Billet invité.
La crise des réfugiés se poursuit dans un chaos qui ne cesse de s’aggraver. Dimitris Avramopoulos, le commissaire à l’immigration, promenait hier soir son désenchantement dans les couloirs de la Conférence sur la migration de La Valette (Malte) : « Schengen est la plus grande et plus tangible réalisation de l’intégration européenne » » disait-il, « mais certaines politiques mettent en danger Schengen. C’est un moment difficile pour l’Europe, malheureusement le rêve européen a disparu. » Cela en prend certes le pas pour les Européens, mais pas pour les réfugiés dont l’exode semble destiné à se poursuivre sans que l’on en voie la fin.
Thomas de Maizière, le ministre allemand de l’intérieur qui s’oppose à Angela Merkel, prévient que « le temps est compté » sans dire pourquoi, et le premier ministre suédois reconnait, à propos de Schengen, que « nous avons besoin d’un autre système » sans le décrire. Ni les paroles ni les esprits ne sont au clair. Dans l’immédiat, la confusion s’est installée et s’amplifie, sur laquelle il va être très difficile de revenir.
Les exemples n’en manquent pas : la relocalisation des réfugiés ne fonctionne pas, ceux-ci souhaitant tous aller en Allemagne ou en Suède et les autres gouvernements ne se précipitant pas pour déclarer des places disponibles. Des centaines de milliers de réfugiés sont déjà à demeure en Suède et en Allemagne sans avoir été enregistrés à leur entrée dans l’espace Schengen. La Grèce et l’Italie sont censés faire fonctionner des « hotspots » afin d’y procéder dorénavant, mais le manque des moyens les plus élémentaires et de personnel est criant, mesurant la distance existante entre les paroles et les actes des dirigeants européens.
Qu’en sera-t-il, à cette aune, des « centres » qui devraient être installés le long de la Route des Balkans ? Dimitris Avramopoulos exprime son inquiétude pour le court terme : « nous ne pouvons pas avoir une situation humanitaire critique à nos frontières, nous ne pouvons pas laisser les gens mourir de froid dans les Balkans », mais il ne propose pas de créer un couloir humanitaire sous les auspices de la Commission européenne, en coordination avec les gouvernements concernés.
Un sommet européen extraordinaire suit aujourd’hui la conférence de La Valette, convoqué par Donald Tusk, le président du Conseil de l’Europe auquel est prêtée l’intention de proposer des mesures « drastiques ». Sans attendre leur adoption, une dynamique d’instauration des contrôles aux frontières internes de l’espace Schengen s’est instauré. La Slovénie, l’Autriche, la Suède et l’Allemagne y sont engagées, la Hongrie ayant commencé.
Non seulement les plans de renforcement de la gouvernance européenne font désaccord – pour ne pas parler des négociations qui s’entament avec le gouvernement britannique – mais l’Europe commence à se déstructurer, ce que la BCE avait pu éviter au plus chaud de la crise de l’euro. L’heure est à la montée de la xénophobie et du repli sur soi, non sans conséquences électorales.
Afin sinon de stopper mais de ralentir le plus possible l’exode des réfugiés, un accord est recherché avec la Turquie. Mais le président turc Recep Tayyip Erdogan vient de doucher les espoirs des autorités européennes en proposant de « régler cette affaire » à sa manière. Afin d’y installer les réfugiés, il propose à nouveau la proclamation d’une « zone nettoyée des terroristes, une zone d’exclusion aérienne » à l’intérieur de la Syrie, à ses frontières nord.
Il omet simplement un petit détail : appelée le Kurdistan syrien, cette zone autonome pourvue depuis 2013 d’un gouvernement de facto est sous contrôle des milices kurdes et deux millions de Kurdes y vivent. Le président Erdogan cherche rien moins qu’à enrôler les dirigeants européens dans sa guerre contre les Kurdes…
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Jour par jour, les chiffres de l’exode du HCR.
@Khanard, Merci pour ce commentaire stimulant et bienvenu. Il me fait penser à cette phrase de Hölderlin : « Là où…