PEUVENT-ILS ENCORE NOUS SURPRENDRE ? par François Leclerc

Billet invité.

Nous voilà rassurés, Jean-Claude Juncker « n’abandonne pas » ! C’est d’ailleurs la seule véritable annonce de sa première conférence de presse de la nouvelle année à propos des réfugiés, une fois déploré que « ce n’est pas possible qu’une proposition de la Commission, adoptée par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement au sujet de la relocalisation des réfugiés, ne soit pas transposée ensuite ». En d’autres termes qu’elle reste lettre morte, car ils en sont là !

Le bilan n’est pas long à établir : 4.237 places destinées aux réfugiés ont été à ce jour recensées, à comparer avec l’objectif poursuivi de 160.000 et les 272 demandeurs d’asile qui en ont concrètement bénéficié. Or, a expliqué à qui n’en serait pas conscient le président de la Commission, « il y a un rapport étroit entre la libre circulation des voyageurs et l’Union économique et monétaire », dans le but de mettre en garde contre les conséquences économiques du retour des contrôles aux frontières qui se dessine.

La Commission peut-elle encore reprendre la main et l’éviter ? Cela n’en prend pas le chemin à voir les résultats de la réunion des ministres des finances de l’Union européenne de vendredi dernier. Brisant leur tirelire, ceux-ci ne sont toujours pas parvenus à réunir les trois milliards d’euros promis à la Turquie afin qu’elle endigue, si elle le veut et le peut, le flux des réfugiés. Le débat ne porte pas seulement sur le partage du financement entre la Commission et les États, mais aussi sur le contrôle de l’affectation des sommes, dont le gouvernement turc ne veut pas entendre parler.

À l’initiative de la Commission, une nouvelle version de la réglementation de Schengen devrait voir le jour « au printemps », pouvant aboutir à un autre principe de répartition des réfugiés, une fois ceux-ci parvenus à y accéder. Si l’on comprend bien, elle pourrait s’inscrire dans le cadre proposé par Angela Merkel et aboutir à une clé de répartition entre les pays membres, afin que toute la charge des nouveaux réfugiés ne repose pas sur le pays d’entrée comme c’est actuellement le cas, et a failli. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Un nouveau corps de gardes-côtes et gardes-frontières européens sera également proposé d’ici l’été, mais quand pourra-t-il être effectivement opérationnel, alors qu’il est déjà établi que l’exode n’est pas prêt de s’arrêter et reprendra de plus belle l’hiver passé ? Une question majeure en découle : en attendant que ces hypothétiques nouveaux dispositifs soient mis en place et donnent les résultats attendus, quelles seront les effets politiques désastreux et souvent nauséabonds de la poursuite de l’exode en Allemagne et dans toute l’Europe du Nord et de l’Est ? Comment les circonscrire, alors qu’ils sont déjà montants, si des décisions politiques valorisant l’accueil et ne jouant pas sur la peur ne sont pas clairement prises et cette fois-ci appliquées ? La démission actuelle des dirigeants politiques européens a un précédent, dans un autre contexte, dont les effets furent terribles. S’en souvenir n’est pas superflu.

Les Turcs sont malgré tout la carte de la dernière chance de nos édiles, car ils n’en disposent pas d’autre. Une délégation menée par le premier ministre Ahmet DavutoÄŸlu va se rendre à Berlin le 22 janvier, dans le contexte d’une détérioration rapide de la situation en Turquie, qui répond de moins en moins aux critères politiques d’un rapprochement avec l’Union européenne dont la discussion a cependant commencé. Jusqu’à quand un tel grand écart sera-t-il possible, les dirigeants européens n’étant plus à un reniement près des valeurs dont ils se réclament ? Cela commence toujours comme cela, que ce soit à propos des autres ou des libertés publiques, car c’est le même sujet.

Sous le coup d’une menace pour « propagande terroriste », une vingtaine d’universitaires turcs qui avaient appelé avec 1.200 collègues à l’arrêt des opérations des opérations militaires contre les Kurdes du PKK dans l’Est du pays ont été interpellés et placés en garde à vue, avant d’être relâchés, des procédures engagées contre eux et contre des dizaines de leurs collègues par les autorités académiques. La dérive du régime de Recep Tayyip Erdoǧan ne cesse de s’approfondir.

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