Billet invité.
La Fed a finalement porté son principal taux à 0,25% après des mois d’atermoiement et huit ans de taux quasiment nul. Il ne fallait pas prendre les marchés par surprise, et le moins que l’on puisse dire est que ces derniers ont eu le temps de se préparer. Mais d’autres considérations n’ont pas été étrangères à cette prudence de sioux.
Le fait était entendu: la taille démesurée du bilan de la Fed – quatre mille milliards de dollars – ainsi que son taux quasiment nul n’ont pas été à la longue sans effets sur le fonctionnement du système financier. Ces distorsions ont été mises en avant par ceux qui ne jurent que par le marché pour presser la Fed de revenir sur ses mesures non conventionnelles, avec la plaisante idée que tout rentrerait dans l’ordre quand on cesserait de l’importuner. Ne partageant pas cette vision angélique, la Fed a décidé d’y aller par petites touches successives, afin d’évaluer ce qu’elle n’est pas capable d’anticiper avant de poursuivre ce qu’elle engage.
Les sujets d’observations de la Fed ne manquent pas. Dans un monde où l’endettement privé a continué d’enfler, comment l’augmentation du coût de refinancement de la dette sera-t-il absorbé par les emprunteurs ? Dans un autre où les fonds de placement et fonds indiciels côtés (ETF) ont été chercher du rendement en accroissant la maturité moyenne des obligations détenus dans leurs portefeuilles, comment vont-ils supporter l’augmentation de la duration(*) et du risque qui en découle de leurs titres ? Ou bien encore, quelles vont être les effets imprévus du brusque déplacement d’énormes masses financières, qui après avoir déserté les fonds monétaires ont commencé à y retourner ?
Le calme qui a suivi l’annonce de la Fed ne doit pas être abusivement interprété, car la manifestation de nombreux phénomènes est à retard. Exciper de l’addiction des marchés pour toute explication permet de s’en tirer à bon compte en faisant référence au symptôme sans décrire ses mécanismes, cette facilité couramment employée.
Une constatation élémentaire devrait s’imposer : plus la masse des actifs financiers s’accroît, plus le système est fragile et instable, oscillant de crise de volatilité en crise de liquidité, tout en masquant son insolvabilité. Il peut être de ce point de vue comparé à une gigantesque pyramide de Ponzi, condamnée à grossir jusqu’au jour où…. les amortisseurs mis en place par la régulation bancaire se révéleront être en retard d’une crise.
La décision de la Fed témoigne moins d’un début de retour à la normalité que d’un délicat arbitrage entre de nombreux écueils. Et si Mario Draghi passe à l’acte, après avoir annoncé à total contre-pied de la Fed qu’il « utilisera tous les moyens à sa disposition pour redresser l’inflation », la réaction du marché à une telle situation inédite constituera une inconnue de plus ! Les banques centrales naviguent à vue.
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(*) La duration d’une obligation est la durée de vie moyenne de ses flux financiers pondérée par leur valeur actualisée. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus la duration est élevée, plus le risque est grand (Wikipédia).
@Khanard, J’ai été surpris d’être sur la liste alors que personne ne m’avait sollicité. Probablement mes travaux sur l’intrication quantique…