Les primaires à gauche, par Michel Leis

Billet invité.

C’est l’effervescence. Plusieurs initiatives se sont succédées ces dernières semaines pour entamer un processus de désignation d’un candidat, à même de représenter la gauche et de battre Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017 (tout le monde ayant intégré comme une fatalité qu’elle y serait).

D’ores et déjà, les déclarations des uns et des autres laissent entrevoir des calculs politiciens, et pour certains, pas mal d’ambitions personnelles. Une partie des questions que se posent les candidats potentiels sont sur la place publique, mais il est difficile de discerner les coups de billard à trois, voire quatre bandes qui sont derrière : y, aller ou pas ? Avec le PS, pour tout ou partie ? En y incluant François Hollande ? Recomposer à gauche ou fédérer autour de partis existants ? Mettre des exclusives ou des conditions ?

Certes, une primaire n’est pas la guerre en dentelles, on peut comprendre que les élections présidentielles soulèvent quelques ambitions, qu’elles apparaissent aux yeux de quelques-uns comme une opportunité tactique. Mais de grâce, messieurs les politiciens, si vos considérations se limitent à des manœuvres tactiques, à une volonté d’asseoir votre hégémonie sur un parti, à des considérations de long terme par rapport aux présidentielles de 2022, alors laissez votre ego de côté, ne vous présentez pas. Soutenez plutôt des candidats qui ont quelque chose à dire sur les maux de notre société et les remèdes à y apporter, ce sera tout à votre honneur. Les Français ne sont pas dupes de cette agitation politicienne qui ne fait que renforcer le rejet de la politique traditionnelle. À ce petit jeu pervers, ce sont les partis les moins démocratiques, ceux dont la hiérarchie et le fonctionnement centralisé désignent naturellement un candidat, qui deviennent le plus crédibles dans leur dénonciation des travers de la vie politique,

Du côté de l’organisation elle-même, les initiatives concurrentes se multiplient, tantôt portées par des personnalités médiatiques, tantôt par des collectifs ou des groupes de citoyens. Déjà les anathèmes fusent. ‘Notreprimaire’ ne serait pas assez radicale, n’aurait que des objectifs politiques, ne s’attaquerait pas aux problèmes de fonds. D’autres initiatives voudraient à tout prix préserver la pureté démocratique du processus, quitte à présenter un inconnu n’ayant d’autres chances que de faire un score de témoignage.

S’il existe une chance, même infime, de gagner la présidentielle de 2017, celle-ci doit être exploitée à fond, il n’y a plus de place pour le dogmatisme. Les initiatives doivent fusionner ou converger, faute de quoi elles entretiendront une cacophonie rapidement inaudible. À moins de 18 mois des élections, il est trop tard pour faire émerger une personnalité neuve et vierge, la notoriété médiatique et des compétences reconnues sont des atouts dont on ne peut se passer. Il y a un point de départ, c’est la situation d’aujourd’hui, celle que vivent les Français et qui recèle de nombreuses contradictions. Proposer un changement de paradigme complet n’a aucune chance de convaincre les électeurs : trop d’incertitudes, de difficulté à se projeter dans de nouvelles règles du jeu, le travail de fond à réaliser pour faire comprendre aux citoyens les bénéfices d’un tel changement est immense. Quand on se rapproche du bord de la falaise, il faut d’abord changer de direction, avant même de penser à reconstruire autre chose.

C’est le dernier aspect de ce débat bien mal engagé. Il est nécessaire de faire bouger les lignes en profondeur. Pas ces incantations, à la manière du candidat Hollande, ces slogans qui sonnaient si bien lors de la campagne de 2012 (« Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance »). Il faut une vision d’ensemble et une véritable stratégie. Nous attendons d’un candidat qu’il identifie les leviers d’actions et les mesures à même de rééquilibrer la balance des rapports de forces, qu’il redonne un sens aux politiques publiques en sortant du cadre étroit de la gestion. De ce débat-là, et de ce débat seulement, pourra peut-être émerger une vision cohérente, dans laquelle les citoyens seront à même de se projeter, il pourra peut-être naître un souffle, à même de créer une dynamique de victoire.

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