EL NIÑO 2015-2016 : hélas monsieur Attali, le Père Noël n’existe pas, mais nous devrions tous croire en « L’enfant Jésus »…, par Philippe Soubeyrand

Billet invité.

C’est un fait incontestable : El Niño 2015-2016 pulvérise bel et bien tous les records d’El Niño 1997-1998 et contribue de manière substantielle au réchauffement climatique en cours dont il est aussi le fruit ! Les dernières images de la NASA (National Aeronautics and Space Administration) nous laissent sans voix…

Fig1-Image_El_Nino_1997_vs_2015

El Niños 1997 vs 2015 – Image publiée par la NASA/JPL-Caltech le 06/12/2015 [1].

Car non seulement les records de l’anomalie de température de surface en El Niño 3.4 sont désormais battus comme nous allons pouvoir le voir ci-après, non seulement l’impact sur les niveaux de l’océan se révèle sans équivalent depuis que les satellites Poseidon puis Jason collectent ces mesures, mais en plus de tout cela, l’étendue du phénomène océanique qui frappe actuellement l’océan Pacifique s’avère à la fois inouïe et persistant, le Golf du Mexique se retrouvant lui aussi impacté du fait de l’emballement climatique en cours.

Fig2-Animation_El_Nino_1997_vs_2015

El Niños 1997 vs 2015 – Animation publiée par la NASA/JPL-Caltech le 06/12/2015 [1].

Sur cette carte consolidée par la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), par l’intermédiaire de son département Climate Prediction Center, il est possible de se rendre compte de la situation de l’anomalie de température de surface des océans telle qu’elle devrait perdurer courant février-mars-avril 2016 sur la base des données de mesure d’ores et déjà collectées sur la période allant du 13 décembre 2015 au 22 décembre 2015 :

Fig3-Situation_Globale_El_Nino_2015

Rq. notez bien la situation telle qu’elle devrait être lors de la saison chaude en Antarctique et notamment au voisinage de la Barrière de glace dite de Ross [2]…

A ce stade, les données de la NOAA sont claires. La moyenne sur trois mois de l’anomalie de température de surface en El Niño 3.4 est d’ores et déjà validée à 2°C sur le trimestre septembre-octobre-novembre 2015 par rapport à 1950, sachant que des pics à 3°C ont pu être mesurés depuis fin novembre 2015 et qu’elle était de 2,9°C sur la période allant du 14 décembre 2015 au 21 décembre 2015 [3] ; en 1997, la moyenne sur trois mois de l’anomalie de température de surface en El Niño 3.4 ne dépassait pas 2,3°C pour chuter rapidement à 2,1°C dès le début 1998 ! Or, certains modèles de l’IRI (International Research Institute) montrent déjà que la moyenne à trois mois de l’anomalie de température de surface en El Niño 3.4 devrait se maintenir autour de 3°C dès le début 2016 sur la base des observations de novembre 2015, alors que d’autres modèles, notamment les modèles statistiques, semblent dans le même temps mathématiquement perturbés par la situation inhabituelle en cours !

L’avenir nous dira très prochainement lequel de ces modèles était dans le vrai. Mais la comparaison avec la mise à jour IRI du 13 octobre 2015 [4] laisse entrevoir une certaine déception côté scientifique, les modèles semblant tous se contredire eux-mêmes, sans doute du fait de bases d’apprentissages beaucoup trop optimistes par rapport à la réalité en cours !

Fig4-IRI

Source : NOAA Climate Prediction Center [3], mise à jour IRI du 15 décembre 2015.

En attendant de le savoir, force est de constater que ce phénomène océanique a un impact non négligeable sur le réchauffement climatique en cours dont il est aussi le fruit. C’est ce que l’on appelle en langage scientifique une boucle de rétroaction positive dont personne ne peut savoir à ce jour ce que cela peut présager pour notre avenir proche.

Les données de mesure concernant le mois de novembre 2015 viennent d’être rendues publiques par la NOAA, par l’intermédiaire de son département National Centers for Environmental Information [5]. L’année 2015 pulvérise mois après mois tous les records depuis le début des mesures en 1880. L’anomalie de température moyenne globale (continents + océans) a été retenue pour ce mois de novembre à +0,97°C, et ceci notamment grâce à une anomalie record de température moyenne des océans de +0,84°C, l’anomalie de température moyenne des continents se retrouvant à la cinquième place depuis 1880 à +1,31°C. De plus, une simple comparaison avec les données de mesure du mois de novembre 2014 [6] permet de se faire une idée plus précise de notre situation actuelle sachant en outre que 2014 avait été déclarée courant 2015 l’année la plus chaude depuis le début des mesures en 1880. Or, qu’avions-nous en novembre 2014 :

– une anomalie de température moyenne globale (continents + océans) à +0,65°C,

– une anomalie de température moyenne des océans de +0,59°C,

– une anomalie de température moyenne des continents à +0,82°C !

Comparons maintenant visuellement les période janvier-novembre 2014 et 2015 ; nul besoin de rappeler dans quelle région du monde se produit le phénomène océanique El Niño… Comment pourrions-nous ne pas entrevoir ici l’évidence d’une interaction énergétique entre les océans et l’atmosphère ?

