerait probablement à la baisse ses prévisions de croissance mondiale en avril prochain, il met en évidence « les hauts risques de déraillement de la relance à un moment où l’économie mondiale est très vulnérable à des chocs » pour préconiser « des actions coordonnées audacieuses afin de développer la croissance et de contenir le risque ». Tous les outils doivent être utilisés, mais le fonds met l’accent sur un plus grand stimulus fiscal, car « si la politique monétaire accommodante reste essentielle (…) une approche bien comprise est nécessaire en vue de réduire la dépendance à la politique monétaire ».
En termes choisis, nous voilà renvoyés à l’option également préconisée par l’OCDE, à laquelle Martin Wolf ne croit pas que les dirigeants vont se rallier. Jack Lew, le secrétaire au Trésor américain, lui a déjà donné raison en déclarant qu’il n’attendait pas de la réunion de Shanghaï une réponse à la faiblesse de la demande mondiale, réfutant l’idée que les États-Unis détenaient la clé permettant d’y répondre. Car à l’habitude il place le débat sous l’angle de la résorption des surplus des pays exportateurs grâce au développement de leur marché intérieur, et c’est la Chine et l’Allemagne qui la possèdent donc. Pour forcer la décision, l’idée d’une nouvelle conférence du Plaza est depuis quelque temps évoquée. En 1985, celle-ci avait abouti à une action coordonnée sur le marché des changes afin de déprécier le dollar par rapport au yen et au mark. Mais les autorités chinoises n’en veulent pas car une appréciation du yuan ne ferait qu’empirer leurs problèmes. Il n’est pas non plus certain que l’administration américaine ait intérêt à ce qu’une conférence internationale soit consacrée à un grand déballage sur les questions monétaires au sein duquel la question du statut de monnaie de réserve du dollar pourrait être soulevée.
Cette piste là, qui renvoie à la proposition de Keynes du bancor lors de la conférence de Bretton Woods de 1944, n’est pas non plus la bonne ! Après tout, Martin Wolf ne ferait-il pas preuve de clairvoyance en se ralliant faute de mieux à une intervention hors norme des banques centrales, précisément parce qu’elle est une échappatoire ?
P. J. : Un petit message vite fait à MM. Wolf et OCDE : « Ne vous faites pas trop d’illusions, ce que vous proposez maintenant je n’ai pas arrêté de le proposer depuis 2008 et les banques centrales ne m’ont jamais suivi ! » 😀
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…