Quel pourrait être l’impact de « Penser tout haut l’économie avec Keynes » ?

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Paul Jorion, Penser tout haut l’économie avec Keynes, Odile Jacob 2015 : 307-308

Quel pourrait être l’impact d’un livre comme celui-ci ? La réponse se trouve peut-être dans l’intervention de Joan Robinson lors de la discussion qui conclut les conférences Rafaelle Mattioli données par Richard Kahn en 1978 à Milan et consacrées à la genèse de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie.

Robinson dit ceci à cette occasion :

« Le principal problème de Keynes était qu’il était un idéaliste. Il pensait qu’aussitôt que les gens auraient compris sa théorie, auraient compris comment le système capitaliste fonctionne véritablement, ils se comporteraient de manière raisonnable et géreraient le système de telle sorte que des effets positifs en résultent, et en particulier un niveau d’emploi élevé et stable. […]

Keynes était un innocent qui croyait qu’une théorie intelligente prévaut sur une autre qui est stupide. Mais il va de soi que dans le monde réel l’impact d’une politique ne découle pas d’une compréhension intelligente de l’économie mais du jeu des intérêts particuliers et du désir de défendre le capitalisme contre les courants de pensée radicale de chaque époque.

Comparer les mérites des approches est donc une perte de temps. Du point de vue du mérite, qui pourrait bien préférer Milton Friedman à Keynes ? […] mais ceci ne signifie nullement que l’influence de Keynes prévaudra sur celle de Friedman. […]

Telle était la faiblesse de la position de Keynes : il nous montra comment comprendre les problèmes mais il ne comprit pas comment les résoudre » (in Kahn 1984 : 203-205).

Keynes était aussi proche qu’un intellectuel puisse jamais l’être d’un homme d’État susceptible de voir les décisions qu’il prend se matérialiser dans la réalité concrète, il n’en fut pas moins aux yeux d’une de ses proches, nous venons de le voir, un « innocent ».

Keynes n’encouragea pas seulement le public à lire ses livres, il encouragea aussi les bons entendeurs à lire ce qu’il avait écrit entre les lignes. Ce que le monde décide ensuite de faire de ce qui est écrit au sein de ces lignes d’une part, et entre elles d’autre part, ne relève plus d’un auteur mais de ses lecteurs.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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