Fig5-Anomalie_T°C_janvier_novembre_2014

Fig6-Anomalie_T°C_janvier_novembre_2015

Mais il y a pire encore comme constat puisque l’anomalie de température moyenne globale (continents + océans) avait été retenue pour l’année 1997 à +0,42°C [7], alors qu’elle vient d’être retenue à +0,87°C pour la seule période janvier-novembre 2015, soit une hausse probable de plus de 100% par rapport à 1997 lorsque les données définitives pour le mois de décembre 2015 seront connues !

Il semblerait donc que nous ne prenions aucun risque à ce stade des mesures en affirmant dès maintenant que l’année 2015 sera bel et bien l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis le début des mesures en 1880, et ceci en dépit d’une fin de cycle solaire très remarquée, voire d’un début de minimum solaire [8]… comme quoi !

Fig7-Sunspot_novembre_2015

Dans son dernier billet intitulé L’année des bonnes surprises, Jacques Attali dresse sur son Blog un inventaire des pires événements probablement à venir courant 2016. Parmi ces pires figurent notamment les « catastrophes naturelles liées aux changements climatiques » [9]…

El Niños 2015-2016 – Vidéo publiée par la WMO (World Meteorological Organization) le 16/11/2015.

« L’enfant Jésus » ! C’est ainsi que les populations de la côte ouest d’Amérique du Sud, notamment celles d’Équateur et du Pérou, nomment ce phénomène océanique de l’est de l’océan Pacifique se formant périodiquement aux alentours de Noël, et plus connu sous le nom d’El Niño. Depuis plusieurs mois maintenant, nous vous informons de la situation dans cette région sur le Blog de Paul Jorion. Nous vous annoncions notamment la formation d’un nouveau phénomène observé par la communauté scientifique, et d’ores et déjà connu sous le nom de Blob. L’année 2015 arrivant à son terme, ils nous semblait nécessaire de vous rappeler dans quelles conditions l’année 2016 allait démarrer. Car parmi les pires d’ores et déjà évoqués par monsieur Attali, il en est un qui méritait toute notre attention !

Tout d’abord, nous devrions tous nous souvenir qu’El Niño 1997-1998 fût le plus coûteux du XXème siècle tant en vies humaines qu’en dégâts matériels. Au total, ce sont plus de 20000 personnes qui y laissèrent la vie lors d’épisodes climatiques extrêmes courant 1998, dont près de 10000 uniquement lors du passage de l’ouragan Mitch qui frappa violemment le Nicaragua et le Honduras. En outre, l’ensemble des dégâts matériels furent estimés à l’époque à plus de 30 milliards de dollars. Enfin, plus d’1 million de personnes furent déplacées…

Ensuite, nous devrions ne pas perdre de vue que les impacts à la fois climatiques et économiques d’El Niño sont planétaires et pas simplement locaux. Sur cette carte mise à jour par l’USAID (United States Agency International Development) [10], il est possible de se faire une idée très précise quant aux impacts climatiques à venir d’un tel phénomène, les coûts étant donnés à titre indicatif à partir des données connues issues de l’épisode El Niño 1982-1983… nul doute que ses prévisions devront être revues à la hausse au regard de ce qui s’est déjà produit lors de l’épisode 1997-1998 !

Fig8-Impacts_El_Nino_2015-2016

Qu’on se le redise une énième fois, ce qui se met en place aujourd’hui et qui aura un impact global demain, n’est que le fruit de nos erreurs passées, présentes… et futures [11] !

Joyeux Noël à tous et bonnes fêtes de fin d’année !

***

[1] NASA Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology, El Niño: 1997 vs. 2015, updated through December 6, 2015.

[2] Barrière de glace, Wikipédia, L’encyclopédie libre, 15/12/2015.

[3] NOAA Climate Prediction Center, ENSO : Recent Evolution, Current Status and Predictions, published online December 2015, retrieved on December 24, 2015.

[4] ETAT D’URGENCE : crise systémique globale, emballement climatique, Atlantique Nord vs El Niño, COP21 et/ou Loi de Puisseguin… Regardons ce « soliton » en face !, par Philippe Soubeyrand.

[5] NOAA National Centers for Environmental Information, State of the Climate: Global Analysis for November 2015, published online December 2015, retrieved on December 24, 2015.

[6] NOAA National Centers for Environmental Information, State of the Climate: Global Analysis for November 2014, published online December 2014, retrieved on December 24, 2015.

[7] NOAA National Centers for Environmental Information, State of the Climate: Global Analysis for Annual 1997, published online January 1998, retrieved on December 24, 2015.

[8] NOAA Space Weather Prediction Center, Sunspot Number Progression for November 2015, published online December 2015, retrieved on December 24, 2015.

[9] Jacques Attali, L’année des bonnes surprises, L’EXPRES, Le Blog de Jacques Attali, 21/12/2015.

[10] USAID From The American People, El Niño Impacts, last update 08/06/2015.

[11] COP21 : un petit coup de marteau pour l’homme, un grand coup de masse sur l’Humanité… des lobbies en liesse… la grande parade des ONG est terminée !, par Philippe Soubeyrand.

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