Billet invité.
La chute des valeurs bancaires ayant largement contribué à celle des Bourses qui vient d’intervenir, les banques sont à nouveau sur la sellette. Établissant la liste sans fin de ce qui les atteint, Martin Wolf en conclut dans le Financial Times qu’elles sont « exposées à à peu près tout », depuis la baisse brutale de la croissance chinoise jusqu’à celle du prix des matières premières. Dans la chaîne économique, les banques sont selon lui « le point faible », qualifiées « d’énormes, extrêmement complexes et opaques mastodontes aux effets de levier élevés ».
Il estime à 20 ce rapport entre les engagements et les fonds propres, si l’on ne prend pas en compte les calculs d’évaluation du risque sujets à caution. Et il y voit un facteur permettant de comprendre pourquoi les banques restent aussi fragiles en dépit d’une « régulation tant vantée ». Simultanément, observe-t-il, l’aplatissement de la courbe des taux et l’apparition de taux négatifs contribuent à la diminution des marges bancaires, les rendant plus vulnérables.
En Europe, championne du monde de l’opacité bancaire, le dispositif de sauvetage des banques italiennes au bord de l’écroulement sous le poids de leurs actifs « non performants » devrait faire école. Une formule de bad bank couplée à un montage financier complexe a été mise au point à Bruxelles qui prétend éviter tout apport de fonds publics, assortie si l’on comprend bien d’achats par la BCE de titres structurés ayant ces actifs comme sous-jacents, avec la complicité des agences de notation et si besoin la garantie de… l’Etat italien surendetté. On est prié de ne pas regarder de trop près.
Sautant sur l’occasion, Elke König, la présidente du Conseil de résolution unique des banques de la zone euro – cette nouvelle institution opérationnelle depuis le début de l’année – a estimé que la création de bad banks « vaut pour de nombreux pays » où « un socle de crédits en souffrance s’est également constitué ». La solution miracle reposant sur « une solution de marché sans aide étatique » a donc été trouvée afin d’éponger les centaines de milliards de prêts non performants détenus par les banques européennes en raison de la détérioration de la situation économique. Et pour ne pas les stigmatiser les banques et les pays concernés n’ont pas été nommés.
Avec l’ébranlement de la Deutsche Bank, les établissements français ont senti le souffle du boulet. « Dans l’environnement actuel, nous ne pouvons pas laisser les investisseurs croire, à tort ou à raison, que notre groupe souffre d’une faible capitalisation », a déclaré Philippe Brassac, le directeur général de Crédit Agricole SA. Afin de renforcer celle-ci, le groupe annonce prêter 11 milliards d’euros à ses filiales régionales afin qu’elles rachètent les participations qu’il détient dans celles-ci… ce qui revient à le renforcer en l’endettant !
Tranchant avec ces dispositions biaisées, le nouveau président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, sort du rang en raison de ses propositions détonantes. A juste titre tant décriés, les aller et retour entre l’administration américaine et les grandes banques d’affaire ne produisent pas toujours le pire, à lire sa première intervention publique devant la très sélecte Brookings Institution de Washington. Son parcours l’avait en effet précédemment mené de Goldman Sachs au Département du Trésor, où il s’est trouvé aux premières loges du renflouement des banques en tant que gestionnaire du programme TARP, avant de rejoindre le grand fonds d’investissement PIMCO.
Le propos de Neel Kashkari est dépourvu de toute ambiguïté. Il propose de poursuivre ce qui a été engagé par la loi Dodd-Frank en allant plus loin, en « réglant une fois pour toute » le problème des banques trop grosses pour faire faillite qui imposent des sauvetages sur fonds publics. Devant un parterre d’anciens et actuels dirigeants de la Fed, il a annoncé pour l’automne un plan de la Fed de Minneapolis qu’il préside et a dévoilé le principe des trois grandes dispositions qu’il préconise : (1) démembrement des grandes banques en de petites entités moins connectées entre elles ; (2) soumission de celles-ci à des obligations de service public afin qu’elles détiennent suffisamment de capital pour ne pas pouvoir s’écrouler ; (3) taxation de l’effet de levier dans tout le système financier afin de réduire les risques systémiques.
Bernie Sanders ne trouverait rien à redire à un programme si radical ! Neel Kashkari rejoint les britanniques Andrew Haldane et Adair Turner sur le podium de ceux qui ruent sérieusement dans les brancards. Le ver est dans le fruit.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…