Nous n’avons pas voté pour les actes de guerres exécutés en notre nom, par Stéphane-Samuel Pourtalès

Billet invité.

Un « not in my name » pour les frappes en cours en Syrie est-il responsable et démocratique ?

Les articles 5 et 15 de notre constitution précisent que le Président de la République est « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités », et également « chef des armées ». Il dispose donc dangereusement d’un droit absolu sur le déploiement des forces armées, malgré les articles 20, 21, et 35 qui semblent donner quelques prérogatives au gouvernement et au parlement. Il paraît donc logique que François Hollande, Nicolas Sarkozy, et tous ceux qui ont utilisé l’armée française pour « libérer » le monde, n’ont absolument jamais consulté le peuple français pour le faire, et n’ont rendu de comptes qu’à leur discrétion, alors que pour le monde entier, c’était « La France » qui était engagée.

Cette anomalie tient au fait que les opérations militaires de l’armée sont envisagées dans les textes comme des opérations de défense de l’intégrité de la nation, ne pouvant donc souffrir d’aucune remise en cause logique quant à leur principe. Cette anomalie tient également au fait que l’autorité du Président est assise sur des élections, et que la question de la guerre est la plupart du temps disjointe du calendrier électoral.

Le premier article du code de la défense stipule que « La politique de défense a pour objet d’assurer l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale. Elle pourvoit au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense commune. » C’est en se rangeant derrière le mot « défense » et sa logique impérieuse, que sont menées les opérations dites de « maintien de la paix », qui sont en réalité des opérations offensives visant, dans un conflit extérieur, à choisir le camp d’un des belligérants et à détruire l’autre. (Détruire au sens premier, il s’agit de balles et de bombes).

Sans prendre parti a priori pour ou contre de telles interventions, il devrait se constituer dans notre droit, en parallèle du code de la défense, un « code de l’attaque », ou du « droit d’ingérence », si on veut, qui préciserait les modalités d’action de l’armée qui ne ressortent pas vraiment de l’urgence de la sécurité nationale. Dans ce cadre-là, et vu la gravité des décisions prises, une participation du parlement et même un référendum devraient être logiquement imposés.

Un tel contrôle démocratique est exigé par un des premiers principes de notre constitution : l’article 3 définit fondamentalement que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Or on peut légitimement se demander si la décision de destruction militaire, prise hors du cadre de la stricte défense du pays, est réellement le fait d’un « représentant du peuple », dans la mesure ou il n’a pu, pour des raisons de calendrier, en faire état pour se faire élire. Nous avons plutôt l’impression qu’elle est le fait d’une « section du peuple et d’un individu », et qu’elle est profondément illégitime. Nous avons des raisons de nous sentir dépossédés et circonvenus par ces opérations de violence d’état qui n’ont jamais fait l’objet d’un débat démocratique.

Les pouvoirs publics s’appuient souvent sur des sondages « d’opinion » pour justifier implicitement leur action. Opinions éventuellement fabriquée par un certain type de propagande médiatique, transformant à son gré la destruction militaire en combat de défense de l’opprimé ou de la paix. L’Histoire, écrite par les vainqueurs, parle de ses guerres saintes, guerres qu’elle a remportées « contre l’oppression », luttes sublimes de défense et autres récits mythiques qui voudraient nous faire croire que c’est là que peut -que doit- se situer notre héroïsme personnel. Aujourd’hui plus que jamais, les civils sont « convertis de force » en militaires par nos dirigeants, comme ne l’a pas caché François Hollande aux Invalides. C’est à dire conviés à la soumission face aux engagements armés à venir. Transformer médiatiquement « leur » guerre en « notre » guerre, en prolongeant de ce fait la pauvre logique de ces paumés terroristes français, est une voie possible pour un monde militarisé et un régime d’exception sans fin.

S’acharner à penser le réel, c’est accepter d’entendre et voir les bombes exploser, d’un côté comme de l’autre. C’est imaginer les corps et les sociétés en ruine. Nous vient alors un arrière-gout d’absurdité, quant aux discours d’urgence, de nationalisme et autres mains en rang aux bonnes intentions. Quant à l’impact sur l’avenir des réponses par destruction. Notre constitution actuelle ne fonde pas notre pouvoir démocratique mais au contraire dresse un paravent « sécuritaire » entre nous et l’action portée en notre nom dans le monde, distance comblée par la proposition médiatique et scénarisée de « communion » revancharde.

On a aboli la peine de mort, mais pas pour tout le monde, et sans juge ni justice.

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