Billet invité.
Sans crier gare, la Banque du Japon (BoJ) vient de rejoindre un club qui ne cesse de s’agrandir, celui des taux négatifs, où elle se trouve désormais en compagnie de la BCE et des banques centrales suisse, danoise et suédoise. En désespoir de cause, face à l’appréciation du yen et ne parvenant toujours à faire décoller l’inflation, la BoJ s’est résolue à faire ce qu’elle se refusait catégoriquement à envisager tout précédemment. Même si c’est encore à titre symbolique en ne frappant que les nouvelles réserves excédentaires des banques qui lui seront déposées, les 2.500 milliards de dollars de réserve des banques n’étant pas frappées.
Cette volte-face souligne en premier lieu l’isolement de la Fed, qui s’est s’engagée en sens contraire en commençant à augmenter son taux directeur. Elle pourrait s’en tenir là au lieu de poursuivre sur sa lancée, devant la levée de boucliers observée outre-Atlantique : ce ne serait pas vraiment le moment d’apprécier le dollar par ricochet, vu le début calamiteux de cette année marqué par l’effondrement du prix du pétrole et la détérioration de l’économie des pays émergents, la baisse de la demande globale risquant d’atteindre l’économie américaine.
Beaucoup des commentateurs, décontenancés par le tour que prennent les événements, se rappelant le temps béni où les choses allaient de soi, les missions des banques centrales clairement établies, en viennent à critiquer les banques centrales faute de résultat probant, pour ce qu’ils perçoivent comme étant l’effet d’une communication confuse qui perturbe les marchés. Les atermoiements de celles-ci ne font pourtant que refléter la difficulté des décisions qu’elles doivent prendre, déjà entrées en territoire inconnu. Mais cette contenance évite à ceux qui l’adoptent de réfléchir à une nouvelle donne passablement déconcertante.
Si l’on préfère s’en tenir aux faits, l’adoption de taux négatifs est la dernière ressource disponible dans la boîte à outils monétaires des banques centrales, celle que l’on utilise quand on a tout essayé. Sans que cela signifie que l’on mette aujourd’hui beaucoup d’espoir en elle. Dans le cas du Japon, il faut se rendre à l’évidence : les achats annuels d’actifs de quelques 600 milliards d’euros de la BoJ ne produisent pas les résultats escomptés. Ce qui alimente chez les plus lucides les interrogations sur les limites de l’action de banques centrales, à qui on a la confortable mauvaise habitude d’accorder des pouvoirs illimités.
Second aspect de cette décision japonaise, la guerre des monnaies rebondit. Les banques centrales sont toutes placées devant la même question – comment améliorer une croissance dérisoire ? – succombant de plus en plus à la tentation d’y répondre en dépréciant la monnaie nationale ou régionale, dans le but ultime de favoriser les exportations. Après l’euro, c’est donc au tour du yen de l’être, que la hausse du taux de la Fed, l’ajustement de la Banque centrale chinoise et la politique de la BCE ont contribué à fortement renforcer par rapport au dollar, au yuan et à l’euro. L’Indonésie, la Corée du Sud et Taïwan vont être fortement incités à suivre le mouvement. Un nouvel épisode d’une guerre des monnaies qui n’est pas officiellement déclarée a débuté.
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