Les politiques de l’infamie (Europe, début du XXIe siècle), par Jacques Seignan

Billet invité.

Certains dirigeants des pays européens et de l’Union européenne (UE) sont-ils engagés dans une compétition pour franchir le mur de l’infamie ?

Examinons certains développements en cours. En Pologne le pouvoir du PiS met en place des restrictions des libertés et la Commission européenne (CE) s’en inquiète à juste titre et veut agir. En Hongrie V. Orban avait ouvert la voie à ce genre d’autoritarisme et la CE a paru moins active … Mais de quelle légitimité démocratique la CE peut-elle se prévaloir pour se présenter en rempart de la démocratie ? Sans même mentionner qu’elle est un organisme non élu, elle participe comme membre de la Troïka à une politique féroce d’oppression et d’asservissement destructif de la Grèce, avec l’intention délibérée de donner un avertissement terrible à tous les peuples européens qui auraient la moindre velléité de choisir par leur vote une voie alternative à l’ultralibéralisme.

Une nouvelle infamie est perpétuée dans un pays de l’Union européenne. Ce pays vertueux (car il est dans les clous de la politique économique européenne) c’est le Danemark : son parlement va voter une loi infâme. Un article du Monde et AFP daté du 12.01.2016 a pour titre : « Danemark : le projet de loi sur la confiscation des biens des migrants trouve une majorité ».  Le gouvernement de droite soutenu par son partenaire d’extrême-droite et par les sociaux-démocrates propose un projet de loi (à débattre le 26.01.2016) pour que les policiers aient le pouvoir de «saisir des biens que les demandeurs d’asile apportent avec eux afin de couvrir leurs besoins en alimentation et en hébergement ».

Il faut exposer les plus sordides détails d’un texte qui a pourtant été « édulcoré » : au lieu d’être autorisé à ne conserver que 3000 DKK (ca 400 €) les réfugiés pourront en garder 10.000, soit environ 1350 €. Toujours dans un sursaut d’« humanisme », les « biens à valeurs affectives ne sont pas concernés » ; c’est-à-dire, « bagues de mariage ou de fiançailles, portraits de famille, médailles… – ou encore les objets utilitaires – montres, téléphones portables… ». Lire et relire ça. Il y a des parlementaires en Europe, en 2016, pour spolier des gens qui ont perdu leur maison, leur travail, abandonné leur pays – parfois au prix de tous les dangers.

– et certains députés ne pouvant éviter de ressentir l’abjection de leur décision, pris d’un scrupule écœurant, consentent à leur laisser les bagues de mariages. A vomir.

Le journal suisse Le Temps éclaire parfaitement la finalité de cette loi : le gouvernement danois donne aux réfugiés le signal que le Danemark est une destination à éviter. Des familles entières fuient la Syrie où les horreurs perpétuées par le régime de Bachar Al-Assad et les atrocités innommables de Daesh les mettent en danger de mort. Les députés danois devraient savoir que la vie n’a pas de prix (1) et ils savent probablement que cette mesure abjecte de spoliation est dérisoire pour compenser des frais quelconques. Or les sociaux-démocrates danois vont soutenir des mesures inefficaces et infâmes prises pour satisfaire une opinion décérébrée et manipulée et essayer de séduire les électeurs d’extrême-droite, au prix du reniement des valeurs les plus fondamentales. Ce cas de figure s’applique également en France avec la « déchéance de nationalité » mesure totalement inefficace (et assumée comme telle puisque « symbolique ») qui, selon le Défenseur des droits M. J. Toubon, bafoue les principes de la République  (2). Les patrons des partis socialistes et sociaux-démocrates, « bêtes & méchants », suivent ainsi une stratégie identique avec ces décisions scandaleuses, reprises par pure démagogie à l’extrême-droite, en piétinant des valeurs fondamentales – il est vrai que « les valeurs de gauche » exaspèrent M. Valls. Les leaders des « gauches de gouvernement » européennes sont-ils stupides au point de croire que leurs électeurs vont continuer à les suivre dans leur déchéance politique ?

Et l’Europe réagira-t-elle enfin à ces dérives inacceptables sans faire deux poids, deux mesures ? M. Juncker va-t-il tancer la Première ministre polonaise, Mme B. SzydÅ‚o et approuver tacitement le Premier ministre danois, M. L. Rasmussen, surveiller la « méchante » Polonaise et oublier le « gentil » Danois ?

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(1) – Triste ironie de l’Histoire. Au milieu du IXe siècle, les Vikings venus du Danemark imposèrent aux populations vivant en Angleterre le danegeld, tribut payé pour épargner leur vie. Vivons-nous une régression vers ces temps obscurs ?

(2) – « Si cette déchéance pour les Français nés Français était votée, je pense qu’on passerait d’une République indivisible à une République divisible et que l’on passerait d’une citoyenneté indivisible à une citoyenneté divisible« , a-t-il souligné.

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