À l’heure où l’on est, par Cécile Asanuma-Brice

Billet invité.

À l’heure où l’on est

À l’heure où l’on répond au sang par le sang.

À l’heure où les ventes d’armes abreuvent nos économies humanicides.

À l’heure où la pensée de nos sociétés aveuglées par la consommation est gangrenée par un fanatisme inculte.

À l’heure où l’État-protecteur s’arroge le droit de perquisitionner les intégristes (?) agricoles [1] qui mettent moins en péril la sécurité civile que celle du TAFTA et autres marchés de l’environnement.

À l’heure où l’avenir climatique débattu lors du COP 21 sera aux mains des industrieux « promenant leur impunité au soleil, tandis que des innocents pourrissent dans la terre » (Zola, Débâcle, 1892).

À l’heure où les manifestations institutionnelles seront maintenues quand les manifestations civiles seront interdites.

A l’heure où l’on nous vendait du « involvement of stakeholders » à tout bout de chant  de conférence en conférence, la participation citoyenne deviendrait soudainement un danger :

La participation… : oui ! L’opposition… : non !

La seule participation civile autorisée dans l’État sécuritaire se doit d’être résiliente, sage, docile et soumise aux décisions gouvernementales. La participation civile n’est plus envisageable que voguant dans le sens du vent. Il s’agit plus d’une manœuvre communicationnelle qui produit l’illusion d’une ouverture au processus décisionnel en vue d’une acceptation civile des choix établis, que d’un véritable mode participatif qui prendrait en considération les voix citoyennes. En ces temps instables, la sécurité imposerait de faire taire toute voix d’opposition en vue de protéger, contre leur gré, ceux-là même qui souhaiteraient afficher leur désaccord. La belle aubaine…

Michel Galy coordinateur de l’ouvrage La guerre au Mali nous rappelait, il y a peine deux ans :

(…) la reprise par un gouvernement socialiste de la rhétorique de la « guerre au terrorisme » initiée par Georges W. Bush après le 11 septembre (mais rejetée par Barack Obama qui déclarait avec pertinence qu’on ne fait pas la guerre à un mode opératoire), sonne comme une capitulation idéologique et témoigne d’une incapacité à prendre en considération la base sociale des mouvements militaro-religieux et, par conséquent, à envisager des alternatives possibles à l’action armée.

Faire croire à une nécessité de protection pour mieux soumettre est un mécanisme-clef de nos démocraties dont il ne reste plus qu’une image aux couleurs fondues qui coulent telles des larmes dans l’aven.

Cécile Asanuma-Brice,
Yokohama, le 30 novembre 2015

P.S. Le texte mentionné ci-dessous, en décryptant les politiques de communication sur le risque, apporte des outils de réflexion dont aucun de nous ne devrait se priver, … à l’heure où l’on est.

De la vulnérabilité à la résilience, réflexions sur la protection en cas de désastre extrême – Le cas de la gestion des conséquences de l’explosion d’une centrale nucléaire à Fukushima

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[1] Bastamag, 26 nov. 2015, État d’urgence : Perquisition administrative chez des maraîchers bio : « ils s’attendaient à quoi, des légumes piégés ? »

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