Obligations indexées sur la croissance : L’HEURE DES SOLUTIONS HÉTÉRODOXES, par François Leclerc

Billet invité.

Les interrogations se multiplient, les propositions hétérodoxes également. En raison des phénomènes inexpliqués qui surgissent à tout bout de champ, mais aussi de l’absence de solution à ceux qui sont identifiés. L’irrésistible accroissement de la dette et les pressions récessionnistes persistantes y figurent en bonne place.

Olivier Blanchard, l’ex économiste en chef du FMI, croit avec deux collègues avoir trouvé une voie permettant d’éloigner le spectre de la restructuration de la dette en proposant des obligations indexées sur la croissance. Partant de la constatation que « un haut ratio de dette par rapport au PIB est l’un des héritages de la crise », il s’interroge sur la manière de prévenir les conséquences d’un nouveau choc qui rendrait la dette insoutenable et imposerait de la réduire. Et il voit dans de telles obligations d’un type nouveau un remède pouvant permettre de continuer à l’éviter, mais jusqu’à quand  ? L’affaiblissement de la croissance aurait comme effet de diminuer le taux d’intérêt, et par voie de conséquence le coût du service de la dette.

Le même défend l’émission de tels titres, en particulier en Europe où le ratio dette/PIB s’approche de 100% dans de nombreux pays, laissant de côté sans expliciter ce que leur situation réclame ceux dont la dette est déjà « catastrophiquement élevée ». Afin que leur émission ait un sens, il faudrait que les investisseurs et les gouvernements y trouvent chacun leur intérêt, conclut-il, ce qui justifie selon lui d’en explorer dès maintenant la possibilité.

Yanis Varoufakis avait proposé ce dispositif aux créanciers de la Grèce, qui à l’époque n’en ont même pas discuté. L’ancien ministre des finances grec avait également proposé que des titres de la dette grecque détenus par la BCE soit échangés contre les obligations perpétuelles porteuses d’intérêt ad vitam aeternam. En vain. Dans un monde où les missions des banques centrales sont dans les faits élargies, et où l’on attend encore beaucoup d’elles, il était tentant de les faire participer à la solution du problème du désendettement.

Laissant entre parenthèses cette question pourtant primordiale, leurs missions seraient susceptibles d’encore s’étendre. La Banque d’Angleterre pourrait changer son fusil d’épaule, ses injections de liquidités dans les banques ne produisant pas les effets revendiqués. Reprenant à son compte des propositions d’Adair Turner, un mouvement s’intitulant « QE for the people » (assouplissement monétaire pour le peuple) s’est développé au Royaume-Uni. L’équipe de Jeremy Corbyn, le nouveau dirigeant du parti travailliste, en a fait une option de son programme afin de relancer l’économie et combattre le chômage. La banque centrale britannique se verrait ainsi confier un nouveau mandat afin d’investir directement dans les infrastructures, notamment l’énergie, les transports et les technologies numériques.

Une approche plus radicale encore est défendue, qui consisterait à verser sans intermédiaire une somme d’argent à définir aux ménages. Une conférence intitulée « Un plan de sauvetage pour l’eurozone » était organisée le 17 février à Bruxelles, où cette option a été défendue, de nombreux intervenants s’exprimant également en faveur d’un revenu de base. Steve Keen, le pourfendeur des économistes néo-classiques, et David Graeber figuraient parmi ses soutiens.

Voilà un incontestable changement de paradigme, et cela va continuer à valser !

(à suivre…)

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