Billet invité.
À quel prix la Grèce pourrait-elle sauver Schengen ? Un marché lui a été officiellement mis en mains par la Commission, qui lui a hier adressé des recommandations qu’elle a trois mois pour appliquer. Dans le cas contraire, une disposition de l’accord de Dublin pourra être activée, qui permettra de maintenir les contrôles aux frontières nationales intérieures à Schengen pendant jusqu’à deux ans.
Il est exigé de la Grèce que dans ce calendrier elle joue pleinement son rôle de sas d’entrée dans Schengen, tel que prévu dans les textes, afin d’endiguer la reprise de l’exode au printemps. La frontière macédonienne sous contrôle avec le soutien de pays européens, les réfugiés attendront en Grèce que des places soient disponibles dans un pays ou un autre, une fois leur droit à l’asile reconnu. Ce qui suppose la relance et le déplafonnement de l’accord de répartition qui est mort-né. Ce n’est pas acquis !
La Grèce sert une nouvelle fois de bouc émissaire, ayant « sérieusement négligé ses obligations », et se trouve chargée de tous les péchés, afin d’en absoudre tous les autres. En guise de pénitence, elle va se retrouver dans la situation qu’elle pressentait depuis le début, forcée d’accueillir des centaines de milliers de réfugiés dont ce n’est pas la destination, pour une période indéterminée et avec un soutien financier qui reste à obtenir. C’est à ce prix que les contrôles aux frontières intérieures à Schengen pourront être levés et l’ordre rétabli, si tout va bien.
Ce ne sera pas le cas, en dépit de la déclaration dérisoire du commissaire européen aux migrations Dimitris Avramopoulos qui s’est sans excessive pudeur prévalu de « l’objectif de sauver des vies », en affirmant qu’il n’était « pas négociable ». Des mots ! on ne voit pas comment il pourra y prétendre, sauf à créer un couloir humanitaire vers la Grèce dont il n’est pas question.
Le quotidien grec Kathimerini, citant des sources proches d’Alexis Tsipras, croit pouvoir apporter un éclairage. Selon lui, Angela Merkel aurait conclu un arrangement avec le premier ministre grec en échangeant un accord sur l’application des mesures du plan de sauvetage avec l’accueil et l’enregistrement des réfugiés par la Grèce.
La suite des événements permettra de vérifier ces informations qui sont plausibles. Ni la répartition des réfugiés dans les pays européens, ni leur confinement en Turquie n’ayant fonctionné, il ne reste plus en effet à Angela Merkel que l’option grecque pour mettre un terme à ce qui finira sinon par devenir un désastre politique pour elle et la CDU, son parti. De son côté, le gouvernement grec n’a pas le choix. N’y avait-il pas déjà anguille sous roche lorsque le commissaire Pierre Moscovici niait tout lien entre les dossier des réfugiés et les discussions sur l’application du plan de sauvetage ?
En tout état de cause, les terribles nouvelles qui parviennent des pays ravagés par la guerre, d’où proviennent l’essentiel des réfugiés, confirment qu’il faut s’attendre à une forte reprise de l’exode. Cela ne créera pas pour autant des places pour les accueillir, sauf en Grèce où des gigantesques camps devront être créés. Poursuivant la logique entreprise, la frontière maritime de la Grèce avec la Turquie étant incontrôlable, il ne resterait plus d’obtenir que cette dernière boucle ses 900 kilomètres de frontière avec la Syrie, ce qui est inconcevable.
Un peu tôt pour chiffrer avec précision, mais certainement pas des milliards de dollars.